Question au Gouvernement n° 792 :
Internet

13e Législature

Question de : M. Gaëtan Gorce
Nièvre (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 19 novembre 2008

ÉDUCATION NATIONALE : VEILLE SUR INTERNET

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Gaëtan Gorce. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En tant que chef du Gouvernement, monsieur le Premier ministre, vous êtes comptable des initiatives de chacun de vos ministres. Or vos ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur viennent de lancer un appel d'offres pour recruter une société privée dont la mission sera de repérer les leaders d'opinion et de surveiller les sites de syndicats ou de partis politiques, les blogs et toutes les formes de diffusion sur le Net, y compris les pages personnelles.
M. Christian Paul. C'est scandaleux !
M. Gaëtan Gorce. En cette période de disette budgétaire, c'est à un véritable système de surveillance généralisée de la Toile que le ministère de l'éducation nationale est prêt à consacrer 250 000 euros. Chacun se souvient ici de la vidéo dans laquelle M. Darcos énonçait sur les maternelles quelques contrevérités. On pouvait penser qu'il s'interdirait désormais d'en prononcer d'autres : en fait, il préfère empêcher qu'on les diffuse.
Pour vous inciter à faire des économies, je peux vous dire sans qu'il soit pour cela besoin d'aller sur la Toile que le système que vous voulez mettre en place suscite légitimement une grande émotion et soulève plusieurs questions.
Une question institutionnelle d'abord : en quoi une telle initiative relève-t-elle du ministère de l'éducation nationale qui, je le rappelle, est destiné à former des esprits libres et non à contrôler ceux qui exercent cette liberté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Une question politique ensuite : quelle est la justification d'un tel projet ? Le Gouvernement est-il si peu sûr de sa politique qu'il se sente obligé, en reprenant le pouvoir sur la télévision publique, en créant des fichiers comme EDVIGE, en surveillant le Net, de contrôler toute forme d'expression ?
Une question de liberté publique enfin : comment pouvez-vous garantir que, lorsque ces informations seront diffusées par des enseignants, ceux-ci ne feront l'objet d'aucune sanction ni d'aucune brimade administrative ? Et comment justifier que ce système de surveillance concerne aussi des mineurs, qu'ils soient collégiens ou lycéens ?
La République avait jusqu'à présent coutume de distinguer le ministère de l'éducation nationale et celui de l'intérieur. Approuvez-vous, monsieur le Premier ministre, une initiative qui reviendrait à faire des services de communication de l'éducation nationale une sorte d'annexe des anciens Renseignements généraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député, je suis très content que vous me posiez cette question qui va me permettre de mettre un peu de clarté dans l'océan de contrevérités et d'absurdités qui déferle depuis quelque temps. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
En vous entendant, je me demandais si elle concernait aussi le fait que la Ville de Paris ait lancé un appel d'offres pour identifier les pratiques des jeunes Parisiens sur Internet (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ou si la personne que vous avez soutenue lors de l'élection présidentielle, qui avait disposé d'un système de " patrouille de veilleurs ", ne portait pas, elle aussi, atteinte à la liberté d'opinion et des gens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous tenez vous-même un blog. Vous avez donc l'intention qu'on le lise. Permettez-moi de le lire aussi.
Internet ne doit pas être un espace de désinformation dans lequel, en détournant de petites phrases, on arrive à faire dire aux ministres le contraire de ce qu'ils ont déclaré (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), sur la maternelle, par exemple, ou sur l'enseignement de l'histoire. Internet doit être au contraire un espace de démocratie.
Que les gens puissent s'y exprimer, faire des propositions et dire ce qu'ils ont à dire, évidemment,...
M. Jean-Louis Bianco. Vous ne répondez pas à la question !
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. ...mais ceux qui sont aux responsabilités, les hommes politiques, doivent savoir ce qui se dit.
Je veux savoir ce qui se dit dans les journaux et à la télévision, je veux savoir comment s'expriment sur Internet des esprits libres, qui souhaitent d'ailleurs être lus puisque c'est précisément pour cela qu'ils s'expriment par ce moyen. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je ne lirai plus votre blog, monsieur Gorce, ce qui n'est pas très grave,...
M. Julien Dray. C'est dommage pour vous !
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. ...mais je continuerai à lire ce qui se dit sur Internet.
Vous voulez m'empêcher de lire comme vous voulez m'empêcher de parler, comme vous voulez m'empêcher de réformer ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Données clés

Auteur : M. Gaëtan Gorce

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2008

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