Question orale n° 1282 :
traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture

13e Législature

Question de : M. Pierre Forgues
Hautes-Pyrénées (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Pierre Forgues attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur l'importance de l'application du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (TIRPAA) qui reconnaît l'apport des agriculteurs et agricultrices à la conservation de la biodiversité. La diversité des semences et des plants agricoles a en effet des conséquences directes sur la biodiversité cultivée et un impact indirect sur la biodiversité sauvage. Cette diversité permet une alimentation saine et diversifiée, une meilleure adaptation aux changements climatiques ainsi qu'une lutte contre l'uniformisation des cultures et contre un appauvrissement de la faune, de la flore et des micro-organismes associés. Or la biodiversité cultivée se réduit de plus en plus sous l'effet de l'uniformisation des pratiques agricoles et des réglementations sur les semences et les produits de traitement. Le traité a été signé par la France en 2002 et n'a été que partiellement transcrit en droit français en 2005 : depuis, rien. C'est pourquoi il lui demande quels seront les moyens et mesures mis en oeuvre pour que le droit français soit mis en conformité avec le TIRPAA, en particulier avec les articles 5, 6 et 9 et pour que les droits collectifs des agriculteurs d'user de leurs semences puissent primer sur les droits de propriété intellectuelle des "obtenteurs" (semenciers) et pour que soit interdit tout droit de propriété intellectuelle sur les gènes et organismes vivants.

Réponse en séance, et publiée le 4 février 2011

APPLICATION DU TRAITÉ INTERNATIONAL
SUR LES RESSOURCES PHYTOGÉNÉTIQUES
POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE

M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues, pour exposer sa question, n° 1282, relative à l'application du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture.
M. Pierre Forgues. Monsieur le président, ma question ne s'adresse pas à la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative, mais au ministre de l'agriculture, et je trouve particulièrement désinvolte de la part de celui-ci de ne pas être là pour répondre à une question technique qui intéresse l'ensemble des agriculteurs et consommateurs de notre pays.
Je tiens à appeler l'attention du Gouvernement sur l'importance de l'application du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture - dit traité TIRPAA - qui reconnaît l'apport des agriculteurs à la conservation de la biodiversité.
La diversité des semences et des plants agricoles a en effet des conséquences directes sur la biodiversité cultivée et un impact indirect sur la biodiversité sauvage. Cette diversité rend possible une alimentation saine et variée, garantit une meilleure adaptation aux changements climatiques et permet de lutter contre l'uniformisation des cultures et l'appauvrissement de la faune, de la flore et des micro-organismes associés.
Or, la biodiversité cultivée se réduit de plus en plus. Le traité a été signé par la France en 2002 et n'a été que partiellement transcrit en droit français en 2005, ce qui a pour conséquence que les droits qu'il définit ne s'appliquent pas en France, y sont limités, voire annulés par les droits des semenciers et les règlements de commercialisation des semences, généralement arrêtés par les semenciers eux-mêmes.
Il faut que les agriculteurs et les jardiniers aient le droit de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre les semences sur leur territoire, sans obligation de respect de critères d'homogénéité ou de stabilité des semences. Il est nécessaire de conserver ce patrimoine local grâce à la culture in situ de ses variétés.
Quelles mesures seront prises pour mettre le droit français en conformité avec le traité TIRPAA, en particulier avec ses articles 5, 6 et 9, afin que les droits collectifs des agriculteurs d'user de leurs semences priment les droits de propriété intellectuelle des semenciers et que soient interdits tous droits de propriété intellectuelle sur les gènes et organismes vivants ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le député, je vous prie d'excuser mon collègue Bruno Le Maire, actuellement en déplacement en Saône-et-Loire.
Vous l'interrogez sur les obligations découlant pour la France du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, concernant notamment l'utilisation des semences et le droit de propriété intellectuelle en matière végétale, ainsi que sur les démarches engagées par le Gouvernement pour en assurer l'effectivité.
Ce traité, ratifié par la France le 29 juin 2004, vise deux objectifs : la conservation et l'usage durable des ressources génétiques végétales importantes pour l'alimentation et l'agriculture.
L'article 9 reconnaît l'apport considérable des agriculteurs à la réalisation de ces objectifs ainsi que la possibilité d'utiliser, d'échanger et de vendre des semences de ferme en fonction de la législation nationale.
La sélection génétique, en raison de son degré de complexité, mobilise aujourd'hui des capitaux et des moyens techniques importants. De ce fait, il est vital que l'activité de sélection soit justement rémunérée afin d'assurer la pérennité de l'effort de recherche. C'est l'intérêt même de nos agriculteurs, qui attendent que des solutions soient apportées aux défis sanitaires et environnementaux auxquels ils sont confrontés.
Le résultat de ces recherches entre dans le périmètre de la protection de la propriété intellectuelle. En matière végétale, cette protection repose en France sur un système de certificat, dit certificat d'obtention végétale, qui la limite aux usages commerciaux de la variété et de ses fruits.
Son utilisation à des fins de recherche, y compris pour la création de nouvelles variétés, ou à des fins non lucratives, reste possible.
Par contre, en l'état actuel du droit, un agriculteur ayant acheté des semences de variétés protégées n'a pas le droit de ressemer les graines récoltées. Il est dans l'obligation de racheter des semences, à l'exception du cas du blé tendre, pour lequel existe un accord interprofessionnel.
Compte tenu de la spécificité de cette problématique, notamment au regard du droit de propriété intellectuelle, il est apparu que la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche ne constituait pas le véhicule législatif adéquat pour la traiter.
Bruno Le Maire s'est cependant déclaré prêt à soutenir, dans le cadre de l'examen de cette loi, toute initiative législative de nature à garantir le droit des agriculteurs à disposer de leurs propres semences, sous certaines conditions.
C'est l'objet de deux propositions de loi actuellement déposées sur le bureau des assemblées, une dans chaque chambre, dont Bruno Le Maire soutient l'examen dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues.
M. Pierre Forgues. Je ne vous demandais pas, madame la secrétaire d'État, de me décrire le contenu du traité, car je le connais. Je souhaitais une réponse sur le respect de ce traité par notre pays.
Bruno Le Maire, dites-vous, soutient les initiatives parlementaires. Très bien, mais je lui demande d'agir car, pour l'instant, les agriculteurs et les consommateurs français ne sont pas protégés par le traité, que nous aurions tout de même pu trouver le temps, depuis 2005, de transposer !
La réponse qui vient de nous être donnée par les services du ministère de l'agriculture montre la désinvolture du ministre à notre égard.

Données clés

Auteur : M. Pierre Forgues

Type de question : Question orale

Rubrique : Traités et conventions

Ministère interrogé : Agriculture, alimentation, pêche, ruralité et aménagement du territoire

Ministère répondant : Agriculture, alimentation, pêche, ruralité et aménagement du territoire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2011

partager