Question au Gouvernement n° 709 :
détenus

13e Législature

Question de : M. Serge Blisko
Paris (10e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 22 octobre 2008

PRISONS

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe SRC.
M. Serge Blisko. Madame la garde des sceaux, les prisons de notre pays connaissent une crise sans précédent. Trois suicides dont ceux de deux mineurs et quatre tentatives ont été enregistrés en à peine dix jours. Au total, on compte 92 suicides depuis le début de l'année. Cette crise est d'abord liée au surpeuplement des maisons d'arrêt puisqu'on dénombre plus de 63 000 détenus pour 50 000 places. Certaines prisons sont même sur-occupées à plus de 200 % !
Face à cette situation particulièrement grave, vous affichez, madame la ministre, un incroyable mépris : mépris du personnel pénitentiaire qui lance un cri d'alarme sur une situation devenue ingérable ; mépris des détenus soumis à un régime dénoncé par toute l'Europe ; mépris des victimes car l'absence de libération conditionnelle et de préparation à la sortie encourage la récidive ;...
M. Jean-Paul Lecoq. Eh oui !
M. Serge Blisko. ...enfin, mépris des magistrats que vous convoquez et réprimandez quand ils n'ont pas, selon votre goût, suffisamment appliqué les " peines planchers ".
Incohérence absolue, la semaine dernière, à la suite d'un double suicide de mineurs à Metz puis à Strasbourg, vous convoquiez les magistrats pour leur demander d'être plus circonspects quant à la mise en détention de mineurs ! Incohérence encore quand vous réunissez 200 directeurs d'établissement pénitentiaire - devenus des boucs émissaires - à qui vous demandez de ne pas tenir compte des avis médicaux.
Vous nous promettez la généralisation des aménagements de peine dans la future loi pénitentiaire, mais son examen est sans cesse repoussé. Les nouveaux établissements, dont vous annoncez fièrement l'ouverture, ne permettront pas l'application de l'encellulement individuel. Cela fait maintenant huit ans que vous différez cette obligation, et le projet de loi pénitentiaire, prévu pour 2009, propose de la reporter à 2012.
Votre politique est à la fois incohérente et dangereuse : vos lois pénales répressives remplissent les prisons à ras bord alors même que vous prônez des mesures d'aménagements de peine.
M. Marc Francina. La question !
M. Serge Blisko. Madame la garde des sceaux, face aux événements tragiques qui endeuillent nos prisons, n'est-il pas temps de changer totalement de politique pénale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Paul Lecoq. Et de la prison !
M. Patrick Roy. Et de l'injustice !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Blisko, évidemment, la situation n'est pas satisfaisante.
M. Patrick Roy. C'est déjà bien de le dire !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Toutefois, quitte à donner des leçons, chacun doit faire preuve de beaucoup de retenue. (" Très bien ! " sur les bancs du groupe UMP.)
La surpopulation carcérale n'est pas une réalité qui date du 6 mai 2007. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Roland Muzeau et M. Jacques Desallangre. Elle date de 2002 !
M. le président. Seule Mme la ministre a la parole !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les prisons sont surpeuplées depuis 1995. Or nous tenons nos engagements en matière de création de places, si bien qu'en 2012, 13 200 seront disponibles. Nous sommes en train d'ouvrir des prisons à Mont-de-Marsan, Roanne, Lyon et à la Réunion. Enfin, en 2012, 12 000 bracelets électroniques supplémentaires seront disponibles, ce qui représente 12 000 places de prison en moins à construire.
Les suicides en prison, en particulier ceux des mineurs, sont un drame, et, comme pour la société, leur annonce a représenté à chaque fois un choc pour mes prédécesseurs et pour moi-même, ainsi que pour toute l'institution judiciaire. Pourtant, le nombre de suicides a fortement diminué en cinq ans : il a baissé de 20 %. Ce résultat n'est pas venu tout seul puisque 6 000 surveillants sur 23 000 sont régulièrement formés à la prévention du suicide. Pour ce qui concerne les mineurs, je vous ai présenté la semaine dernière un ensemble de mesures spécifiques prises avec Roselyne Bachelot.
La vérité est que le travail des personnels pénitentiaires s'exerce dans des conditions de plus en plus difficiles. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Avec moi, la représentation nationale pourrait rendre hommage à l'ensemble de ces personnels, à leur dévouement (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), à leur courage et à leur sens des responsabilités. Après avoir personnellement contacté, hier, l'ensemble des représentants syndicaux, il a été décidé de renforcer l'action sociale en leur faveur et de réfléchir ensemble à l'amélioration de leurs conditions de travail.
Admettez donc, monsieur le député, que la polémique est de bonne guerre, mais ne résout rien.
M. Kléber Mesquida. La provocation non plus !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Croyez-moi, la politique du Gouvernement s'inscrit dans l'action.
M. Patrick Roy. C'est un naufrage !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le projet de loi pénitentiaire sera bientôt discuté et je vous rappelle que nous avons créé le poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté, attendu depuis 2000, ce que vous n'avez pas eu le courage de faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Données clés

Auteur : M. Serge Blisko

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 octobre 2008

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