DOM-ROM : Guadeloupe
Question de :
Mme Jeanny Marc
Guadeloupe (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Jeanny Marc attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales, sur le fait que le Parlement a définitivement adopté le projet de loi réformant les collectivités territoriales, qui prévoit notamment la création de conseillers territoriaux. Dans les départements et régions d'Outre-mer (DROM) aborder la question de l'évolution institutionnelle soulève une ambiguïté tout à fait particulière, en raison de la superposition sur un même territoire de deux collectivités locales. Afin de satisfaire aux exigences posées par les dispositions inscrites au titre XII de la Constitution dans un contexte de réforme nationale de l'organisation territoriale, le Gouvernement a procédé à un double référendum local en janvier 2010 dans les départements de la Martinique et de la Guyane : l'un portant sur l'accroissement de l'autonomie des collectivités concernées et l'autre sur la création d'une assemblée unique. En ce qui concerne la Guadeloupe, également DROM, il convient de noter que contrairement à la Guyane et à la Martinique, la Guadeloupe est inscrite, au même titre que les autres territoires de l'hexagone, dans le texte adopté, conformément au principe de « l'identité législative » auquel sont soumis tous les départements français. Or, en juin 2009, à l'occasion de la visite du Président de la République en Guadeloupe, suite à la survenance d'une crise sociale longue et largement médiatisée, les élus locaux du département ont demandé au chef de l'État de disposer d'un délai de 18 mois afin d'examiner la pertinence d'une sollicitation du Gouvernement afin que celui-ci mette en oeuvre un référendum local dans les conditions posées par l'article 73 de la Constitution, demande qui a été acceptée. Pourtant, c'est avec regret que les élus de la Guadeloupe ont exprimé tout au long du débat parlementaire, leur inquiétude quant à l'impossibilité qui leur était offerte, de pouvoir ne serait-ce qu'informer la population qu'ils représentent, sur l'avenir des institutions de leur territoire tant, ils ont été écartés des discussions qui les concernaient au premier chef. En effet, si la Constitution dispose à son article 73 que : « La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. » - l'article 72-4 lui est antagoniste, puisqu'il rappelle que : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement ... peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif... ». Alors, si l'article 73 pose une obligation de consultation des populations concernées, et que l'article 72-4 ne pose qu'une faculté offerte au Président de la République de consulter les électeurs, eu égard au traitement qui nous a été accordé à l'occasion de cette réforme, il apparaît aujourd'hui primordial que s'ouvre un débat sur une révision sur les dispositions constitutionnelles susdites afin de clarifier cette ambiguïté. La réforme des institutions est indispensable, mais pas au détriment des valeurs démocratiques qui animent l'esprit du texte fondateur de notre République. Les 18 mois de délai accordé à la Guadeloupe pour bâtir un projet arriveront à terme en janvier 2011. Le congrès, qui doit se réunir très prochainement sous la houlette du conseil régional, devra être à même de proposer le cadre d'un projet sociétal guadeloupéen, permettant au gouvernement de consulter la population une nouvelle fois. Il est indéniable que les Guadeloupéens demeurent profondément attachés à la France, il n'en demeure pas moins vrai, qu'ils accordent une importance capitale sur la question de l'évolution institutionnelle pour asseoir définitivement leur choix et, au besoin de réaffirmer leur ancrage dans la République française. En effet, trop d'extrapolations sont possibles, trop de doutes sur la stabilité des dispositifs législatifs sont envisageables, grevant au final l'essor économique de notre Guadeloupe. Elle demande donc au Gouvernement de clarifier les dispositions constitutionnelles qui demeurent ambiguës.
Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2010
ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE DE LA GUADELOUPE
M. le président. La parole est à Mme Jeanny Marc, pour exposer sa question, n° 1220, relative à l'évolution institutionnelle de la Guadeloupe.Mme Jeanny Marc. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités, mes chers collègues, le Parlement a définitivement adopté le 17 novembre dernier le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui prévoit, entre autres dispositions nouvelles, la création d'élus territoriaux.
La superposition sur un même territoire de deux collectivités, le conseil régional et le conseil général, administrées par les mêmes élus territoriaux, crée de fait une collectivité nouvelle, une assemblée unique.
