Question orale n° 1099 :
affaissements miniers

13e Législature

Question de : Mme Aurélie Filippetti
Moselle (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Aurélie Filippetti attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la situation des territoires lorrains touchés par les conséquences de l'exploitation minière. En effet, si la dernière mine a fermé ses portes en France le 23 avril 2004 à Creutzwald, ville située dans sa circonscription, de graves problèmes de dégâts miniers liés à l'exploitation charbonnière se posent dans plusieurs communes de la région Lorraine. Les victimes de ces dégâts liés aux affaissements miniers et à l'ennoyage contestent depuis des années l'évaluation des dommages. Pourtant, les responsabilités sont bien identifiées : surexploitation du sous-sol par les exploitants miniers, protection insuffisante durant l'activité minière et ennoyage décidé prématurément. Certes, des lois ont été votées en 1994, 1999 et en 2003, mais les décrets et les règlements les rendent si restrictives et inéquitables que des centaines de sinistrés en sont exclues. Les indemnisations insuffisantes entraînent des recours judiciaires, démarches interminables, coûteuses et souvent infructueuses. Aussi elle lui demande s'il entend revoir les conditions d'indemnisation afin de régler les problèmes rencontrés par les propriétaires d'une habitation impactée par des désordres d'origine minière.

Réponse en séance, et publiée le 9 juin 2010

INDEMNISATION DE PRÉJUDICES LIÉS À L'EXPLOITATION MINIÈRE

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour exposer sa question, n°1099, relative à l'indemnisation de préjudices liés à l'exploitation minière.
Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la situation des territoires lorrains touchés par les conséquences de l'arrêt de l'exploitation minière - plutôt devrait-on parler de l'arrêt des exploitations minières puisqu'il s'agit du charbon mais aussi du fer. La dernière mine de charbon a fermé en 2004, à Creutzwald, ville située dans ma circonscription, et la dernière mine de fer en 1997, à Audun-le-Tiche.
Bien entendu, nous sommes solidaires des communes et des habitants du littoral atlantique touchés par la tempête Xynthia, mais il nous semble qu'en comparaison, il y a en Lorraine une grave discrimination en matière d'indemnisation vis-à-vis des foyers, des communes, des entreprises et des artisans qui ont été touchés par les conséquences de la surexploitation minière, notamment par les affaissements miniers.
Pourtant, les responsabilités, on les connaît : une surexploitation du sous-sol par les exploitants miniers, qui ont abandonné la région sans assumer leurs responsabilités ; une protection insuffisante durant la période d'activité, puis un ennoyage décidé prématurément et à notre grand regret. Ainsi, depuis treize ans, depuis l'ennoyage des galeries minières du bassin ferrifère imposé par l'État, les dégâts dus aux affaissements se sont multipliés et l'angoisse de la population grandit. Dans le bassin charbonnier, les habitants doivent se battre contre l'idée, martelée par l'État, que tout a été prévu par Charbonnages de France alors que, là aussi, des risques existent. Les questions liées à l'ennoyage, aux pollutions et au gaz radon n'ont pas trouvé de vraies réponses.
Certes, des lois ont été votées en 1994, 1999 et en 2003, mais les décrets et les règlements les rendent si restrictives et si inéquitables que des centaines de sinistrés sont exclus des possibilités d'indemnisation. Il y a eu des recours judiciaires, des démarches interminables, coûteuses et souvent infructueuses, comme à Landres, à Roncourt, à Moutiers, à Rosbruck et à Cocheren.
Face à cette situation profondément injuste, un collectif de défense des bassins miniers lorrains s'est constitué. Il regroupe près de quatre-vingts communes et possède une véritable expertise sur ce dossier très complexe et très technique. Je demande au Gouvernement de suivre les recommandations de ce collectif. Il propose de définir le sinistre minier en toute transparence et en toute indépendance au niveau des expertises, d'indemniser tous les frais - notamment les frais d'avocat et les frais de procédure - et le préjudice moral subi par les familles et pas les communes. Il préconise également de supprimer la fameuse distinction entre ménages " clausés " et " non clausés " car cela crée une discrimination entre les sinistrés, de revoir la notion de valeur vénale et de mieux appréhender la notion de " confort et consistance équivalents " retenue par la loi pour évaluer les indemnisations. Il recommande de revoir la notion d'antériorité et la date butoir fixée au 1er septembre 1998, d'indemniser les commerçants, les professions libérales, les artisans de leur perte d'exploitation, de permettre aux communes et aux structures intercommunales d'être indemnisées par la loi alors qu'aujourd'hui, elles doivent recourir à de longues procédures devant la justice pour obtenir réparation des préjudices touchant à la voierie. Il faut aussi mieux définir le seuil des pentes des immeubles, unifier partout le seuil d'inhabilité et examiner les problèmes d'eau liés aux remontées de la nappe, causes de graves problèmes d'inondation, de résurgence et de pollution.
