Question au Gouvernement n° 698 :
fichiers informatisés

13e Législature

Question de : Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 16 octobre 2008

FICHIER EDVIGE

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Delphine Batho. Madame la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, 61 % des Français considèrent l'existence de fichiers contenant des informations personnelles comme une atteinte à la vie privée. Concernant ces fichiers, plusieurs affaires récentes illustrent de graves dérives qui portent atteinte au respect des libertés dans notre pays. Nos services de renseignements accomplissent une mission indispensable pour la sécurité nationale mais la question de leur contrôle démocratique est désormais posée afin d'éviter toute dérive, toute suspicion ou toute manipulation.
À la suite de la mobilisation citoyenne contre le fichier Edvige, vous avez refusé le principe d'une loi pour encadrer les fichiers comme les pratiques des services de renseignements. Vous avez présenté un nouveau décret, " Edvige 2 ", qui ne tient pas compte de toutes les recommandations de la commission des lois de l'Assemblée nationale et maintient des dispositions contraires aux principes républicains puisqu'il autorise le fichage des origines ethniques ou raciales, celui des opinions politiques, philosophiques ou religieuses, celui de l'appartenance syndicale des personnes ou encore celui des mineurs à partir de treize ans, même lorsqu'ils n'ont commis aucun délit. C'est pourquoi votre décision continue de susciter des protestations, comme le montrent les rassemblements organisés demain à l'occasion de la Sainte-Edwige.
Madame la ministre, si vous pensez, comme nous, qu'il faut mettre fin à ces pratiques d'un autre âge, si vous pensez, comme nous, que nos policiers ont mieux à faire que d'enquêter sur la vie privée des responsables politiques ou de ficher les opinions et les origines de tout un chacun, si vous pensez, comme nous, que les agissements de certaines officines sont inacceptables, pourquoi ne retirez-vous pas les décrets sur le fichier Edvige et n'acceptez-vous pas un débat parlementaire débouchant sur l'adoption d'une loi ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans votre intérêt comme dans celui des policiers, ce serait la voix de la sagesse et l'occasion d'accomplir un progrès démocratique, qui pourrait, j'en suis certaine, recueillir l'adhésion de tous les députés de cette assemblée.
Madame la ministre, nous vous demandons d'accepter ce débat et cette loi pour la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame Batho, premièrement, je tiens à le répéter, le fichier Edvige était purement et simplement la reprise de l'ancien fichier des Renseignements généraux créé par décret en 1991 par M. Rocard, reprise accompagnée de précisions juridiques en raison de l'évolution des lois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'insiste sur ce point : le fichier des renseignements généraux a bien été créé en 1991 par décret, ce qui signifie que la gauche semblait alors moins sourcilleuse sur la question de savoir s'il fallait une loi qu'elle ne feint peut-être de l'être aujourd'hui. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Deuxièmement, tenant compte d'inquiétudes à mes yeux non fondées mais qui existaient, j'ai pris la décision de supprimer ce qu'on appelait le " fichier des personnalités " - ce qui vous contredit. Il n'y a plus de fichier des personnalités ni non plus d'indications personnelles sur les idées politiques, les préférences sexuelles ou la santé ; cela est expressément précisé dans le projet de décret. Ce que vous dites est donc totalement dépassé.
Votre troisième erreur, madame Batho, porte sur le travail que le Gouvernement a effectué avec la commission des lois. À cet égard, je remercie son président, M. Warsmann, du véritable travail de coproduction que nous avons accompli et je rappelle que toutes les recommandations de la commission des lois - ce qui ne signifie pas d'un seul membre de cette commission ! - ont été reprises. Oui, j'ai écouté la commission des lois et j'ai repris dans le décret ses recommandations formulées en tant que telles.
Enfin, madame Batho, je tiens à vous signaler que, préoccupée au moins autant que vous de l'utilisation qui pourrait être faite de certains fichiers ou de leur composition, j'ai redynamisé la commission de contrôle des fichiers. Elle a tenu sa première réunion la semaine dernière en vue de revoir les conditions de constitution et d'accès à l'ensemble des fichiers. Voilà qui devrait vous rassurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Données clés

Auteur : Mme Delphine Batho

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques

Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Ministère répondant : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 octobre 2008

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