Question orale n° 1012 :
routes départementales

13e Législature

Question de : M. Jean-Marie Rolland
Yonne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean-Marie Rolland attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur les travaux de restauration de l'allée Marguerite de la Chauvinière située sur la commune de Tanlay dans sa circonscription de l'Yonne. Cette allée est un site classé monument naturel depuis le 16 avril 1934. Elle comprend environ 600 arbres centenaires, des tilleuls, disposés le long de la D 956 et de la D 118 sur une longueur de 1 400 mètres. Toutefois, depuis une vingtaine d'années, des bilans sanitaires ont souligné le mauvais état général de ces derniers et ils préconisaient le remplacement de 304 arbres dont 130 dans les meilleurs délais. À ce jour, seuls 36 ont été abattus en octobre 2007. Des travaux complémentaires devaient avoir lieu en novembre dernier mais ont été annulés par les services du ministère en raison de la présence supposée, non confirmée, de traces de pique-prunes dans le parc du château situé à plusieurs centaines de mètres de l'extrémité de l'allée. Il est alors intervenu auprès de son cabinet qui lui a indiqué la nécessité d'instruire une demande de dérogation. Malgré ses interventions et celles du maire de Tanlay, la situation, à ce jour, n'a pas évolué. Or ils craignent tous deux, en raison de l'extrême mauvais état général des arbres, de nouveaux accidents. Il voudrait savoir si le souci légitime de préserver la biodiversité, la présence non vérifiée, à 1 kilomètre du site, de pique-prunes, passe avant la sécurité des enfants pratiquant une activité sportive sur le stade proche, des promeneurs, voire des automobilistes fréquentant l'allée. Il est évident que tout retard dans le dossier entraîne l'augmentation du risque d'accident et diffère encore la plantation de nouveaux arbres.

