Question orale n° 1066 :
budget, comptes publics et réforme de l'État : services extérieurs

13e Législature

Question de : M. Simon Renucci
Corse-du-Sud (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Simon Renucci attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État sur la fermeture du centre régional des pensions de Corse prévue en janvier 2011. Ce sont plus de 28 000 retraités qui sont concernés. Par ailleurs, 40 000 dossiers sont actuellement en attente de traitement. Cette décision arbitraire a des conséquences graves, destruction du lien social, d'un service de proximité et rupture du contrat de confiance avec les administrés. Les retraités sont les premiers à souffrir de l'érosion de leur pouvoir d'achat. Leurs difficultés s'en trouveront grandement aggravés lorsqu'après la mise en contact avec le serveur téléphonique, ces derniers se trouveront dans l'obligation de se rendre à Marseille pour régler leurs dossiers avec un vrai interlocuteur. Les usagers seront pénalisés par cet éloignement. C'est la fin de l'accueil personnalisé pour ceux qui en ont le plus besoin. Cette décision entraînera une rupture d'égalité et de confiance entre l'administration et les citoyens mais aussi entre l'administration et ses fonctionnaires. Les suppressions d'emplois qui accompagneront cette délocalisation sont inadmissibles et iniques. Le délitement aggravé de l'administration publique vient pourtant d'être dénoncé dans le rapport du Médiateur de la République ; cependant il continue à nier la réalité. Cette déshumanisation de l'administration publique aura pour première victime l'usager qui s'engagera alors dans un véritable parcours du combattant. L'insularité est un facteur handicapant pour ceux qui n'auront pas les moyens de se déplacer lorsque cela s'avéra nécessaire. Il prive ainsi l'usager de toute relation humaine et il le condamne à l'automatisation grandissante de notre service public. Les spécificités de la Corse, qui est la première à être concernée par cette suppression, ne sont visiblement pas prises en compte et la gestion éloignée des dossiers ne pourra qu'entraîner complications et dérives. C'est au nom du maintien de la continuité territoriale et de la proximité du service public qu'il lui demande l'annulation de cette décision.

