Question orale n° 1003 :
agriculteurs

13e Législature

Question de : Mme Marisol Touraine
Indre-et-Loire (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Marisol Touraine attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la situation économique des exploitants agricoles en Indre-et-Loire, où prédominent les exploitations de petite et de moyenne taille, consacrées à la fois à l'élevage et à la culture de céréales. En moins d'un an, les services du conseil général de l'Indre-et-Loire ont enregistré près de 150 demandes d'ouverture de droits formulées par des exploitants agricoles pour bénéficier du revenu de solidarité active. Les revenus agricoles ont diminué de 34 % en moyenne pour l'année 2009, ceux des producteurs de lait et de certains céréaliers ont quant à eux baissé de plus de 50 %. Les conséquences sociales et économiques pour sa circonscription, qui représente la moitié de la production laitière de l'Indre-et-Loire, sont dramatiques. En effet, dans cette partie du département, les 259 exploitations agricoles comptent 1 731 salariés, soit 451 équivalents temps plein, soit près de 11 % de l'emploi salarié de ce bassin. La situation est d'autant plus alarmante qu'elle s'inscrit dans un mouvement plus ancien de disparition régulière des exploitations agricoles dans le sud du département. Entre 2000 et 2008, le nombre d'agriculteurs a baissé de près de 35 % et dans le même temps, chaque année, près de 350 hectares de surfaces agricoles (l'équivalent de trois exploitations) sont sortis du marché. Ces quelques exemples démontrent que la crise qui touche aujourd'hui le monde agricole, au-delà des graves conséquences qu'elle engendre pour les agriculteurs et leurs familles, fait peser de lourdes menaces sur l'avenir de nos territoires ruraux. Elle lui demande donc comment le Gouvernement entend répondre durablement aux très grandes difficultés des agriculteurs et aux profondes inquiétudes qu'elles génèrent dans le monde rural.

