procédure pénale
Question de :
M. François Deluga
Gironde (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 3 décembre 2008
AFFAIRE FILIPPIS
M. le président. La parole est à M. François Deluga, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)M. François Deluga. Monsieur le Premier ministre, vendredi matin, à l'heure du laitier, un journaliste a été interpellé à son domicile, devant ses enfants, en France, dans notre pays (Protestations sur les bancs du groupe UMP.), menotté dans le dos, enfermé au dépôt du tribunal, fouillé au corps deux fois, puis mis en examen pour diffamation.
Cette arrestation, dans des conditions invraisemblables dans une démocratie, a provoqué de vives réactions et une très forte émotion tant chez les journalistes que dans la population tout entière - vous vous êtes vous-mêmes, mes chers collègues, sentis obligés de poser une question.
Fallait-il délivrer un mandat d'amener pour une simple accusation de diffamation ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !
M. François Deluga. Ne pouvait-on pas tout simplement aller chercher l'intéressé sur son lieu de travail ?
Pourquoi une telle humiliation ? Pourquoi une telle disproportion ? Comment traite-t-on aujourd'hui un journaliste ?
C'est une grave atteinte à la liberté de la presse, au moment où cette assemblée examine un projet de loi sur l'audiovisuel qui met en cause la liberté et les moyens de la presse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cela peut même apparaître comme une volonté d'intimidation.
Les conditions d'interpellation ne respectent pas le code de procédure pénale : les menottes et la fouille au corps ne peuvent être utilisées qu'en cas d'exceptionnelle gravité par mesure de sécurité. Chaque citoyen a droit à un avocat et à un appel téléphonique.
M. Jean-Marc Roubaud. La question !
M. François Deluga. Le Président de la République, en réaction, annonce, fidèle à sa méthode, une réforme du code de procédure pénale - vous venez de le confirmer, monsieur le Premier ministre. C'est une réforme inutile, comme l'a écrit ce matin Marylise Lebranchu, puisqu'il suffit d'appliquer la loi pour que de tels événements n'arrivent plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Noël Mamère. Très bien !
M. François Deluga. Tous les citoyens peuvent légitimement s'inquiéter du recours à cette méthode et de l'augmentation du nombre des gardes à vue, qui sont passées de 336 000 en 2001 à 560 000 en 2007.
M. le président. Votre question, monsieur Deluga.
M. François Deluga. Tous nos concitoyens sont aujourd'hui concernés. Pourquoi la loi n'a-t-elle pas été respectée par ceux qui en sont les garants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Noël Mamère. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous en prie, mes chers collègues !
Madame la garde des sceaux, vous avez la parole. (Applaudissements sur les bancs des groupe UMP et NC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Démission ! Démission !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous souhaite la bienvenue. Simplement, je trouve dommage que vous inauguriez votre mandat par une polémique. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Si nous pouvions éviter, messieurs, de n'avoir que des polémiques avec vous...
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Démission !
M. le président. Je vous en prie, écoutez la réponse.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Comme vient de le dire M. le Premier ministre, répondre à la convocation d'un juge est une obligation faite à tous les citoyens.
M. Christian Bataille. Cette interpellation est une honte pour la justice française !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La justice est la même pour tout le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Jérôme Lambert. Les menottes ne sont pas une obligation !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous indiquez qu'il y a eu un problème dans le cadre de la garde à vue. Je précise qu'il n'y a pas eu de garde à vue.
Je souligne également que la possibilité de convoquer quelqu'un pour qu'il vienne s'expliquer devant la justice est aussi une garantie de la présomption d'innocence.
M. Christian Bataille. Démissionnez tout de suite !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je rappelle en outre que la loi du 15 juin 2000, qui a été adoptée à l'initiative d'Elisabeth Guigou, ne permet plus de mettre en examen quelqu'un par voie de courrier et que, pour garantir la présomption d'innocence, on peut décerner plusieurs types de mandats, dont le mandat d'amener.
Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. Très bien !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le juge d'instruction a décerné son mandat d'amener pour que la personne mise en cause par une autre partie, convoquée à trois reprises mais qui n'a pas déféré aux convocations, puisse venir s'expliquer devant lui.
M. Jérôme Lambert. Avec des menottes !
M. Christian Bataille. Réactionnaires !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette affaire est couverte par le secret de l'instruction. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le juge d'instruction a émis ce mandat d'amener en toute indépendance. Je suis surprise que vous mettiez en cause aussi directement l'indépendance d'un juge. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Huées sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Bataille. Vous êtes une calamité pour la justice !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si je ne comprends pas la polémique, je peux comprendre les réactions et l'émoi qu'a provoqués cette affaire. C'est pour cela que le premier président de la cour d'appel de Paris a demandé au président de la chambre de l'instruction de vérifier les conditions qui ont amené le juge d'instruction à décerner ce mandat d'amener.
M. Maxime Gremetz. Personne n'est à l'abri !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez des interrogations, il est légitime que nous y répondions, mais faites attention de ne pas porter atteinte à l'indépendance d'un magistrat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Merci, madame la ministre...
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant de la garantie et des protections des journalistes, c'est un engagement du Président de la République. Le projet de loi sur la protection des sources a été voté en première lecture à l'Assemblée puis au Sénat, il va revenir prochainement à l'Assemblée.
M. Patrick Roy. Bla-bla-bla !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vous invite à voter le renforcement des droits et des protections des journalistes.
M. Henri Emmanuelli. On vous a posé une question sur les gardes à vue !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le 14 octobre dernier, j'ai installé une commission présidée par Philippe Léger, avocat général. Cette commission est chargée de refondre notre code pénal et notre code de procédure pénale pour les rendre plus adaptés et plus respectueux des droits de la défense.
M. Christian Bataille. Nul !
M. Henri Emmanuelli. Qu'on change le ministre, cela ira mieux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Concernant la dépénalisation de la diffamation, ces dispositions, comme vient de le dire M. le Premier ministre, seront en vigueur dès 2009. Donc, évitons la polémique et votons ensemble ces avancées fondamentales, pour mieux protéger les journalistes mais également pour mieux garantir les libertés publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Auteur : M. François Deluga
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 2008