Réponse en séance, et publiée le 19 mai 2010

FERMETURE DU CENTRE RÉGIONAL DES PENSIONS DE CORSE

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci, pour exposer sa question, n° 1066, relative à la fermeture du centre régional des pensions de Corse.
M. Simon Renucci. Monsieur Baroin, c'est à vous que s'adresse ma question. Je suis donc très heureux que vous soyez présent dans l'hémicycle ce matin pour me répondre. Je n'en espérais pas tant, en tout cas, pas avant même d'avoir formulé ma demande. (Sourires.)
Je vous interroge sur la décision de la fermeture, prévue pour janvier 2011, du centre régional des pensions de Corse. Mon collègue Paul Giacobbi s'associe à cette question.
Ce centre gère plus de 28 000 pensionnés pour un total de 40 000 pensions diverses : retraites personnelles et pensions de reversion, pensions militaires, pensions d'invalidité, pensions des veuves de guerre et des victimes civiles, retraites des combattants... Il s'agit d'un service public d'autant plus utile qu'il concerne une population en situation de fragilité, en raison tant de son âge et de son niveau de revenu que de son isolement. Cette décision injuste aurait donc des conséquences graves en termes de destruction du lien social, et elle se traduirait par la disparition d'un service de proximité.
Les retraités sont les premiers à souffrir de l'érosion du pouvoir d'achat. Leurs difficultés se trouveront grandement aggravées lorsque, après l'échec éventuel du traitement de leur dossier par un centre d'appel téléphonique, ils se trouveront dans l'obligation de se rendre à Marseille pour y rencontrer un interlocuteur compétent. Les pensionnés de Corse seront pénalisés par cet éloignement. C'est la fin de l'accueil personnalisé pour ceux qui en ont le plus besoin.
Cette décision entraînera également une rupture d'égalité et de confiance entre l'administration et les citoyens, mais aussi entre l'administration et ses fonctionnaires. Même si leur nombre n'est pas élevé, les suppressions d'emplois qui accompagneront cette délocalisation constitueront autant de souffrances supplémentaires. Le délitement de l'administration publique vient pourtant d'être dénoncé dans le rapport du médiateur de la République, et je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes sensible.
En Corse, l'insularité sera un facteur handicapant pour ceux qui n'auront pas les moyens de se déplacer lorsque cela s'avèrera nécessaire. Il me paraît utile de préciser également que plus de 10 % des pensionnés âgés s'expriment principalement en langue corse.
Les particularismes, ou la diversité, ont été pris en compte par la direction générale des finances publiques pour traiter les cas de l'île de la Réunion et de la Martinique, et leurs centres de pensions seront maintenus. Il s'agit donc de reconnaître de manière égale les mêmes facteurs de handicap liés à l'insularité, quel que soit le territoire de France
Les spécificités de la Corse, qui est la première à être concernée par une telle suppression, ne sont pas prises en compte. La gestion éloignée des dossiers entraînera des complications et des " tracasseries administratives ", comme disait M. Mitterrand. Monsieur le ministre, c'est au nom du maintien de la continuité territoriale, de la proximité du service public, et du simple bon sens, que je vous demande de revenir sur cette décision.
M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur Renucci, moi aussi, je suis heureux d'être présent pour vous répondre.
Je vous confirme que la direction générale des finances publiques, placée sous mon autorité, conduit un projet de réforme de la gestion des retraites de l'État. C'est une réforme de longue haleine, complexe et difficile - vous le savez puisque vous êtes en contact avec les agents sur place -, mais aussi réfléchie et stratégique. Elle s'inscrit en effet dans une stratégie qui a pour cadre la révision générale des politiques publiques qui a débuté en décembre 2007.
Il est exact que, dans ce contexte, le nombre de centres régionaux assurant le règlement des pensions des retraités de l'État va diminuer. L'objectif est de gagner en efficacité et en qualité de service. Cependant, à l'heure où je vous parle, nous n'avons pas décidé que le centre d'Ajaccio serait le premier concerné.
Pour vous répondre, je rappelle les principes de notre réforme.
Notre premier objectif est de réformer la gestion des retraites de l'État pour accroître son efficacité. Il n'est pas normal qu'il soit aujourd'hui plus compliqué de préparer la retraite d'un fonctionnaire que celle d'un salarié du privé. Le dispositif actuel sollicite beaucoup de personnels afin de reconstituer l'intégralité de la carrière de l'agent au moment de son départ à la retraite. Pour mettre fin à cette complexité, notre réforme passe notamment par le développement du compte individuel de retraite, introduit par la loi Fillon de 2003. Ce compte individuel transforme la chaîne de travail qui permet le calcul et le versement des pensions. Il retrace, chaque année, les informations relatives à la carrière qui ouvrent le droit à la retraite. L'État a ainsi mis en place un système plus efficace et moins coûteux.
Une fois étoffé et complété, le compte pourra être utilisé pour liquider les pensions de retraite en moins de temps et avec davantage d'exactitude. Il devrait également - tel est l'esprit de cette réforme - permettre, à terme, de créer les emplois nécessaires à tous les niveaux de la chaîne des pensions. Il sera mis fin, d'ici à 2012, au dispositif actuel ; une expérimentation du nouveau mode de liquidation des retraites sur la base des comptes individuels sera conduite dès la fin 2010.
Notre second objectif - et c'est un élément de réponse stratégique pour celles et ceux qui liront le compte rendu de nos échanges - est d'améliorer la qualité du service rendu aux actifs et aux retraités de la fonction publique. Cette amélioration passe par la modernisation de l'accueil de ces usagers, grâce à des services spécialisés dans la relation avec ceux-ci et des centres de gestion moins nombreux.
Aujourd'hui, vingt-quatre centres régionaux assurent le règlement mensuel des pensions et la relation avec les retraités de l'État. La disparité de taille est grande : le centre le plus important, Paris, gère les pensions de 250 000 retraités, tandis que le plus petit, Ajaccio, qui compte six agents, a en charge 27 400 pensionnés titulaires de 38 800 pensions. Au passage, permettez-moi de vous préciser qu'en aucun cas, il n'y a " 40 000 dossiers en attente ", ce qui serait alarmant.
Il est effectivement prévu de diminuer le nombre de centres, qui passera de vingt-quatre à onze, afin de concentrer l'activité dans des sites de taille plus importante et d'innover dans l'organisation des tâches. Le calendrier de mise en oeuvre prévoit le démarrage du premier centre d'accueil fin 2010 et la mise en place des nouveaux centres de gestion des retraites progressivement au cours de l'année 2011. Comme je vous l'ai indiqué, il n'est nullement décidé, à l'heure actuelle, que le centre d'Ajaccio sera le premier à être fermé.
Je souhaite, par ailleurs, que dans l'application de la réforme, un contact de proximité avec les usagers, soit par téléphone, soit par courrier, continue d'être assuré, à Ajaccio comme ailleurs. Bien entendu, aucun retraité n'aura à se rendre à Marseille.
Je ne développerai pas davantage ces autres sujets, mais je reste à votre disposition pour en parler plus directement.
M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.
M. Simon Renucci. Merci, monsieur le ministre. Certes, les progrès se jugent à l'amélioration de la qualité, mais la qualité est un mot magique et, dans un monde en devenir, ils consistent également à favoriser et à consolider les modèles positifs ; ce mode de pratique politique est aussi le vôtre.
La décision de supprimer ce centre ne permettrait qu'une faible économie ; en revanche, elle créerait un sentiment d'abandon et renforcerait l'impression de mépris ressentie par certains retraités, vous le savez. Confrontés à l'incertitude, angoissés par la crise, ils seront les premières victimes de cet isolement involontaire. Face à ce type de décisions génératrices parfois d'incompréhension et d'inquiétude, les retraités vont se replier sur eux-mêmes et exprimeront leur défiance envers l'action politique. Or, aujourd'hui, celle-ci doit être défendue - avec des différences, parfois importantes - et valorisée, ou alors il ne faut pas s'étonner que 50 % des gens ne votent pas. Cette impression est d'autant plus vraie qu'elle est confortée par la prochaine réforme, laquelle, quoi qu'on dise, est une réforme majeure dans laquelle chacun doit prendre sa part de responsabilité.
Monsieur le ministre, je sais qu'étant peu nombreux, nous ne comptons guère - en dépit des qualités que vous voulez bien nous reconnaître -, mais je serai attentif à la réponse que vous apporterez aux insulaires. En tout état de cause, je vous remercie d'avoir été présent pour me répondre.

Données clés

Auteur : M. Simon Renucci

Type de question : Question orale

Rubrique : Ministères et secrétariats d'état

Ministère interrogé : Budget, comptes publics et réforme de l'État

Ministère répondant : Budget, comptes publics et réforme de l'État

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 mai 2010

partager