Réponse en séance, et publiée le 28 avril 2010

SITUATION ÉCONOMIQUE DES EXPLOITANTS AGRICOLES
EN INDRE-ET-LOIRE

Mme la présidente. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour exposer sa question, n° 1003.
Mme Marisol Touraine. Comme le montre la manifestation d'aujourd'hui, la très difficile situation du monde rural entraîne une détresse croissante. En Indre-et-Loire, où prédominent les exploitations de petite et de moyenne taille consacrées à la fois à l'élevage et à la culture de céréales, les agriculteurs ne se retrouvent pas dans les mesures qui sont proposées et s'interrogent sur leur capacité à survivre dans les mois qui viennent.
En moins d'un an, les services du conseil général de l'Indre-et-Loire ont enregistré prés de 150 demandes d'ouverture de droit au revenu de solidarité active de la part d'exploitants agricoles. Selon une estimation de la Mutualité sociale agricole, ce sont près de 400 demandes qui pourraient être déposées au cours de l'année 2010. La chambre d'agriculture a observé que, depuis le début de l'année, le nombre de demande d'aides faites par des agriculteurs en difficulté, indépendamment du RSA, a été multiplié par quatre. Dans un récent courrier adressé au Président de la République, un conciliateur bénévole auprès du tribunal de grande instance de Tours pour les agriculteurs en difficulté s'alarmait de l'augmentation importante du nombre de dossiers et de l'aggravation des situations risquant de conduire à des procédures de liquidation.
La politique mise en oeuvre par le prédécesseur de l'actuel ministre, qui, s'appuyant sur le bilan social de la politique agricole commune, avait proposé un rééquilibrage en direction des exploitations d'élevage et des petites exploitations, n'a eu aucun impact en Indre-et-Loire, tout en affectant les céréaliers, puisque c'est une zone intermédiaire et que les mécanismes à l'oeuvre n'ont pas bénéficié à ces exploitants.
Si, au niveau national, la baisse moyenne des revenus agricoles est estimée à 34 % pour l'année 2009, les producteurs de lait et certains céréaliers ont vu leurs revenus baisser de plus de 50 %. En Indre-et-Loire, 34 % des exploitations présentaient, avant même la crise, un revenu inférieur au SMIC. Dans ma circonscription du sud de l'Indre-et-Loire, qui représente la moitié de la production de lait du département, cette situation aura des conséquences sociales et économiques catastrophiques. En effet, les 259 exploitations agricoles comptent 1 730 salariés, soit près de 11 % de l'emploi salarié de ce bassin d'emploi.
La situation est d'autant plus alarmante qu'elle s'inscrit dans un mouvement plus ancien de disparition régulière des exploitations agricoles. Ainsi, entre 2000 et 2008, le nombre d'agriculteurs a baissé de près de 35 % et, dans le même temps, près de 350 hectares de surface agricole sont sortis du marché chaque année. Alors que l'on comptait, jusqu'en 2009, environ quarante-cinq nouvelles installations par an dans ce seul secteur, six installations seulement ont été recensées au cours du premier trimestre 2010, ce qui montre bien la difficulté des agriculteurs à s'installer et à se projeter dans l'avenir.
Ma question est donc simple : comment le Gouvernement entend-il répondre durablement aux difficultés croissantes des agriculteurs, notamment au regard de leurs revenus ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville. Madame la députée, je vous prie d'excuser Bruno Le Maire, qui assiste en ce moment au conseil des ministres, et qui m'a chargée de vous transmettre sa réponse. Je vous le dis en son nom et au nom de l'ensemble du Gouvernement, nous ne laisserons aucun agriculteur seul face à la crise que traverse aujourd'hui le monde agricole. Nous apporterons des solutions pour donner des perspectives à nos agriculteurs.
La solution tient en trois réponses concrètes.
Premièrement, pour répondre à l'urgence de la crise, le Président de la République a annoncé, le 27 octobre dernier à Poligny, un plan de soutien exceptionnel sans précédent, complété au salon de l'agriculture. Doté de 1,8 milliard d'euros de prêts et de 700 millions d'euros de soutien budgétaire, ce plan est un succès : ce sont près de 81 000 exploitations qui ont eu accès à un prêt aidé, dont plus de 500 en Indre-et-Loire.
Dans le cadre de ce plan, le Gouvernement a par ailleurs mis en place des mesures d'allégement de charges et d'accompagnement. Ainsi, 150 millions d'euros sont consacrés à l'allégement des charges de remboursement d'emprunt : pour l'Indre-et-Loire, ce sont près de 1 100 demandes qui sont étudiées. En outre, 100 millions d'euros sont destinés à accompagner les exploitations qui connaissent des difficultés plus structurelles : près de 11 000 demandes d'aide ont été reçues dans tous les départements, dont 500 en Indre-et-Loire. Un dispositif de prise en charge des cotisations sociales est également prévu : près de 21 000 prises en charge ont été accordées, dont 260 en Indre-et-Loire.
Deuxièmement, au-delà de l'urgence, nous devons construire une nouvelle donne agricole. C'est tout le sens du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui sera examiné au Sénat à partir du 18 mai et qui poursuit trois objectifs.
D'abord, il vise à garantir aux producteurs des revenus stables et décents : il n'est pas acceptable que le producteur soit la variable d'ajustement de la filière alimentaire. Aussi allons-nous rendre obligatoires, dans certaines filières, des contrats écrits entre les producteurs et les distributeurs : en précisant un prix, un volume, une durée minimale d'un an, ils permettront au producteur de savoir combien il touchera sur plusieurs années.
Ensuite, il faut permettre une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les producteurs, les distributeurs et les industriels. Cela passe nécessairement par un renforcement de l'Observatoire des prix et des marges. Étendu à l'ensemble des produits agricoles, il aura un caractère législatif et fera l'objet d'un rapport qui vous sera remis chaque année. Cela passe également par le renforcement du rôle des interprofessions qui doivent pouvoir fixer des indicateurs de tendance de marché.
Enfin, il faut préserver le capital agricole national. Il est inacceptable que nous perdions chaque jour 250 hectares de terre agricole. La loi prévoit donc la création d'un Observatoire national de la consommation des terres agricoles pour préserver ces terres, notamment à proximité des grandes agglomérations.
Troisièmement, agir à l'échelle nationale ne suffira pas. L'avenir de la pêche et de l'agriculture se décide également à Bruxelles. Aussi est-il essentiel de poursuivre notre stratégie en faveur de nouveaux instruments de régulation. Vous pouvez compter, madame la députée, sur la mobilisation du Gouvernement pour persévérer dans cette voie.
Mme la présidente. Madame Touraine, la réponse ayant été très longue, nous avons dépassé le temps imparti à cette question : merci de vous contenter d'une phrase.
Mme Marisol Touraine. C'est moi qui vous remercie pour votre bienveillance, madame la présidente.
Certes, une nouvelle donne agricole est absolument nécessaire : hélas, nous n'en voyons pas les signes, ni au niveau national ni au niveau européen. Les prédécesseurs de M. Le Maire ont accepté, au niveau européen, la libéralisation d'une politique dont on découvre aujourd'hui les effets néfastes. Les agriculteurs ne demandent pourtant qu'une chose : vivre de leur travail et de leur production. Pour utiles qu'elles soient, les aides exceptionnelles seront insuffisantes si la situation de fond ne se redresse pas de manière substantielle et durable, car, lorsqu'on leur propose de nouvelles perspectives de prêt, les agriculteurs endettés ne trouvent guère de répit.

Données clés

Auteur : Mme Marisol Touraine

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Alimentation, agriculture et pêche

Ministère répondant : Alimentation, agriculture et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 avril 2010

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