Question orale n° 1007 :
politique de la santé

13e Législature

Question de : M. Jean-Claude Viollet
Charente (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Jean-Claude Viollet attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur les difficultés de développement du réseau "SOS douleur à domicile". Depuis 2004, un réseau pluridisciplinaire de santé, organisé sous forme associative et dénommé « SOS douleur domicile », s'est développé en Charente, permettant le maintien à domicile d'un nombre croissant de patients qui, présentant des douleurs chroniques rebelles, auraient, sans cela, dû être maintenus en hospitalisation sur des durées beaucoup plus longues. Ce dispositif a montré toute son efficience, s'agissant tant des bénéfices qu'en retirent les malades, sur le plan de leur état de santé et de leurs conditions de vie, que des économies réalisées sur les dépenses de santé, notamment hospitalières. Ainsi, et sur la seule année 2009, ce sont 169 patients qui ont pu être pris en charge, 4 117 jours à domicile, pour un coût réseau de 412 409 euros, alors que leur hospitalisation aurait coûté 1 415 100 euros, d'où une économie de 1 002 691 euros sur nos dépenses de santé. Mais, depuis la mise en place du dispositif, et pour le seul département de la Charente, ce sont 4 514 647 euros d'économies qui ont pu être réalisés. Le lancement du réseau « SOS douleur domicile », en Charente, a pu se faire grâce au soutien de l'agence régionale d'hospitalisation (ARH) et de l'Union régionale des caisses d'assurance maladie (URCAM) Poitou-Charentes, financé de manière temporaire par le Fonds d'indemnisation pour la coordination et la qualité des soins (FICQS). Mais son développement, en Charente, et la création de services similaires sur les autres départements de la région Poitou-Charentes, seraient aujourd'hui compromis par le fait que la faible augmentation de l'enveloppe disponible ne permettrait pas de faire face à l'augmentation du nombre de patients à prendre en charge. Cette difficulté pourrait être dépassée en modifiant la nomenclature des actes infirmiers qui, pour l'heure, ne retient que les soins liés à l'injection de produits analgésiques dans un cathéter péridural ou intratéchal, continuant d'ignorer le cathéter périnerveux. C'est un blocage d'autant plus regrettable qu'une évolution sur ce point serait en cohérence avec le fait que ses prédécesseurs ont déjà levé les interprétations restrictives du décret de compétence infirmier pour habiliter ces personnels à injecter dans de tels dispositifs, et permis l'administration, à domicile, d'anesthésiques locaux dans le cas de douleurs chroniques rebelles, et leur rétrocession par les pharmacies centrales des hôpitaux. L'ayant déjà alerté sur ce sujet par un courrier en date du 27 mars 2009, il a pu développer ces différents points lors de l'entrevue qu'il a eu, le 10 juin 2009, avec sa conseillère technique pour les professions médicales au sein du pôle de modernisation des soins, entrevue à laquelle participaient le président de l'association « SOS douleur domicile » et son trésorier. Et c'est seulement parce que sans réponse à ce jour, malgré de multiples relances, par courrier du 12 octobre 2009 ou encore téléphoniques, qu'il se permet de l'interroger plus directement sur cette question qui lui apparaît majeure, à un moment où nous devons ensemble rechercher le développement de réseaux de soins efficients sur des territoires de santé pertinents, à même de garantir à chacun de nos concitoyens l'accès aux soins en qualité, proximité et sécurité, avec le souci de l'économie. Alors, sa question est simple, celle de savoir si elle va décider de modifier la nomenclature des soins infirmiers pour prendre en compte l'injection de produits analgésiques dans un cathéter périnerveux, et permettre ainsi un réel progrès dans le soin des douleurs rebelles en même temps qu'une substantielle économie dans nos dépenses de santé.