Réponse en séance, et publiée le 28 avril 2010

RESTAURATION DE L'ALLÉE
MARGUERITE DE LA CHAUVINIÈRE À TANLAY

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour exposer sa question, n° 1012.
M. Jean-Marie Rolland. Madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, je souhaite attirer votre attention sur les travaux de restauration de l'allée Marguerite de La Chauvinière, située sur la commune de Tanlay, dans ma circonscription de l'Yonne.
Cette allée est un site classé monument naturel depuis le 16 avril 1934. Elle comprend environ 600 arbres plus que centenaires, essentiellement des tilleuls, disposés le long de deux routes départementales, et mène à un château Renaissance classé monument historique.
Or depuis une vingtaine d'années, les bilans successifs ont montré que l'état sanitaire de ces arbres était inquiétant et qu'il s'avérait nécessaire d'en remplacer une partie : 304 arbres, dont 130 dans les meilleurs délais. À ce jour, seuls trente-six ont été abattus en octobre 2007, il y a donc plus de trois ans. Des travaux complémentaires devaient avoir lieu en novembre dernier, mais ils ont été annulés par les services de votre ministère en raison de la présence supposée, donc non confirmée, de traces de pique-prunes dans le parc du château situé à plusieurs centaines de mètres de l'extrémité de l'allée. Je suis alors intervenu auprès de votre cabinet, qui m'a indiqué la nécessité d'instruire une demande de dérogation. Malgré mes interventions et celles du maire de Tanlay, la situation, à ce jour, n'a pas évolué. Pourtant nous craignons tous deux, le maire et moi-même, en raison du mauvais état général des arbres, de nouveaux accidents.
Je voudrais donc savoir, madame la secrétaire d'État, si le souci légitime de préserver la biodiversité l'emporte sur la présence non vérifiée, à un kilomètre du site, de traces de pique-prunes ? Cette présence hypothétique passe-t-elle avant la sécurité des enfants pratiquant une activité sportive sur le stade proche, avant la sécurité des promeneurs, voire celle des automobilistes fréquentant l'allée ? Il est évident que tout retard dans la résolution de cette difficulté entraîne l'augmentation du risque d'accident et diffère encore la plantation de nouveaux arbres.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État auprès du ministre de l'écologie.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État auprès du ministre de l'écologie. Monsieur Jean-Marie Rolland, la sécurité des enfants, des sportifs, des promeneurs, voire des automobilistes fréquentant l'allée Marguerite de la Chauvinière, située à Tanlay, nous importe à tous, comme elle importe à M. le maire de cette commune et à vous-même, qui soulignez justement que tout retard dans le dossier entraîne l'augmentation du risque d'accidents et diffère encore la plantation de nouveaux arbres.
Ma collègue Chantal Jouanno avait également été saisie par Henri de Raincourt sur le même sujet, en décembre dernier.
Pour toutes ces raisons, il y a lieu de regretter que le demandeur, dûment informé par l'administration, n'ait toujours pas présenté le dossier nécessaire.
Le pique-prune est un insecte protégé en droit interne par l'arrêté ministériel du 23 avril 2007, mais aussi en droit communautaire et même en droit international.
Au sens du droit interne comme européen, ces arbres sont des sites de reproduction et des aires de repos de l'espèce osmoderma eremita. Leur abattage constitue un délit réprimé par l'article L. 415-3 du code de l'environnement. Ce code dispose que la dérogation aux interdictions est délivrée à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
Habitant à l'état naturel dans les forêts âgées, ce coléoptère ne subsiste bien souvent que sur les grands alignements d'arbres. Dans le département de l'Yonne, cette espèce n'est connue que dans deux localités : Tanlay et Noyers-sur-Serein. C'est dire combien l'espèce est en mauvais état de conservation dans ce département.
Bien qu'il ne soit évidemment pas possible à l'administration de se prononcer en l'absence de dossier technique, l'expérience montre que l'on peut généralement proposer des solutions qui concilient les impératifs de la sécurité publique avec la conservation de la biodiversité.
Par exemple, la conjonction d'actions simples - un élagage sévère, la replantation de jeunes arbres aux places vides laissées au milieu des anciens, une inspection régulière par des personnes compétentes pour évaluer chaque arbre individuellement, tant en termes de dangerosité potentielle que d'intérêt biologique - suffit à mettre les usagers à l'abri de la chute des branches tout en préservant l'esthétique du site et son aspect actuel, ainsi que sa valeur biologique.
Le responsable de cet abattage doit donc solliciter une dérogation à l'interdiction de destruction des sites de reproduction et des aires de repos du pique-prune. Il lui appartient de présenter, à l'appui de sa demande, un dossier établissant la nécessité de procéder à cet abattage en indiquant les mesures compensatoires prévues au titre de la qualité de l'état de conservation de la population des coléoptères concernés.
Le pique-prune étant emblématique dans le secteur de Tanlay en raison de son statut d'espèce fortement menacée et strictement protégée, il est bon que l'accent soit mis sur cet insecte.
Toutefois, s'il y a lieu, le dossier de demande de dérogation doit également signaler et prendre en compte les autres espèces protégées, telles que les chauves-souris, dont des spécimens ou encore des sites de reproduction ou des aires de repos seraient affectés par la réalisation de ce projet.
La règle consiste à demander une dérogation pour toutes les espèces de faune ou de flore sauvages protégées auxquelles porterait atteinte la réalisation d'un projet. On se prémunit ainsi contre le risque juridique de devoir suspendre les travaux en cas de découverte ultérieure d'une espèce qui, n'ayant pas été explicitement prise en compte dans la demande, ne le serait évidemment pas non plus par une dérogation incomplète.
Voilà, monsieur le député, les éléments que je peux porter à votre connaissance afin d'accompagner un sujet qui doit allier sécurité publique et préservation de la biodiversité. Ce n'est jamais simple, mais soyez assuré que le Gouvernement essaiera de faire en sorte que ce dossier puisse être traité et suivi dans les meilleures conditions pour nos concitoyens.

Données clés

Auteur : M. Jean-Marie Rolland

Type de question : Question orale

Rubrique : Voirie

Ministère interrogé : Écologie

Ministère répondant : Écologie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 avril 2010

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