Question au Gouvernement n° 991 :
taxe professionnelle

13e Législature

Question de : M. Bernard Derosier
Nord (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 11 février 2009

SUPPRESSION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Bernard Derosier. Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle pour 2010, soit dans dix mois et demi.
Plusieurs députés UMP. Enfin !
M. Bernard Derosier. Il a manifestement voulu d'abord faire plaisir aux chefs d'entreprise plutôt qu'aux salariés de ces mêmes entreprises. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Patrick Roy. Eh oui !
M. Bernard Derosier. En outre, c'est un nouveau coup porté aux collectivités territoriales, après les transferts considérables de charges et de compétences qu'elles ont supportés. La taxe professionnelle est en effet la première ressource fiscale des collectivités territoriales : elle représente 29 milliards d'euros, et non 8 milliards, comme l'a affirmé le Président de la République.
Qui plus est, cette annonce intervient au moment où l'État sollicite ces mêmes collectivités pour qu'elles participent à la relance de l'économie, alors qu'elles réalisent déjà 75 % des investissements publics dans notre pays. Le Gouvernement fait ainsi le choix de restreindre fortement les marges de manoeuvre des collectivités et ajoute aux incertitudes institutionnelles une insécurité financière.
Sans doute surpris par cette annonce, vous avez, monsieur le Premier ministre, évoqué une compensation de cette perte de recettes. Or la compensation accordée par l'État serait une mauvaise réponse, pour deux raisons. Tout d'abord, cette compensation s'effritera au fil du temps, de la même manière qu'ont été grignotées, en sept ans de votre gouvernement, les dotations de l'État aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Patrick Roy. Eh oui !
M. Bernard Derosier. Par ailleurs, c'est l'autonomie fiscale des collectivités et des territoires qui est affectée. La remise en cause de la taxe professionnelle nécessite donc la création d'une autre ressource fiscale, au moins équivalente ; et ce n'est pas l'annonce d'une réflexion sur la taxe carbone qui peut nous rassurer à cet égard
La suppression de la taxe professionnelle conduira à un report sur la taxe d'habitation, c'est-à-dire l'impôt payé par les ménages, ce qui contribuera à grever davantage le pouvoir d'achat des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. Merci, mon cher collègue.
M. Bernard Derosier. Il est nécessaire de réformer en profondeur la fiscalité locale, dont chacun s'accorde à reconnaître le caractère désuet et injuste.
M. le président. Veuillez posez votre question.
M. Bernard Derosier. Monsieur le Premier ministre, envisagez-vous de rencontrer les représentants des élus locaux et d'engager des discussions avec eux ? Avez-vous l'intention de proposer une réforme d'ensemble de la fiscalité locale ? Votre ministre de l'enseignement supérieur parlait à l'instant de preuves d'amour ; si vous aimez les collectivités territoriales, prouvez-le en leur donnant des réponses précises ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, la taxe professionnelle - c'est la seule question qui vaille - est-elle un bon impôt ? La réponse est non.
M. Jean Glavany. Qui l'a créée ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. Le président Mitterrand la qualifiait d'ailleurs d'impôt imbécile.
M. Jean Glavany. Giscard et Chirac !
M. Éric Woerth, ministre du budget. La base salariale de la taxe professionnelle a été supprimée, parce qu'elle empêchait d'embaucher. Il reste la base d'investissement, qui empêche les entreprises d'investir. Faut-il garder un impôt ou faut-il garder les emplois ? C'est la question que l'on doit se poser.
Vous appelez à une réflexion sur l'imposition locale. C'est un sujet auquel nous réfléchissons évidemment, Michèle Alliot-Marie, Christine Lagarde et moi. Le problème se pose de façon très concrète. La taxe professionnelle a provoqué de nombreuses délocalisations. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Bernard Roman. Arrêtez !
M. le président. Mes chers collègues !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Aucun autre pays ne connaît cet impôt et je ne sache pas que cela entraîne des difficultés pour le financement des collectivités locales. (Mêmes mouvements.)
Vous pouvez le contester, mais dans vos circonscriptions, en général, vous ne le contestez pas, puisque c'est ce que vous dites vous-mêmes aux entreprises ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ne tenez donc pas un double langage : un langage politique ici et un langage de réalité dans vos circonscriptions ! (Mêmes mouvements.)
Nous devons supprimer la taxe professionnelle parce que c'est un mauvais impôt, qui empêche l'investissement et nuit ainsi à l'emploi.
La perte pour les collectivités locales sera totalement compensée. Comme le Président de la République l'a indiqué, le coût de la suppression de la taxe professionnelle, c'est, en net, 8 milliards d'euros. Nous le compenserons.
M. Marcel Rogemont. Avec la taxe carbone ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous le ferons en suivant un certain nombre d'orientations, dont nous discuterons, avec Michèle Alliot-Marie, Christine Lagarde, l'ensemble des organisations syndicales, mais aussi avec la représentation nationale et avec les élus locaux.
M. Jean Glavany. Vous êtes trop bon !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous discuterons de la meilleure manière de compenser ce coût tout en conservant la base foncière de la taxe professionnelle - dans la mesure où il existe un impôt foncier pour les ménages, il doit également y avoir un impôt foncier pour les collectivités territoriales.
Outre les pistes évoquées par le Président de la République et qui sont au coeur de la réflexion du Grenelle de l'environnement, à savoir la taxe carbone, s'offrent d'autres voies encore, comme la valeur ajoutée : nous pouvons très bien taxer une entreprise en fonction de ce qu'elle produit et non uniquement en fonction de la valeur des investissements dans son bilan. Les pistes ne manquent donc pas. En tout cas, le lien entre l'entreprise et le territoire sera conservé, et nous compenserons.
M. Bernard Roman. C'est du baratin !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Vous devriez donc vous réjouir, monsieur Derosier, que le Gouvernement engage la modernisation de la fiscalité locale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Derosier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts locaux

Ministère interrogé : Budget, comptes publics et fonction publique

Ministère répondant : Budget, comptes publics et fonction publique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 février 2009

partager