Question orale n° 101 :
bruits

13e Législature

Question de : M. François de Rugy
Loire-Atlantique (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. François de Rugy souhaite interroger M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, à propos des mesures qu'il compte prendre afin de protéger du bruit les riverains des infrastructures routières.

Réponse en séance, et publiée le 9 janvier 2008

NUISANCES SONORES DES INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour exposer sa question, n° 101, relative aux nuisances sonores des infrastructures routières.
M. François de Rugy. Je profite de l'occasion qui m'est donnée en ce début d'année pour vous adresser mes meilleurs voeux, monsieur le président, madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, ainsi qu'à tous les personnels de l'Assemblée, qui travaillent à nos côtés.
Je formulerai le voeu plus précis, madame la secrétaire d'État, que les promesses du Grenelle de l'environnement ne restent pas des voeux pieux, car nos craintes en la matière sont souvent justifiées.
Je voudrais vous interroger sur le problème du bruit généré par le trafic routier, problème qui concerne malheureusement une très grande majorité des Français, surtout en ville, bien sûr, mais aussi, et de plus en plus, à la campagne.
Ainsi ma commune d'Orvault est littéralement cernée par les grandes infrastructures routières : le périphérique de Nantes, la route nationale 171, plus connue sous le nom de voie express Nantes-Rennes, et la route nationale 165, également appelée route de Vannes. Toutes ces routes faisant partie du réseau routier national, dont l'État est le responsable unique, je me permets de vous interpeller sur ce point.
Les Orvaltais, notamment ceux du quartier du Bois Raguenet ou de la Conraie, mais aussi de nombreux Nantais du quartier du Bout des Landes, souffrent particulièrement de ce bruit continu. J'insiste sur ce point : il ne s'arrête jamais.
Il faut préciser que dans ces quartiers, comme c'est très souvent le cas, toutes les habitations préexistaient à l'établissement de ces grandes infrastructures routières ou à leur mise à deux fois deux voies. C'est pourquoi je trouve particulièrement scandaleux que des dispositifs anti-bruit n'aient pas été construits dès l'origine. On pourrait même regretter qu'on n'ait pas fait le choix dès le départ d'enterrer ces deux fois deux voies dans les secteurs les plus densément habités, comme on l'a fait pour le réseau ferroviaire dans notre ville de Nantes, où la voie de chemin de fer traverse la ville en souterrain. Il est bien dommage qu'il n'en ait pas été de même pour la route.
Pour le bruit routier, le seuil de gêne est aujourd'hui fixé à 65 décibels. Bizarrement, ce seuil est calculé sur la base de la moyenne des niveaux atteints, non pas même sur l'ensemble de la journée, mais pendant vingt-quatre heures, c'est-à-dire pendant le jour et la nuit ! Ainsi les pics supérieurs à 70 décibels atteints au quartier du Bois Raguenet ne sont pas pris en compte puisqu'ils sont compensés par les faibles niveaux de la nuit.
À cela s'ajoute qu'il est très difficile d'obtenir des services de l'équipement notamment qu'ils effectuent des mesures de bruit, et d'en obtenir les résultats lorsque celles-ci sont effectuées. Cela me paraît en contradiction avec les conclusions du Grenelle de l'environnement, notamment avec le discours du Président de la République lui-même, qui en appelait à un droit à la transparence totale des informations environnementales et de l'expertise.
Le site du Bois-Raguenet a certes bénéficié récemment de l'installation de nouveaux murs anti-bruit. Mais à notre grande surprise, ils sont à peine plus haut que les anciens ; et surtout, ils sont trop courts pour être efficaces. Quant aux autres sites frappés par les nuisances générées par ces infrastructures routières, ils ont été purement et simplement oubliés.
On a opposé à la réalisation complète de ces murs anti-bruit l'argument classique de leur coût. Mais ne doit-on pas plus légitimement s'inquiéter du coût de la fatigue et des pathologies générés par le bruit ? Ce n'est pas votre collègue en charge de la santé, ici présente, qui me contredira. Une étude de l'INSEE a montré il y a quelques années que 54 % des Français se déclaraient gênés par le bruit, et que 59 % des patients en consultation pour états anxiodépressifs plaçaient le bruit au premier rang des nuisances. Pour tous ceux qu'elle frappe, la pollution sonore est une vraie souffrance, qui les contraint souvent à déménager. En être réduit à cette extrémité est douloureux en soi, mais ça l'est d'autant plus pour ceux qui avaient acquis leur logement avant l'installation de ces infrastructures, ce qui a dévalorisé leur bien.
Ma conviction est donc que la législation devrait changer pour mieux protéger nos concitoyens contre le bruit routier. Je me permets à cet égard trois suggestions.
Premièrement, les seuils de gêne ne devraient plus être fixés à partir d'une moyenne, mais tenir compte des pics, dont il faut savoir que la durée peut excéder plusieurs heures.
Il faut ensuite obliger l'État, les départements et tous les concessionnaires autoroutiers à installer des protections phoniques avant même tout nouvel aménagement routier. J'entends ici souvent revendiquer la réalisation de nouvelles routes, mais on devrait d'abord se préoccuper de ceux qui souffrent des nuisances générées par les routes existantes.
Quant à l'habituel problème de financement, il pourrait être résolu par la taxe sur les poids lourds, dont le principe a été décidé dans le cadre du Grenelle de l'environnement, et qui a pour finalité de prendre en compte les coûts externes au trafic routier.
Êtes-vous prête, madame la secrétaire d'État, à aller dans ce sens ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur de Rugy, le bruit constitue en effet une grave nuisance, qui n'est pas dommageable seulement du point de vue du confort, comme on l'a trop longtemps cru, mais également sur le plan de la santé, des études ou des expériences locales l'ont d'ores et déjà démontré. En tant qu'élue d'une circonscription située au bout des pistes d'Orly et traversée par trois autoroutes, je mesure d'autant mieux les difficultés auxquelles vous êtes confronté.
