revendications
Question de :
M. Stéphane Demilly
Somme (5e circonscription) - Nouveau Centre
M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le mécontentement et la déception manifestés par les chasseurs. Dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a en effet lancé une table-ronde sur la chasse réunissant les représentants des chasseurs et les représentants des associations de protection de la nature. Même si ce n'était pas forcément facile, les chasseurs ont placé beaucoup d'espoirs dans cette démarche, espérant trouver enfin une solution apaisée à des années de guérilla anti-chasse. Aujourd'hui cependant, la déception et le mécontentement des chasseurs sont à la hauteur des espoirs qu'ils avaient placés dans cette table-ronde. Qu'il s'agisse de la question symbolique des dates de chasse aux oiseaux migrateurs, ou des autres dossiers abordés, ils ont le sentiment d'avoir été dupés et systématiquement victimes d'arbitrages défavorables. Il est malheureusement à craindre que la confiance ne soit aujourd'hui rompue, et c'est regrettable car la cause de la protection de la nature ne sortira certainement pas renforcée d'un affaiblissement des chasseurs. Il aimerait par conséquent connaître les messages qu'elle souhaite adresser aux chasseurs.
Réponse en séance, et publiée le 2 février 2011
PRISE EN COMPTE DES PRÉOCCUPATIONS DES CHASSEURS
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n° 1248.M. Stéphane Demilly. Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, j'aimerais connaître les réponses que compte apporter le Gouvernement au mécontentement et à la déception manifestés depuis plusieurs mois par les chasseurs de France.
Les chasseurs, parmi lesquels j'ai l'honneur de me ranger, sont 1,3 million dans notre pays. La pratique de la chasse joue un rôle essentiel dans la conservation de la nature et l'entretien des paysages.
Dans une société de plus en plus urbaine, cette passion populaire, essentiellement rurale, n'a cependant pas bonne presse. On assiste ainsi depuis une vingtaine d'années à une véritable guérilla anti-chasse, menée avec un large écho médiatique par certaines associations écologistes extrêmes.
Cette offensive a déjà abouti, on s'en souvient, à la loi Voynet du 26 juillet 2000, qui avait notamment instauré l'infamant jour de non-chasse, disposition que nous sommes fort heureusement parvenus à annuler grâce à la loi " chasse " de 2003.
C'est pourquoi lorsque, dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a souhaité organiser une table ronde sur la chasse réunissant des représentants des chasseurs et des associations de protection de la nature, les chasseurs ont bien volontiers saisi cette main tendue. Même si cela ne leur était pas forcément facile, ils avaient placé beaucoup d'espoirs dans cette démarche car elle leur paraissait susceptible d'aboutir à une solution apaisée par le dialogue.
Il faut dire que cette table ronde, grâce notamment à l'engagement personnel de Jean-Louis Borloo et de notre collègue Jérôme Bignon, avait plutôt commencé sous des auspices favorables, malgré les méfiances et les suspicions de part et d'autre.
Ainsi, mesure forte et particulièrement symbolique, un accord avait pu être trouvé sur la prolongation jusqu'au 10 février de la chasse à certains oiseaux migrateurs, notamment les oies. Faut-il rappeler que cette dernière espèce se porte bien et que les oies sont même détruites aux Pays-Bas à cause des dégâts sur les cultures et la biodiversité qu'elles provoquent ?
Un protocole d'accord signé par toutes les parties avait ainsi été conclu le 14 janvier 2010 sous l'égide du ministre de l'écologie. Or, de façon unilatérale, prenant le contre-pied de leurs propres engagements écrits, des associations écologistes, par ailleurs très généreusement subventionnées par l'État, ont pris la décision de remettre en cause les dates de la chasse aux oies devant le Conseil d'État. Ce dernier vient d'ailleurs de les débouter, confortant l'arrêté de fermeture de la chasse aux oies le 10 février.
Ce signal fort doit marquer le rétablissement de dates de chasse plus conformes aux attentes des chasseurs, et ce dans le respect des règles. Précédemment, le Conseil d'État n'a-t-il pas admis des fermetures au 10 et au 20 février pour les canards plongeurs et les limicoles ? C'est vers ces dates que nous souhaitons tendre à l'avenir.
J'ai bien noté que Mme Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, lors de son audition devant la commission du développement durable le 18 janvier dernier, m'a répondu que s'il n'y avait plus d'avancées sur la chasse, c'était de la faute des chasseurs car ils avaient choisi de quitter la table ronde. Reconnaissons tout de même qu'ils avaient quelques raisons de manifester leur mécontentement !
Même si le Conseil d'État n'a pas suivi les associations écologistes dans leur recours, le fait est qu'aujourd'hui, à la suite de cette attaque remettant en cause un accord formel, la confiance est bel et bien rompue et la colère gronde, car il y a d'autres dossiers sur lesquels les chasseurs ont eu le sentiment de beaucoup donner sans contreparties.
Je regrette cette situation qui nous ramène dix ans en arrière, car il est clair pour moi que la cause de la protection de la nature ne gagnera rien à un affaiblissement et à une humiliation des chasseurs.
C'est pourquoi, alors que la ministre de l'écologie s'apprête à conclure, le 16 février prochain, les états généraux de la chasse, je souhaiterais connaître les messages que le Gouvernement a l'intention d'adresser aux chasseurs ainsi que les initiatives qu'il compte prendre pour renouer le dialogue.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur Demilly, pour avoir siégé comme vous, avant d'entrer au Gouvernement, au groupe d'études sur la chasse et les territoires, je sais que vous êtes attaché à cette tradition et que les demandes que vous relayez sont très raisonnables.
Le travail collégial regroupant les acteurs de la chasse, de la protection de la nature et des territoires ruraux au sein de la table ronde sur la chasse, mise en place à initiative du Président de la République et animée par Jérôme Bignon, a jeté les bases de la chasse durable de demain, que nous appelons tous de nos voeux.
Les avancées sont déjà réelles et substantielles avec la signature de deux accords importants pour le monde de la chasse, celui du 26 juillet 2008 et celui du 14 janvier 2010, qui le complète. Grâce à ces accords, nous disposons notamment d'un outil de gouvernance scientifique, le GEOC, le groupe d'experts sur les oiseaux et leur chasse, chargé de l'analyse des données scientifiques sur lesquelles s'appuient les décisions en matière de chasse.
Même si quelques difficultés, principalement relatives aux dates de chasse demeurent, l'avenir de la conservation de la biodiversité et de la chasse ne peut se penser raisonnablement sans dialogue pérenne entre les parties intéressées.
Nathalie Kosciusko-Morizet, qui aurait aimé répondre personnellement à votre question, a confié au Conseil général de l'environnement et du développement durable une mission de bilan, réflexion et proposition sur la table ronde sur la chasse.
Convaincu du rôle de premier plan que peuvent et doivent continuer à jouer les chasseurs dans le défi majeur de la conservation de la biodiversité biologique, le Gouvernement veillera à ce que le cadre dans lequel ils exercent leur activité soit amélioré et simplifié.
J'espère que dans votre région, comme ce fut le cas dans la mienne, où l'on est parvenu, grâce à des études scientifiques, à trouver une date consensuelle pour la fermeture de la chasse à la grive, une solution de compromis pourra être dégagée entre ceux qui défendent cette tradition et ceux qui peuvent avoir d'autres opinions.
Auteur : M. Stéphane Demilly
Type de question : Question orale
Rubrique : Chasse et pêche
Ministère interrogé : Écologie, développement durable, transports et logement
Ministère répondant : Écologie, développement durable, transports et logement
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 janvier 2011