logement social
Question de :
M. Patrick Braouezec
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Patrick Braouezec interroge M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement, sur les conséquences du non-respect substantiel de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000. Le bilan de dix ans de loi dite Solidarité et rénovation urbaine (SRU) est mitigé. Un grand nombre de municipalités préfèrent encore se soustraire à la construction de logements sociaux en réglant une amende, et ce quelqu'en soient les dégâts pour la mixité sociale en France. Il souhaiterait donc savoir ce que le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour que notre pays oblige enfin les communes récalcitrantes à jouer vraiment le jeu de l'accueil de personnes au profil plus fragile.
Réponse en séance, et publiée le 4 février 2011
CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX
M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour exposer sa question, n° 1276, relative à la construction de logements sociaux.M. Patrick Braouezec. Ma question complétera celle que vient de poser Sandrine Mazetier.
Chacun a pu prendre connaissance d'un nouveau rapport de la Fondation Abbé Pierre et de la situation dramatique du logement en France, plus particulièrement en Île-de-France et dans les grandes métropoles urbaines. Je ne vous surprendrai pas en vous donnant quelques chiffres cités par ce rapport qui illustrent la situation au plan local, s'agissant notamment du logement à Saint-Denis.
Saint-Denis, qui a une forte tradition ouvrière, est une ville d'accueil, mais aujourd'hui, peu d'offres - pour reprendre un champ lexical cher au Gouvernement - sont susceptibles de répondre à la demande de logements. Selon les chiffres de 2009, 6 338 dossiers étaient en attente au sein des services en charge du logement. Parmi ces demandes, la plupart répondent à tous les critères d'attribution.
La situation présente est telle qu'il est impossible de fournir un logement à tous, le taux de rotation n'étant que de 4 % au sein du parc HLM. C'est l'un des plus faibles d'Île-de-France, et ce, bien que Saint-Denis soit la ville qui construise le plus de logements, notamment sociaux.
Comme le souligne le rapport de la Fondation Abbé Pierre, nombre de ces demandeurs résident dans des conditions particulièrement difficiles, dans des logements insalubres, voire indignes. Comme nombre d'entre nous sur ces bancs, je reçois des familles entières qui vivent dans cette situation. Il est très difficile d'accepter qu'une famille qui vit dans des conditions d'insalubrité ou d'indignité ne trouve pas de solution à son problème de logement.
Une ville telle que Saint-Denis est arrivée à saturation et, comme beaucoup d'autres villes, il ne lui est pas possible de garantir le droit au logement à tous et de répondre à toutes les urgences. Il est donc nécessaire, impérieux même de répartir l'effort sur l'ensemble du territoire national et sur le territoire francilien. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la loi SRU a été votée il y a un peu plus de dix ans. Ce texte avait suscité pas mal d'espoir à l'époque, et beaucoup y ont cru. Il mettait en place une sanction financière représentant grosso modo 20 % du potentiel fiscal d'une commune, si celle-ci ne respectait pas l'objectif de logements sociaux qui lui avait été fixé. Or avec le recul, nous constatons que nombre de communes préfèrent s'acquitter d'une sanction financière plutôt que de promouvoir le logement social et la mixité sociale sur leur territoire.
En 2009, sur les 931 communes soumises à la loi SRU, 351, soit plus d'un tiers, n'ont construit aucune HLM. À y regarder de plus près, certaines le font d'une manière très mesurée, voire homéopathique. Il y a en France un manque de volonté politique en matière de logements sociaux et de mixité sociale. Bien souvent, les considérations électorales passent avant le traitement digne des personnes.
Nous ne demandons pas à toutes les villes de faire comme Saint-Denis, pas plus qu'à l'ensemble des villes qui composent Plaine Commune. J'ai la fierté de présider cette communauté d'agglomération qui construit beaucoup : 2 600 logements sont prévus, dont 40 % de logements sociaux, tous les ans jusqu'à l'horizon 2020. Cela étant, je souhaite que la loi SRU, qui pourrait être un formidable outil de la promotion de la diversité, cesse d'être pervertie et que toutes les villes assument leur part de solidarité. J'avais déjà interpellé le ministre sur ce sujet en décembre dernier. Aujourd'hui, je souhaite entendre le Gouvernement s'engager de vive voix, car ce thème me tient à coeur et c'est surtout une préoccupation majeure des Franciliens.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement compte-t-il augmenter substantiellement la sanction financière prévue par la loi SRU afin de contraindre davantage toutes les municipalités à construire des logements sociaux sur leur territoire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le député, vous interrogez Benoist Apparu sur les mesures que le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre pour obliger les communes récalcitrantes à jouer le jeu de l'accueil des personnes les plus fragiles. Je vous prie d'excuser l'absence de Benoist Apparu. Il m'a demandé de le représenter, car il est actuellement retenu par d'autres obligations ministérielles.
Mme Sandrine Mazetier. Sur France Inter ! Ce ne sont pas des obligations ministérielles, que je sache !
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État. Pour commencer, je tiens à rappeler le bilan de l'application de la loi SRU.
Sur la période 2005-2007, 95 000 logements ont été réalisés pour un objectif de 61 700, soit un objectif atteint, et même dépassé de plus de moitié, ce qui reflète un bilan positif, lequel résulte de dispositions législatives efficaces, même si leurs effets sont progressifs et, je le reconnais, hétérogènes selon les communes.
Certaines communes, en effet, ne respectent pas leurs objectifs triennaux de rattrapage définis par la loi, mais l'État dispose d'outils afin d'imposer les obligations de la loi aux communes. Ainsi, le préfet peut prononcer la carence de ces communes, après réalisation d'un bilan contradictoire pour chacune d'entre elles et après avis du comité régional de l'habitat. Il y avait 110 communes en constat de carence en 2006 et 234 en 2010.
La carence peut avoir des répercussions importantes pour une commune puisqu'elle permet au préfet de majorer le prélèvement prévu à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation sur une période d'une à trois années. La majoration prévue par le préfet peut encore être doublée par la commission départementale chargée d'examiner la situation de toutes les communes n'atteignant pas leur objectif. Ainsi, sur les 239 arrêtés de carence pris au cours de la deuxième période triennale, 165, soit plus des deux tiers, ont été assortis de la majoration maximale et seize ont entraîné un taux de majoration doublé par la commission départementale.
La carence peut également avoir des incidences sur l'exercice du droit de préemption urbain. En effet, celui-ci peut être transféré au préfet pendant toute la durée d'application de l'arrêté de carence pour toutes les opérations affectées au logement ou destinées à l'être. Ainsi, les outils existent pour inciter les communes à participer à l'effort de rattrapage en matière d'offre locative sociale et les préfets sont invités à les appliquer dès lors que la situation d'une commune le justifie.
Il est encore trop tôt pour parler du bilan de la troisième période triennale 2008-2010 auquel les services de l'État vont procéder à la fin du premier semestre 2011. Le Gouvernement tirera alors les conclusions de ce bilan pour examiner le niveau de recours à ces différents outils et les dispositions complémentaires qui pourraient, le cas échéant, être envisagées pour rendre le dispositif plus efficace.
Monsieur le député, vous pouvez constater, au regard des chiffres que j'ai cités, que les sanctions prévues par la loi ont été lourdement appliquées dans plus de la moitié des communes.
Auteur : M. Patrick Braouezec
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement
Ministère répondant : Logement
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 janvier 2011