marchés financiers internationaux
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 2008
CRISE FINANCIÈRE
M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, chacun ici mesure la gravité et l'ampleur de la crise financière que traverse le monde. Ce n'est pas un accident. C'est la crise d'un système, celui de la dérégulation voulue par des gouvernements libéraux, notamment aux États-Unis, mais pas seulement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Patrick Roy. Eh oui !
M. François Hollande. Cette crise ne date pas de la faillite, l'été dernier, d'un établissement financier : elle est née il y a un an de la crise des subprimes et, pendant un an, votre gouvernement a sous-estimé son impact sur l'économie réelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Alain Gest. C'est minable !
M. Christian Paul. Non, c'est la triste réalité !
M. François Hollande. Combien de fois ne vous avons-nous entendus, monsieur le Premier ministre, madame la ministre de l'économie, nous dire qu'il n'y avait pas de danger, que cette crise ne toucherait pas la France, que le système financier européen, à la différence du système américain, était solide et qu'aucun établissement financier n'était menacé ? Or aujourd'hui, la situation commande de sécuriser le dépôt des épargnants ! Et, de ce point de vue, c'est moins la parole du Président de la République que la loi de 1999 qui en assure la garantie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À chaque fois qu'un établissement financier est menacé, il faudra, monsieur le Premier ministre - et nous vous soutiendrons pour cela -, une intervention de l'État, mais à la condition que l'État prenne, de façon à préserver les intérêts du contribuable, une contrepartie, c'est-à-dire un contrôle sur l'établissement financier concerné, ainsi sauvé.
Le problème majeur pour notre économie, déjà affectée par une faible croissance, par des déficits publics considérables ainsi que par un déficit du commerce extérieur record, est aujourd'hui l'accès des entreprises et des particuliers au crédit. La menace qui pèse sur notre économie, c'est que les établissements financiers et les banques resserrent la distribution des prêts, faute d'avoir une sécurité sur leurs propres engagements. D'où nos propositions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La première proposition vise à faciliter l'accès des PME et des ménages au crédit, par la création d'un fonds de garantie des prêts permettant aux établissements financiers d'assurer leur rôle de distribution de liquidités à l'ensemble de l'économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Noël Mamère. Très bien !
M. François Hollande. La seconde, c'est de soutenir l'investissement, privé comme public. Je réitère, ici, la nécessité de moduler l'impôt sur les sociétés ; si le bénéfice est réinvesti, l'impôt doit, dans ces conditions, être abaissé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Marc Laffineur. N'importe quoi !
M. François Hollande. S'il est distribué aux actionnaires, l'impôt doit être relevé.
M. Richard Mallié. La question !
M. le président. Monsieur Hollande, veuillez conclure. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. François Hollande. Quant à l'investissement public, si vous persistez dans le blocage des dotations de l'État aux collectivités locales au moment où celles-ci peuvent encore soutenir les efforts en faveur des équipements publics, alors vous mettrez gravement en cause la croissance.
Compte tenu de la gravité de la crise, je vous demande, monsieur le Premier ministre, un débat national, ici, au Parlement, afin que nous examinions ensemble les réponses à apporter à cette crise ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissement longuement ; plusieurs députés du groupe GDR applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Oui, je crois, monsieur Hollande, qu'il est des moments dans la vie d'un pays où l'unité nationale est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) En disant cela, je ne vous demande pas d'approuver la politique économique et sociale du Gouvernement. (Rires et exclamations sur les bancs des groupe SRC et GDR.)
M. Henri Emmanuelli. Il n'y a pas de danger !
M. François Fillon, Premier ministre. Vous n'avez pas été élus pour cela et, je vais vous faire une confidence, nous non plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe GDR.)
Il est nécessaire de faire bloc autour des mesures qui permettront à notre pays de traverser cette crise financière, dont vous avez eu l'honnêteté de rappeler qu'elle était née outre-Atlantique. Je relève d'ailleurs que telle est l'attitude adoptée par les forces politiques de la plupart des grands pays affectés par cette crise ! Aujourd'hui, républicains et démocrates négocient ensemble au Congrès des États-Unis, même si cela n'est pas facile. J'ai noté aussi que le chef du parti conservateur britannique vient d'apporter son soutien à la politique conduite par le Premier ministre du Royaume-Uni pour faire face à la crise.
Cette crise, mesdames, messieurs les députés, est mondiale. Et lorsque vous essayez de faire croire qu'elle est franco-française, ...
M. Frédéric Cuvillier. On n'a pas dit cela !
M. François Fillon, Premier ministre. ...c'est évidemment oublier que l'ensemble des pays de la zone euro connaît un ralentissement équivalent de leur croissance ou que l'Espagne, dirigée par un gouvernement socialiste, vient de connaître une augmentation de 25 % de son chômage en douze mois.
Ce que nous vous demandons, monsieur Hollande, c'est de discuter ensemble de la refondation des institutions financières internationales.
M. Bruno Le Roux et M. Philippe Vuilque. Un débat !
M. François Fillon, Premier ministre. Il me semble avoir lu que vous l'avez vous-mêmes demandé.
M. Bruno Le Roux. Où et quand ?
M. Michel Sapin. Ici !
M. François Fillon, Premier ministre. Je vous propose, monsieur Hollande, que nous discutions ensemble des conditions permettant la mise en oeuvre d'une régulation financière internationale plus stricte et plus efficace.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ici ! Au Parlement !
M. François Fillon, Premier ministre. Je vous propose, monsieur Hollande, que nous discutions ensemble des conditions de l'intervention de l'État pour faire en sorte qu'aucune grande banque française ne soit acculée à la faillite. Enfin, monsieur Hollande, je vous propose que nous discutions ensemble des conditions d'un soutien financier aux petites et moyennes entreprises. Je tiens à vous dire également que le Premier ministre est à votre disposition pour discuter de ces sujets avec les représentants des groupes politiques de l'opposition.
Par ailleurs, le Gouvernement - et, au premier chef, Mme Lagarde - est en permanence à la disposition de l'Assemblée nationale pour débattre de ces sujets. Dès neuf heures, hier matin, j'ai appelé le président de la commission des finances de l'Assemblée ainsi que le président de la commission des finances du Sénat pour les informer en détail des décisions que nous avions prises dans la nuit pour sauver Dexia.
Telle est la proposition que nous vous faisons ; c'est à vous qu'il revient de prendre la responsabilité d'y donner suite.
M. Philippe Vuilque. Le débat !
M. François Fillon, Premier ministre. Plusieurs choix s'offrent à vous. Vous pouvez, comme pour la réforme des institutions, dire non alors même que vous souhaitiez cette réforme et que vous êtes aujourd'hui les premiers à en réclamer l'application ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous pouvez agir, comme lors du débat sur l'Afghanistan en refusant de voter le soutien aux forces françaises que vous y aviez vous-mêmes envoyées en 2001 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
De telles attitudes seront peut-être payantes du côté de Reims, mais elles ne sont pas utiles à la France ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. - Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Marchés financiers
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 2008