Réponse en séance, et publiée le 28 avril 2010

RÉSEAU SOS DOULEUR DOMICILE EN CHARENTE

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour exposer sa question, n° 1007.
M. Jean-Claude Viollet. Madame la ministre de la santé et des sports, depuis 2004, en Charente, un réseau pluridisciplinaire de santé, SOS Douleur Domicile, permet le maintien à domicile de patients qui, présentant des douleurs chroniques rebelles, auraient, sans cela, dû être maintenus en hospitalisation pour des durées beaucoup plus longues.
Ce dispositif a montré toute son efficience, s'agissant tant des bénéfices qu'en retirent les patients sur le plan de leur état de santé et de leurs conditions de vie que des économies réalisées. Ainsi, sur la seule année 2009, 169 patients ont été pris en charge 4 117 jours à domicile pour un coût de 400 000 euros. Leur hospitalisation aurait, a minima, coûté plus de 1 400 000 euros, d'où une économie d'un million d'euros. Depuis la mise en place du dispositif, ce sont plus de 4,5 millions d'euros qui ont pu être économisés.
SOS Douleur Domicile a vu le jour grâce au soutien de l'ARH et de l'URCAM Poitou-Charentes, avec un financement du Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins. Son développement en Charente et la création de services similaires sur d'autres départements de la région Poitou-Charentes, et au-delà, seraient aujourd'hui compromis par le fait que la faible évolution de l'enveloppe disponible ne permettrait pas de répondre à l'augmentation du nombre de patients à prendre en charge.
Cette difficulté pourrait être dépassée par une simple modification de la nomenclature des actes infirmiers qui, pour l'heure, ne retient que les soins liés à l'injection de produits analgésiques dans un cathéter péridural ou intrathécal, continuant d'ignorer le cathéter périnerveux.
Vous ayant déjà alertée sur ce sujet par un courrier en date du 27 mars 2009, je l'évoquai à nouveau lors de l'entrevue que j'ai eue, le 10 juin 2009, avec votre conseillère technique pour les professions médicales au sein du pôle de modernisation des soins, entrevue à laquelle participaient les responsables de SOS Douleur Domicile.
C'est seulement parce que, malgré plusieurs relances, nous sommes sans réponse à ce jour que je me permets de vous interroger plus directement en vous remerciant très sincèrement pour votre présence aujourd'hui sur cette question qui m'apparaît majeure, à un moment où nous devons, ensemble, rechercher le développement de réseaux de soins efficients sur des territoires de santé pertinents, à même de garantir à chacun de nos concitoyens l'accès aux soins en qualité, proximité et sécurité, avec le souci de l'économie.
Madame la ministre, ma question est simple : allez-vous décider de modifier la nomenclature des soins infirmiers pour prendre en compte l'injection de produits analgésiques dans un cathéter périnerveux et permettre ainsi de poursuivre le progrès engagé dans la prise en charge de patients souffrant de douleurs rebelles en même temps qu'une substantielle économie dans nos dépenses de santé ?
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le député, je vous remercie de m'interpeller sur ces sujets qui me tiennent particulièrement à coeur : le traitement de la douleur, le développement des soins à domicile et le travail qu'effectuent les réseaux de santé.
Vous m'interrogez plus spécialement sur le réseau SOS Douleur Domicile et le souhait de ce réseau d'obtenir l'inscription de l'acte d'injection de produits analgésiques dans un cathéter périnerveux dans la NGAP, la nomenclature générale des actes professionnels.
Ce réseau développe une technique d'analgésie par cathéter périnerveux qui nécessite que les infirmiers libéraux soient habilités à procéder au domicile des patients à la préparation et au changement des infuseurs reliés à un cathéter placé à proximité d'un trou ou d'un plexus nerveux.