M. Albert Facon. Nous avons le même problème !
M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Madame Aurélie Filippetti, le dispositif d'indemnisation existant en matière de risque minier a été ajusté à plusieurs reprises au fil du temps pour apporter un très haut niveau de protection aux éventuelles victimes de dégâts miniers. Ainsi, conformément au principe pollueur-payeur, la responsabilité de l'ancien exploitant a été réaffirmée. Elle s'applique même en l'absence de toute attitude fautive de sa part et n'est pas limitée par la durée de validité du titre minier, mais seulement par la prescription quinquennale qui court à compter du jour où la victime a eu connaissance des dommages. Par ailleurs, l'État assure la réparation des dommages lorsque la responsabilité de l'ancien exploitant a été valablement dégagée par l'introduction d'une clause spécifique dans un contrat de vente ou lorsqu'il a disparu ou est reconnu insolvable. Enfin, afin d'accélérer les procédures pour les dommages aux habitations, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages peut réaliser rapidement la réparation des dommages et se retourner ultérieurement vers l'ancien exploitant.
Ce dispositif apporte un haut niveau de protection homogène sur l'ensemble du territoire national et a permis de régler l'immense majorité de tous les cas de dégâts miniers.
Certes, il subsiste certaines demandes anciennes, pour lesquelles une issue amiable n'a pu être trouvée en raison des divergences sur l'exactitude des préjudices avancés, ce qui a donné lieu à l'ouverture de contentieux. Ces différends doivent être tranchés par les tribunaux compétents. Dès lors qu'une procédure a été engagée, elle doit suivre son cours, l'État ou l'ancien exploitant minier ne pouvant donner un accord systématique à toutes les demandes d'indemnisation, y compris à celles qui leur apparaissent injustifiées.
Dans ce contexte, engager une démarche lourde visant à modifier un système qui a montré ses vertus, afin de régler un nombre très réduit de dossiers, s'avérerait un exercice périlleux eu égard aux incertitudes présentes dans de nombreuses affaires très anciennes et du fait surtout qu'une modification rétroactive des conditions d'indemnisation conduirait à rouvrir tous les dossiers anciens déjà traités.
Cependant, la complexité du dispositif actuel peut conduire à s'interroger sur l'opportunité de le simplifier, notamment d'aménager un dispositif autour d'un acteur unique chargé de toutes les indemnisations.
À cet effet, le ministre d'État Jean-Louis Borloo saisira le Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies conjointement avec le Conseil général de l'environnement et du développement durable, afin d'examiner avec la Commission nationale de concertation sur les risques miniers, les simplifications envisageables dans ce domaine, et de faire des propositions à ce sujet avant la fin de l'année.
M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Mme Aurélie Filippetti. Merci M. le secrétaire d'État. Effectivement, il serait bon de parvenir à une unification car cette notion est importante.
Cela étant, vous venez de refaire la distinction - légitime selon vous - entre " clausés " et " non-clausés ", ce qui fait partie des problèmes qui devront être examinés par la commission. En effet, il nous semble inéquitable de créer deux catégories de citoyens : ceux qui ont droit à une indemnisation et les autres.
J'appelle ensuite votre attention sur cette fameuse date butoir du 1er septembre 1998 qui créé aussi une discrimination.

Données clés

Auteur : Mme Aurélie Filippetti

Type de question : Question orale

Rubrique : Mines et carrières

Ministère interrogé : Écologie, énergie, développement durable et mer

Ministère répondant : Écologie, énergie, développement durable et mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juin 2010

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