Question au Gouvernement n° 915 :
ordre du jour

13e Législature

Question de : M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 8 janvier 2009

DROIT D'AMENDEMENT

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Joël Giraud. Monsieur le Premier ministre, notre assemblée doit entamer la semaine prochaine l'examen d'un projet de loi organique qui représente une remise en cause grave du droit d'amendement des parlementaires, droit que le Président du Sénat a lui-même qualifié de " sacré ".
Sacré ou pas, pour les radicaux de gauche, le droit d'amendement est un fondement de la démocratie parlementaire. Toute mesure visant à l'encadrer, à le restreindre ou même à le " rationaliser " est à nos yeux au mieux dangereuse, au pire liberticide. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Disposer de temps pour défendre un amendement doit demeurer un droit individuel, inaliénable et imprescriptible pour chaque parlementaire. C'est la condition pour garantir l'expression de la diversité des opinions démocratiques de notre pays ! L'essence même du Parlement n'est-elle pas la discussion entre majorité et opposition, entre exécutif et législatif, ou même entre parlementaires, indépendamment des clivages politiques ?
Réfléchissez ! Sans la discussion de quelque 1 180 amendements, aurait-il été possible de parvenir à un vote quasi unanime sur le Grenelle de l'environnement ?
Le droit d'amendement, c'est d'abord du temps pour s'exprimer, pour débattre, pour échanger et pour convaincre.
C'est donc ce qu'il y a de plus précieux pour que chacun d'entre nous, membre d'un groupe politique ou pas, puisse, sans contrainte, exprimer ses convictions et porter les attentes et les craintes des Français dans cette enceinte de la démocratie représentative.
Or, si le texte proposé était adopté, ce ne serait plus possible, ou du moins cela deviendrait beaucoup plus compliqué - pour l'opposition comme pour la majorité. La première serait restreinte et bâillonnée, la seconde sommée de s'abstenir de déposer tout amendement jugé subversif. Et n'oublions pas que " toute majorité peut un jour devenir opposition ", comme le rappelait récemment le président de notre assemblée.
Monsieur le Premier ministre, les députés radicaux de gauche ont, dans leur très grande majorité, approuvé la révision constitutionnelle du 21 juillet dernier. Celle-ci rend toujours possible une réelle revalorisation du Parlement. Mais vous n'en prenez pas le chemin !
Comme Gérard Charasse l'a indiqué hier en commission et l'a écrit au Président de la République au nom des députés radicaux, nous sommes, pour l'heure, loin du compte et loin de l'esprit de la révision constitutionnelle. Parce qu'elle est attentatoire au droit d'amendement et dangereuse pour notre démocratie, il vous faut impérativement revoir votre copie !
Pourquoi un tel texte, alors que le groupe de travail mis en place par le Président de l' Assemblée nationale n'a pas terminé ses travaux ? Pourquoi ne pas rechercher sur un tel sujet le consensus ? Et en attendant de le trouver, monsieur le Premier ministre, soyez raisonnable : pourquoi ne pas reporter sine die ce projet de loi organique, comme vous l'avez fait pour le travail dominical ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) À moins que vous n'attendiez son adoption pour mieux faire passer quelques couleuvres, que même votre majorité a du mal à avaler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, dans un climat apaisé.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Naturellement, monsieur le président. (Sourires.)
Monsieur Giraud, je voudrais vous redire que, lorsque vous et vos collègues radicaux de gauche avez voté la révision constitutionnelle,...
M. Jean Glavany. Vous vous êtes fait gruger !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ...vous avez eu raison ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Arnaud Montebourg. Ben voyons !
M. le président. Monsieur Montebourg, montrez ce qu'est un débat apaisé !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Et pour cause : ce texte permet le partage de l'ordre du jour - pouvoir supplémentaire pour le Parlement -,...
M. Jean Glavany. Tu parles !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ... instaure le droit de résolution - pouvoir supplémentaire pour le Parlement -,...
M. Jean Glavany. Tu parles !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ...limite l'usage du 49-3 - pouvoir supplémentaire pour le Parlement.
M. Jean-Pierre Brard. Cocu et content !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Qu'est-ce que cela signifie ? Que nous avons voulu rééquilibrer réellement les choses entre un exécutif et un législatif.
M. Jean Glavany. Qu'ils se sont fait gruger, oui !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Giraud, si, hier, en commission des lois, j'ai dit à M. Charasse, à M. Urvoas, à M. Lagarde, aux intervenants du groupe UMP, que le Gouvernement était ouvert à la discussion, ...
M. Jean-Pierre Brard. Comme une huître !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ...comme l'a d'ailleurs rappelé, ce matin, le Président de la République à l'Élysée, devant tous les parlementaires présents,...
M. Maxime Gremetz. Nous n'y étions pas ! Racontez-nous !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il a dit très clairement que nous cherchions à avoir le meilleur travail parlementaire possible.
M. Marcel Rogemont. C'est-à-dire celui qui ne vous gêne pas !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce matin, en commission des lois, un certain nombre d'amendements ont été adoptés. Nous avons effectivement besoin, monsieur Giraud, d'un parlement qui travaille beaucoup : parce que ce pays a besoin d'un parlement qui travaille beaucoup.
M. Jean Glavany. Trop de loi tue la loi !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C'est du reste ce que fait le Parlement et je l'en remercie.
C'est également la raison pour laquelle nous avons considérablement accru, vous le savez, le temps constitutionnel donné aux commissions pour examiner les textes : six semaines avant la première lecture, cela permettra un véritable travail de fond. Que ce soit ici ou au Sénat, tous les parlementaires se plaignaient de ne pas avoir assez de temps en commission.
M. Jean Glavany. Toutes les lois sont examinées en urgence !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Nous avons constitutionnalisé ce que personne, avant nous, n'avait fait.
Je le répète, monsieur Giraud : vous pourrez déposer tous les amendements que vous souhaitez en commission, tous les amendements que vous souhaitez dans l'hémicycle. Il n'est pas question de restreindre le droit d'amendement.
M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas vrai !
M. Christian Bataille. C'est du césarisme !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Quant à ce que l'on appelle le temps programmé des débats dans l'hémicycle, vous aurez prochainement - le Gouvernement n'y participe même pas - ...
M. Christian Bataille. Bonapartisme !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ...un débat avec le président Accoyer,...
M. Jean Glavany. C'est sa responsabilité !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. ...de même que les sénateurs avec le président Larcher, sur l'élaboration du nouveau règlement pour définir ce temps programmé.
M. Jean Glavany. On peut avoir confiance !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ainsi, le Parlement pourra débattre sur le fond de manière totalement démocratique, libre, ouverte et au service de l'ensemble des Français.
M. Marcel Rogemont. La loi au service de Sarkozy !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je vous le répète, monsieur Giraud : vous avez eu raison de voter la révision constitutionnelle. Et au terme du débat sur la loi organique, vous aurez raison de la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Données clés

Auteur : M. Joël Giraud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Parlement

Ministère interrogé : Relations avec le Parlement

Ministère répondant : Relations avec le Parlement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 janvier 2009

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