Comme il s'agit de l'injection d'un produit stupéfiant, cette habilitation nécessite que l'infirmier dispose d'une prescription médicale conforme à la réglementation, de protocoles de soins sur la technique à appliquer et la gestion des effets indésirables pouvant intervenir à court, moyen ou long terme, de procédures écrites sur la conduite à tenir en cas de problème, indiquant notamment les coordonnées du médecin à contacter. Il est également nécessaire qu'un médecin puisse, sans être physiquement présent, intervenir à tout moment. Nous ne sommes pas devant un acte banal.
En outre, pour des questions de qualité et de sécurité des soins, qui sont toujours les critères sur lesquels je prends mes décisions, il est indispensable que le patient et son entourage soient associés à la prise en charge. Ils doivent connaître et identifier les effets secondaires du traitement, à court, moyen et même long terme, les complications éventuelles liées à la technique utilisée ainsi que les précautions d'hygiène à respecter. À cet égard, une information orale et écrite adaptée doit être délivrée au patient par l'équipe soignante. La compréhension des informations délivrées au patient doit être vérifiée.
Le réseau de santé SOS Douleur Domicile est financé, vous l'avez indiqué, par l'ARS de Poitou-Charentes sur le FIQCS, le Fonds d'intervention de la qualité et de la coordination des soins, lequel n'a pas de problèmes budgétaires puisque, vous le savez, ses crédits ne sont pas entièrement consommés : nous le constatons chaque année dans la loi de financement de la sécurité sociale. Le réseau SOS Douleur Domicile utilise plus de 70 % de sa dotation pour rémunérer de façon dérogatoire les professionnels de santé, l'acte qu'ils pratiquent n'étant pas inscrit à la nomenclature. Or la vocation première du FIQCS n'est pas de financer des dérogations tarifaires mais bien la coordination et la qualité des soins. Cette situation ne peut donc être pérennisée.
Je le répète, je suis très sensible au travail qu'effectue ce réseau et je reconnais la qualité de l'intervention des professionnels qui le composent, mais je suis également sensible aux problématiques de prise en charge des patients souffrant de douleurs chroniques. Je mène en ce moment une concertation avec l'ensemble de la profession d'infirmière libérale car, à partir du moment où on quitte la procédure dérogatoire, on entre dans le droit commun. Je souhaite voir ce travail de concertation aboutir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
M. Jean-Claude Viollet. Madame la ministre, j'entends bien votre argumentation mais admettez qu'une grande partie du chemin a déjà été parcourue.
L'un de vos prédécesseurs a levé les interprétations restrictives du décret de compétence de la profession d'infirmier pour habiliter ces personnels à utiliser de tels dispositifs à domicile. C'est l'article R. 4311-9 du code de la santé publique, décret du 29 juillet 2004.
Un autre de vos prédécesseurs a autorisé, dans ces cas de douleurs chroniques rebelles, l'administration d'anesthésiques locaux rétrocédés par les pharmacies centrales des hôpitaux.
Le plan anti-douleurs 2006-2010, enfin, présenté par un troisième de vos prédécesseurs, prévoit priorité 3, objectif 7, mesure 18 de " faciliter l'utilisation, au domicile du patient, dans de bonnes conditions de sécurité et de qualité, de certains médicaments et certaines techniques d'administration ", appelant à " définir les critères d'éligibilité des patients " - je ne reviens pas sur ce que vous avez dit - et à " favoriser l'accès à certains médicaments utilisés hors AMM au domicile du patient, dans le cadre de la prise en charge de la douleur chronique rebelle ".
Aujourd'hui, il faut sortir du système dérogatoire pour inscrire à la nomenclature des soins infirmiers cette prestation spéciale formidablement organisée par SOS Douleur Domicile avec toutes les garanties de sécurité, de qualité et de proximité.
Je vous engage très sincèrement à aller au bout de la logique. Beaucoup de chemin a été fait par vos prédécesseurs. Réalisez la dernière étape, faites en sorte que cet acte soit aujourd'hui coté.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Viollet

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Santé et sports

Ministère répondant : Santé et sports

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 20 avril 2010

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