politique industrielle
Question de :
M. Olivier Dussopt
Ardèche (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Olivier Dussopt attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur le fait que la France, comme tous les autres pays industrialisés, subit une crise grave qui entraîne la disparition de milliers d'emplois notamment dans le secteur manufacturier. Cette situation porte un risque de désindustrialisation de notre pays comme cela a été souligné à l'occasion des états généraux de l'industrie. Le Gouvernement a d'ailleurs, et c'est là une initiative à saluer, mis en place un plan d'aide à la réindustrialisation doté de 200 millions d'euros et permettant notamment d'allouer des avances remboursables aux entreprises relocalisant leur production en France ou qui ont des projets d'intégration de leur filière sur leurs sites français. Néanmoins, cette mesure n'est pas suffisante et notre industrie se trouve toujours largement confrontée à la concurrence venue d'autres pays. L'industrie française doit être mieux armée pour lui permettre de faire face. Il souhaiterait d'abord connaître les initiatives que le Gouvernement entend prendre au niveau européen pour aller vers une harmonisation des politiques de soutien à l'industrie et notamment s'il entend défendre le principe d'une politique tarifaire qui se caractériserait par un système d'écluses douanières afin de compenser les écarts de compétitivité et en particulier ceux dus à une forme de dumping social. Le principe de l'écluse étant évidemment celui d'une remise à niveau pour garantir une concurrence saine (à défaut d'être non faussée). En second lieu, parce que d'une part une politique tarifaire communautaire unique ne suffirait pas et que d'autre part la concurrence peut aussi être interne à l'Union européenne, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement pour permettre un meilleur accès des entreprises produisant en France aux marchés publics, notamment ceux ouverts par les collectivités locales. A ce titre, le secteur du transport collectif est une bonne illustration. Le marché français est particulièrement ouvert. La société Irisbus est la seule à produire intégralement ses autocars et autobus en France mais elle est largement concurrencée par des sociétés allemandes notamment, dont certaines n'ont qu'un site d'assemblage sur notre territoire. Le taux de pénétration du marché français par les sociétés allemandes est sans commune mesure avec le taux de pénétration français en Allemagne. Dans un tel contexte, la décision de la RATP de ne pas attribuer plus de la moitié d'un même marché au même producteur, aussi performant soit-il, paraît particulièrement regrettable. Les collectivités locales et plus largement la puissance publique devraient pouvoir mettre en oeuvre de manière concrète ce que d'aucun présente comme une forme de patriotisme économique. L'industrie française doit pouvoir bénéficier des mêmes conditions favorables que celles connues par d'autres entreprises dans leurs propres pays. Il lui demande les sont les intentions du Gouvernement en la matière et si il envisage une modification du code des marchés publics. Il lui demande également si, à défaut, il compte mettre en oeuvre une politique industrielle inspirée de celles des pays qui aujourd'hui protègent encore largement leur marché intérieur.
Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2010
SOUTIEN TARIFAIRE À L'INDUSTRIE
ET ACCÈS AUX MARCHÉS PUBLICS DES ENTREPRISES
PRODUISANT EN FRANCE
M. Olivier Dussopt. Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et l'économie numérique sur le fait que la France, comme de nombreux pays, subit une grave crise industrielle qui entraîne la disparition de milliers d'emplois. À cet égard, la circonscription du nord de l'Ardèche est particulièrement touchée.
Cette situation présente un risque de désindustrialisation de notre pays, comme cela a été souligné à l'occasion des états généraux de l'industrie. Un plan d'aide à la réindustrialisation doté de 200 millions d'euros a été mis en place, permettant notamment d'allouer des avances remboursables aux entreprises relocalisant leur production en France ou qui ont des projets d'intégration de leur filière sur leurs sites français. C'est un premier pas certes, mais ce n'est pas suffisant. Notre industrie se trouve aujourd'hui largement confrontée à une concurrence venue de nombreux pays.
Nous devons mieux armer notre industrie pour lui permettre de faire face. Je souhaiterais d'abord savoir quelles initiatives le Gouvernement compte prendre au niveau européen pour aller vers une harmonisation des politiques de soutien à l'industrie, et notamment s'il entend défendre le principe d'une politique tarifaire qui se caractériserait par un système d'écluses douanières afin de compenser les écarts de compétitivité, et en particulier ceux dus à une forme de dumping social, le principe de l'écluse étant évidemment celui d'une remise à niveau pour garantir une concurrence saine.