La réglementation en vigueur pour les infrastructures nouvelles, si elle peut toujours être améliorée, est d'ores et déjà assez solide. En effet, un arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières, pris en application de la loi du 31 décembre 1992, indique les niveaux maximaux admissibles pour la contribution sonore d'une infrastructure nouvelle. Je suis à ce propos un peu surprise quand vous dites que la réglementation ne distingue pas entre la nuit et le jour : le décret prévoit normalement 60 décibels en journée et 50 décibels la nuit pour des logements en zones d'ambiance sonore préexistante modérée, et pour les autres logements 65 décibels en journée, et 60 la nuit. S'il est vrai que ces seuils ne tiennent pas compte des pics de bruit, notamment de ce qu'on appelle l'émergence, c'est-à-dire l'irruption d'un bruit particulier, par exemple celui d'une moto roulant dans la nuit, qui sont les plus anxiogènes, ils distinguent bien période diurne et période nocturne.
Le décret du 9 janvier 1995 relatif à la limitation du bruit des aménagements et infrastructures de transports terrestres précise en outre que le respect de ces seuils doit être assuré par un traitement direct de l'infrastructure et de ses abords immédiats, par le biais, par exemple, de revêtements moins bruyants, ou de murs ou de merlons de terre anti-bruits.
Lorsque ces dispositifs ne suffisent pas, et seulement dans ce cas, le respect de tout ou partie de ces obligations est assuré par un traitement sur le bâti, par une isolation de façade par exemple, qui tient compte de l'usage effectif des pièces exposées au bruit. Voilà pour les infrastructures nouvelles.
Pour les infrastructures existantes, l'État applique sur son réseau une politique de lutte contre les points noirs du bruit qui prévoit une action de rattrapage systématique. En revanche, un rattrapage immédiat est à ce jour incompatible avec les possibilités du budget de l'État ou des collectivités, qui, ainsi que vous le savez, cofinancent ce type de travaux.
La réalisation de cartes de bruit et les futurs plans de prévention du bruit dans l'environnement prévus par le décret du 24 mars 2006 doivent permettre aux différents maîtres d'ouvrage d'infrastructures routières d'établir un programme de lutte contre le bruit et d'indiquer aux riverains un calendrier des travaux. Il convient à ce propos de noter que le public doit obligatoirement être consulté lors de l'élaboration de ces plans.
Permettez-moi de répondre aux voeux que vous avez formulés à propos du Grenelle de l'environnement, et d'abord en vous adressant mes voeux à mon tour ! Les suites du Grenelle de l'environnement nous mobilisent en ce moment, Jean-Louis Borloo et moi-même, à 200 %. Pour reprendre les mots du Président de la République, qui les a répétés tout dernièrement, à l'occasion de sa visite en Camargue, les décisions du Grenelle seront intégralement et scrupuleusement respectées.
Or le Grenelle a évoqué la question du bruit, dans le cadre, qui n'est pas anodin, de l'atelier " Santé-environnement ". Il a été décidé d'accroître sensiblement les moyens financiers consacrés à la lutte contre le bruit des infrastructures de transports terrestres. Nous sommes en train de décliner dans des comités opérationnels cette orientation, qui sera bien évidemment une des priorités du futur programme d'investissement. L'option de retenir une partie de l'éco-redevance sur les poids lourds n'est pas actuellement privilégiée, celle-ci ayant a priori pour finalité le développement des alternatives au transport routier - transport ferroviaire, fluvial ou maritime - même si on peut encore en discuter.
M. le président. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre, qui me donne l'occasion de rebondir sur un point. Il est vrai qu'on parle beaucoup de la pollution sonore générée par les aéroports, notamment en ville, et c'est bien légitime, étant donné la souffrance des riverains. Mais il faut quand même savoir que ceux qui souffrent des nuisances sonores générées par les routes sont en bien plus grand nombre, et qu'il s'agit, je le répète, d'un bruit continu.
Je me réjouis de votre réponse concernant les infrastructures nouvelles, mais il serait néanmoins préférable qu'on en installe de moins en moins : notre pays est déjà très largement couvert par les infrastructures routières et autoroutières, et la question est maintenant de remédier aux problèmes qu'elles génèrent. Comme pour l'isolation thermique des bâtiments, l'enjeu est autant, sinon plus, l'existant que les nouvelles constructions.
Je souhaite donc qu'on se montre beaucoup plus offensif en la matière. C'est là un point de désaccord avec vous : à mes yeux, l'argument de l'incapacité de l'État à financer ces mesures n'est pas recevable. il faut comparer le coût de ces protections anti-bruit, qui s'élève en général à quelques centaines de milliers d'euros, au pire quelques millions, aux dizaines ou centaines de millions d'euros que coûte la construction d'infrastructures nouvelles, qui vont à leur tour générer des nuisances.
Voilà pourquoi je continuerai à me battre sur ce sujet, dans ma circonscription et au-delà, notamment pour que vous donniez instruction à vos services de faire en sorte que les cartes de bruit indiquent, de la façon la plus transparente, les mesures de bruit faites préalablement à l'établissement des plans de protection des habitants contre le bruit routier.

Données clés

Auteur : M. François de Rugy

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Écologie, développement et aménagement durables

Ministère répondant : Écologie, développement et aménagement durables

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 janvier 2008

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