En janvier 2010, le Gouvernement a procédé à un double référendum local dans les départements de Martinique et de Guyane, l'un sur l'accroissement de l'autonomie des collectivités concernées, l'autre sur la création d'une assemblée unique. La Guadeloupe quant à elle n'avait pas, dit-on, formulé de propositions à temps alors que le Président de la République, lors de sa visite sur place le 26 juin 2009, nous avait laissé dix-huit mois pour organiser notre propre consultation, ce qui nous laissait jusqu'au 26 février 2011. Nous nous voyons ainsi privés du droit fondamental d'expression populaire par vote démocratique, ce qui justifie la partie relative à l'outre-mer de la saisine du Conseil constitutionnel par les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
La Constitution dispose dans son article 73 que " la création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités ".
L'article 72-4 est contraire à cette disposition, puisqu'il rappelle que " le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située en outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif ".
Puisque l'article 73 énonce l'obligation de consulter les populations concernées, alors que l'article 72-4 ne définit qu'une faculté offerte au Président de la République de consulter les électeurs, et compte tenu du traitement qui nous a été réservé lors de cette réforme, il semble primordial d'ouvrir le débat sur une révision des dispositions constitutionnelles propre à clarifier cette ambiguïté.
La réforme des institutions est indispensable, mais pas au détriment des valeurs démocratiques qui animent le texte fondateur de notre République. De ce point de vue, le Gouvernement entretient une certaine ambiguïté ; je l'ai constaté en écoutant le ministre de l'intérieur lors de la réception donnée en l'honneur des maires d'outre-mer le 22 novembre, rue Oudinot.
" Son application ", a-t-il ainsi déclaré à propos du texte, " sera certes adaptée à l'outre-mer chaque fois que nécessaire. [...] Pour la Réunion et la Guadeloupe, en l'absence des propositions s'écartant des dispositions arrêtées par le législateur, la loi portant réforme des collectivités territoriales s'appliquera telle quelle, ainsi que le Gouvernement l'a toujours indiqué ".
Si les Guadeloupéens demeurent indéniablement attachés aux valeurs de la République, ils n'en accordent pas moins une importance capitale à la question de l'évolution institutionnelle pour arrêter définitivement leur choix et, au besoin, réaffirmer leur ancrage dans la République française.
Êtes-vous prêts à lever une fois pour toutes les ambiguïtés inhérentes à l'interprétation des articles 72-4 et 73 de la Constitution ?
Sans préjuger de l'avis que rendra le Conseil constitutionnel, pouvez-vous me garantir que la population de la Guadeloupe sera consultée ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame Marc, je rappelle que le Gouvernement veille scrupuleusement à ce que la réforme ne soit pas appliquée de manière différenciée dans les collectivités territoriales, et qu'il tient à tenir compte des souhaits exprimés par nos concitoyens ultramarins et leurs élus. L'application des dispositions constitutionnelles relatives à l'organisation des collectivités territoriales d'outre-mer ne souffre donc d'aucune ambiguïté.
En ce qui concerne la mise en oeuvre de ces dispositions en Guadeloupe, ainsi que vous le rappelez vous-même, le principe de l'identité législative doit prévaloir, comme dans les autres collectivités, et notamment dans les départements et régions d'outre-mer. Cela étant, le Président de la République a répondu favorablement aux élus de la Guadeloupe, qui souhaitaient bénéficier d'un délai de dix-huit mois, vous l'avez rappelé, avant de faire connaître leur position sur l'évolution institutionnelle.
Dès lors qu'aucune délibération des collectivités de Guadeloupe sur leur avenir institutionnel n'est transmise à l'État, le droit commun de la République s'appliquera, conformément au principe de l'identité législative énoncé à l'article 73 de la Constitution.
Toutefois, dans le cas où les élus guadeloupéens formuleraient le souhait d'une évolution différenciée, je vous confirme que les électeurs guadeloupéens seraient consultés, conformément à la Constitution. En effet, la réforme du conseiller territorial n'étant effective qu'en 2014, il serait possible d'engager et de mener à terme avant cette échéance une évolution institutionnelle spécifique à la Guadeloupe, telle que la souhaiteraient les électeurs. Si le Congrès de la Guadeloupe était amené à formuler des propositions spécifiques, celles-ci seraient attentivement étudiées par le Gouvernement, dans le respect des souhaits de la population guadeloupéenne et conformément aux engagements du Président de la République.
M. le président. La parole est à Mme Jeanny Marc.
Mme Jeanny Marc. J'ai bien pris note de la réponse de madame la secrétaire d'État, et j'espère que les élus de la Guadeloupe se prononceront rapidement dans le cadre du Congrès.
Auteur : Mme Jeanny Marc
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Collectivités territoriales
Ministère répondant : Collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2010