Question au Gouvernement n° 824 :
Iran

13e Législature

Question de : M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 27 novembre 2008

RAPPORT DE L'AIEA SUR L'IRAN

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Pierre Lellouche. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes et concerne le programme nucléaire iranien.
Le rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique en date du 19 novembre dernier, rédigé à la demande du Conseil de sécurité des Nations unies, indique que la situation nucléaire en Iran est devenue préoccupante. De la lecture de ce document, je retire deux enseignements.
Le premier est l'ampleur du programme nucléaire iranien. L'Iran a d'ores et déjà mis en place des usines de fabrication d'hexafluorure d'uranium : cinq unités d'enrichissement d'uranium qui lui ont déjà permis, à ce jour, de produire plus de 600 kilogrammes d'uranium faiblement enrichi - mais, comme chacun le sait, cette technologie offre la possibilité de produire un uranium à usage militaire. L'Iran est également en mesure de construire des usines de production d'eau lourde. Elle est ainsi en train de construire un réacteur à eau lourde du même type que celui ayant permis au Pakistan de fabriquer une bombe atomique. Enfin, les Iraniens construisent actuellement des cellules chaudes destinées au retraitement du plutonium - sans même parler des missiles à moyenne et longue portée.
Le deuxième point est que l'Agence internationale de l'énergie atomique estime n'être pas en mesure de contrôler la plupart des installations que j'ai évoquées. Elle indique ainsi dans son rapport que, contrairement aux décisions du Conseil de sécurité, l'Iran n'a pas suspendu ses activités liées à l'enrichissement et n'a pas permis à l'AIEA de visiter le fameux réacteur plutonigène. Elle estime par conséquent que " l'Iran doit fournir à l'Agence des informations de fond pour étayer ses déclarations et il doit donner accès aux documents et aux personnes voulus à cet égard ", faute de quoi " l'Agence ne sera pas en mesure de donner des assurances crédibles quant à l'absence de matières et d'activités nucléaires non déclarées en Iran " - par " non déclarées ", il faut entendre " de nature militaire ".
M. Jean-Paul Lecoq. Tout cela fait penser à l'Irak !
M. Pierre Lellouche. Bref, monsieur le ministre, nous nous approchons à grands pas d'une alternative détestable : soit l'acquiescement à la nucléarisation de l'Iran, qui aurait des conséquences dramatiques pour le Proche-Orient et pour la paix, soit des scénarios de frappe tout aussi dangereux.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Ma question est donc la suivante : quelle est la position du Gouvernement français sur cette affaire et quelles initiatives comptez-vous prendre avec la communauté internationale pour essayer d'interrompre cette course vers le désastre ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Vous avez raison, monsieur le député, de souligner le caractère préoccupant de la situation en Iran. J'y vois au moins deux motifs d'inquiétude. Premièrement, l'enrichissement d'uranium n'a pas cessé ; bien au contraire, il s'amplifie. De 3 000 centrifugeuses, les Iraniens sont passés à au moins 4 500. Par ailleurs, je confirme ce que vous avez indiqué sur la construction de nouveaux sites.
Deuxième motif d'inquiétude : en dépit des cinq résolutions des Nations unies, nous constatons que les trois questions précises posées par l'AIEA à l'Iran restent, à ce jour, sans réponse ; or elles n'ont rien d'anodin. Premièrement, l'AIEA demande s'il a été procédé à l'essai d'au moins un système explosif hémisphérique à ondes de choc. Deuxièmement, l'Agence s'interroge sur la trace d'études visant à reconfigurer le missile Shahab-3, étant précisé qu'il a été procédé très récemment à l'essai d'un missile d'une portée au moins égale à 2 000 kilomètres. Troisièmement, la présence en Iran d'un document sur le façonnage de l'uranium métal en hémisphère - c'est-à-dire en vue d'être placé à l'intérieur d'un missile - est-elle une réalité ?
Dans la mesure où, à l'heure actuelle, personne n'apporte de réponses à ces questions, nous devons continuer de proposer le dialogue, sans pour autant relâcher notre pression. Nous avons procédé à des tentatives en invitant des représentants iraniens en France, mais cela n'a donné aucun résultat probant : c'est avec les États-Unis que les Iraniens veulent parler. Le nouveau président américain, qui fera connaître la position officielle des États-Unis lorsqu'il aura pris ses fonctions en janvier prochain, a déclaré jusqu'à présent qu'il souhaitait privilégier le dialogue.
Par ailleurs, même si nous n'avons pas les moyens d'informer directement le peuple iranien pour lui expliquer que nous n'avons rien contre un usage civil de l'énergie nucléaire, nous devons maintenir les sanctions qui constituent un moyen de pression visant à dissuader l'Iran de mettre en oeuvre un programme nucléaire militaire. Tout sauf la guerre, et une offre permanente de dialogue, telle est la position du Gouvernement français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Lellouche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes

Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 novembre 2008

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