En second lieu, parce que, d'une part, une politique tarifaire communautaire unique ne suffirait pas et que, d'autre part, la concurrence dans certains secteurs est essentiellement issue d'autres pays de l'Union européenne, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement en vue de permettre un meilleur accès des entreprises produisant en France aux marchés publics, notamment ceux ouverts par les collectivités locales. À ce titre, le secteur du transport collectif est une bonne illustration, puisque le marché français est particulièrement ouvert, en particulier aux groupes européens. La société Irisbus, à Annonay, est la seule à produire intégralement ses autocars et autobus sur le territoire français, mais elle est largement concurrencée, par des sociétés allemandes notamment, dont certaines n'ont qu'un site d'assemblage et non de production sur notre territoire. Le taux de pénétration du marché français par les sociétés allemandes est sans commune mesure avec le taux de pénétration français en Allemagne.
Dans un tel contexte, la récente décision de la RATP de ne pas attribuer plus de la moitié d'un même marché au même producteur, paraît particulièrement regrettable. Ce mois-ci, la société Irisbus connaît plusieurs semaines de chômage partiel qui n'auraient pas été nécessaires si elle avait pu avoir accès à l'ensemble des marchés pour lesquels elle était particulièrement bien placée.
Les collectivités locales, et plus largement la puissance publique, devraient pouvoir mettre en oeuvre de manière concrète ce que d'aucuns présentent comme une forme de patriotisme économique. L'industrie française doit pouvoir bénéficier des mêmes conditions favorables que celles connues par d'autres entreprises dans leurs propres pays.
Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Envisage-t-il une modification du code des marchés publics ? À défaut, compte-t-il mettre en oeuvre une politique industrielle inspirée de celles des pays qui aujourd'hui protègent encore largement les entreprises installées sur leur territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefèbvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
M. Frédéric Lefèbvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le député, vous demandez comment soutenir notre industrie. Le Gouvernement l'a montré pendant la crise avec la création du FSI, en soutenant le secteur automobile à hauteur de 6 milliards d'euros, somme aujourd'hui remboursée puisque ce secteur va mieux, et grâce au plan d'aide à la réindustrialisation doté de 200 millions d'euros dont vous avez parlé. Nous sommes à un moment où il faut défendre notre industrie, et le Président de la République l'a montré, de même que le Gouvernement et la majorité.
Les propositions que vous faites, si elles sont séduisantes sur le papier - je pense par exemple à la question de la politique tarifaire ou à l'accès privilégié des entreprises françaises aux marchés publics nationaux - se heurtent à la réglementation européenne. Vous avez conclu votre propos en espérant que nous puissions nous inspirer des autres pays. Or il se trouve que les autres pays européens sont contraints, comme nous, de respecter l'article 3 du traité instituant la Communauté européenne, qui repose sur le principe de la libre circulation des marchandises. Elle est assurée par l'interdiction faite aux États membres d'imposer des entraves pécuniaires ou des restrictions quantitatives aux échanges intracommunautaires de marchandises. Les États membres ne sont donc absolument pas habilités à suspendre unilatéralement des droits de douane, à modifier eux-mêmes le tarif douanier commun, parce que la politique douanière est une compétence exclusive de l'Union depuis 1968.
Quant à l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne, il précise et prohibe l'utilisation de la fiscalité intérieure à des fins protectionnistes. Le principe d'écluses douanières, auquel vous avez fait référence, ou tout autre élément de politique tarifaire visant à restreindre la circulation intérieure des marchandises est donc clairement contraire au traité constitutif de l'Union.
Le principe d'un accès privilégié aux marchés publics nationaux, dès lors qu'il ne concerne pas un domaine régalien, comme l'armement, la défense ou la sécurité nationale, rompt le principe du marché unique et contrevient lui aussi au traité constitutif de l'Union. Il n'est donc pas possible de réserver les marchés publics aux seules entreprises françaises.
Soyez convaincu, monsieur le député, que la France respecte ses obligations européennes et qu'elle soutient son industrie. J'ai entendu ce que vous disiez sur le transport public en prenant l'exemple d'une entreprise de votre circonscription. Vous avez expliqué que, dans nombre de secteurs, les entreprises étrangères en France bénéficient de plus d'avantages que les entreprises françaises à l'étranger. Cela nous renvoie à la priorité qui est la nôtre et qui concerne tant le ministre de l'industrie que le ministre du commerce extérieur, celle de mieux vendre nos savoir-faire à l'étranger et de mieux aider les entreprises françaises à se développeer dans d'autres pays européens.
Auteur : M. Olivier Dussopt
Type de question : Question orale
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Industrie, énergie et économie numérique
Ministère répondant : Industrie, énergie et économie numérique
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 30 novembre 2010