amiante
Question de :
M. Patrick Roy
Nord (19e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 29 octobre 2008
AMIANTE
M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Patrick Roy. Madame la garde des sceaux, chaque jour, dix personnes meurent de l'amiante. Si rien n'est fait, le drame atteindra le chiffre de 100 000 morts ! Cela concerne chaque Français puisque aucune décision n'a encore été prise concernant la masse énorme d'amiante présente sur le territoire. On l'estime à quatre-vingts kilos par habitant.
Pourtant, il y a plus d'un demi-siècle que la preuve est faite, indiscutable : l'amiante est un poison mortel. Comment a-t-on pu laisser faire ? (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe UMP.) Comment a-t-on pu laisser faire le crime ? Les premières plaintes ont été déposées en 1996. Il a fallu attendre dix ans, j'ai bien dit dix ans, pour que soit créé un pôle judiciaire.
Sa création a fait naître beaucoup d'espoir chez les victimes de l'amiante. À l'époque, les veuves de Dunkerque avaient même suspendu leur marche emblématique, dans l'espoir d'un procès pénal. Elles voulaient croire à vos promesses. Malheureusement, au fil des mois, ce pôle judiciaire a vu ses moyens en officiers de police considérablement amputés. Au point que, aujourd'hui, l'enquête piétine, l'enquête s'enlise ; les victimes s'interrogent ; le procès pénal pourrait bien ne jamais avoir lieu.
M. Guy Teissier. Oh là là !
M. Patrick Roy. Plus inquiétant encore, alors que des milliers de victimes ont défilé, sous la conduite de l'ANDEVA, dans les rues de Paris, jusqu'aux portes de votre ministère, vous ne les avez toujours pas reçues personnellement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux !
M. Patrick Roy. Avec mes collègues Christian Hutin, Bernard Cazeneuve et l'ensemble des autres députés socialistes, nous avons le sentiment très net que le Gouvernement cherche à enterrer le dossier. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question est double : allez-vous rendre au pôle judiciaire les officiers de police nécessaires pour aller au bout de l'enquête ? Allez-vous enfin, au vu de l'ampleur du drame, recevoir personnellement - nous sommes prêts à participer à l'entrevue - les victimes de l'amiante ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. M11:47 31/10/2008onsieur Roy, c'est un dossier douloureux, qui dure depuis longtemps, trop longtemps pour les familles des victimes et pour les victimes elles-mêmes. En effet, vous l'avez rappelé, les premières plaintes datent de 1996. Depuis, la France est le seul pays à avoir mis en place des dispositifs de protection des victimes, notamment par des mesures de préretraite et des dispositifs de réparation intégrale.
Monsieur le député, il faudrait savoir ce que vous voulez : vous me reprochez une atteinte à l'indépendance des magistrats, alors que j'agis comme je le fais parce que les dossiers sont à l'instruction ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Je le répète : les dossiers sont à l'instruction. Les juges sont indépendants. Ils mènent l'enquête, et sont responsables des actes de procédure. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est juste un petit rappel. (" Et les moyens ? " sur les bancs du groupe SRC.)
M. Arnaud Montebourg. Avec quels effectifs de police ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, je vous rappelle que ce dossier date de 1996 : il ne fallait pas vous priver à l'époque de mieux prendre en compte et de mieux considérer les victimes.
S'agissant des moyens, nous avons créé les pôles de santé publique et regroupé les dossiers liés à l'amiante. Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire et du contentieux, nous avons prévu de créer des pôles spécialisés, notamment pour l'amiante.
M. Patrick Roy. Donnez des moyens !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vous invite, à ce propos, à adopter le rapport Guinchard sur la réforme du contentieux et sur les pôles spécialisés. L'amiante est un sujet beaucoup trop sérieux pour vos polémiques. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis le mois de septembre 2008, les moyens de la cellule " amiante ", avec des enquêteurs dédiés, sont passés de quatre à onze. Il s'agit d'enquêteurs spécialisés en ce domaine.
M. Patrick Roy. C'est faux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si, c'est vrai, monsieur Roy. Je vous dis que nous y mettons les moyens,...
M. Patrick Roy. C'est faux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. ...et je vous rappelle que le volet judiciaire relève de l'indépendance de la justice. Nous sommes passés, je le répète, de quatre à onze enquêteurs spécialisés.
Par ailleurs, le 10 octobre, le responsable de l'association, que nous avons eu encore au téléphone tout à l'heure, a été reçu à la chancellerie. Le jour de la manifestation, j'étais au ministère. Vous le savez bien puisque vous m'avez posé la question, il y a deux semaines - beaucoup plus gentiment que maintenant. (" Ah ! " sur les bancs du groupe UMP.) Je vous ai répondu sur le même ton, en vous disant que nous étions à la disposition du président de l'association pour le recevoir. Il le sait.
M. Éric Diard. Alors, monsieur Roy, pourquoi posez-vous la question ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour nous, il est très clair qu'il n'y a aucune volonté d'empêcher la manifestation de la vérité. Les Français ont droit à la vérité sur le dossier de l'amiante. Notre engagement, c'est de faire aboutir toutes les procédures. Sur ce sujet comme sur les autres, les Français ont droit à la vérité. Les victimes doivent être indemnisées, comme je l'ai décidé récemment, parce que je l'ai souhaité, pour les victimes du criminel Émile Louis, qui seront indemnisées. C'est aussi cela, la mission de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Auteur : M. Patrick Roy
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Produits dangereux
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 29 octobre 2008