Question orale n° 1291 :
santé

13e Législature

Question de : Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le plan santé outre-mer, PSOM, qui a été présenté à la Martinique par son prédécesseur en juillet 2009. Il vise quatre engagements : un égal accès pour tous à des soins de qualité, la pérennité du modèle de financement solidaire, la réduction des inégalités, le renforcement du lien social. Ses axes sont : la formation, la recherche, la continuité territoriale, la protection contre les risques naturels, les équilibres financiers, la coopération régionale et internationale. Dix-huit mois plus tard, les réalisations sont inégales. Elle espère qu'il consentira à recevoir une délégation d'hospitaliers de la Guyane et des Antilles, comme elle lui en a fait requête par écrit. Ils lui exposeront l'état des lieux et les perspectives sur les cinq axes. Elle l'interroge très précisément sur les équilibres financiers. Le PSOM prévoit un dispositif de pondération pour gommer les effets de seuil ainsi qu'un complément budgétaire pour la résorption des créances irrécouvrables. Ce type de créances est proportionnellement plus important que la moyenne nationale, à la mesure des indicateurs économiques et sociaux (taux de chômage, précarité, exclusion) et des modifications de l'accès à l'AME en 2011. Concernant le passage à 100 % en T2A, le centre hospitalier de Cayenne estime à 2 550 000 euros ses pertes pour l'année 2010. Les établissements "sur-dotés" et "sous-dotés" attendent tous la révision du coefficient géographique (actuellement 25 % de la tarification) et son application aux actes externes (NGAP, CCAM). Des calculs ont été effectués sur ce coefficient ; le différentiel est de 32 % en Guyane. Les mouvements sociaux de l'année 2009 ont permis de mettre en évidence une structure de prix sans commune mesure avec ceux de l'hexagone, et donc un enchérissement du coût d'exploitation des établissements hospitaliers. La tarification à l'activité ainsi que les tarifs de séjour ne peuvent y pourvoir. Elle lui demande donc quelle suite il entend réserver à la demande de MIGAC spécifique, dans l'accompagnement à la T2A. Elle souligne que ces demandes relèvent de l'égalité de traitement, elles visent à éviter une détérioration préjudiciable de l'offre de soins. Par ailleurs, elle attire son attention sur la situation à la fois déplorable et dangereuse des mineurs admis en psychiatrie au centre hospitalier de Cayenne. Cet hôpital public n'étant pas pourvu d'un service de psychiatrie pour enfants, des mineurs, dont certains âgés de dix ans, sont placés en psychiatrie, au milieu d'adultes. Elle souligne à quel point l'environnement intervient, soit favorablement soit en aggravation, dans le traitement de telles pathologies. Une grande détresse frappe des jeunes sur tout le territoire et les expose à des addictions envers l'alcool ou la drogue. Plusieurs évènements impliquant des Amérindiens de la commune de Camopi à l'intérieur l'ont illustré récemment. Des décisions judiciaires de placements conduisent à hospitaliser des jeunes en grande fragilité. Elle demande quelle réponse immédiate et durable il entend apporter pour réparer cette grave anomalie.

Réponse en séance, et publiée le 4 février 2011

MISE EN OEUVRE DU PLAN SANTÉ OUTRE-MER

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour exposer sa question, n° 1291, relative à la mise en oeuvre du plan santé outre-mer.
Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'outre-mer, mes chers collègues, je vous prie de m'excuser : je suis profondément bouleversée par le départ d'Édouard Glissant en pensant à l'ami qu'il était, ce qui était peu de chose dans sa vie, mais surtout à l'immense penseur qui nous abandonne.
Je voulais interroger le ministre de la santé sur le plan santé outre-mer présenté par son prédécesseur en juillet 2009, qui comportait quatre engagements : un égal accès pour tous à des soins de qualité, la pérennité du modèle de financement solidaire, la réduction des inégalités et le renforcement du lien social. Ce plan santé outre-mer prévoit également une pondération des effets de seuil et un complément budgétaire pour résorber les créances irrécouvrables.
Depuis que j'ai fait parvenir ma question au ministère de la santé, l'agence régionale de santé a attribué à l'hôpital de Cayenne une dotation de 4,2 millions d'euros. Cet hôpital présente un déficit de 4,11 % des ressources produites, ce qui est bien au-dessus du seuil de 2,5 % qui déclenche le redressement ou l'administration provisoire. Autrement dit, cette bouée de sauvetage, qui aurait fait grand bien également à l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni, n'élimine pas les questions structurelles, à savoir la compensation pour le passage à 100 % en T2A, la demande d'une mission d'intérêt général d'aide à la contractualisation spécifique, la révision du coefficient géographique - en Guyane, le différentiel est de 32 % - et la suspension et même, dans l'idéal, la suppression des restrictions d'accès à l'AME, maintenant que le rapport IGAS et IGF est bien connu dans ses détails.
Enfin, je souhaitais alerter le ministre de la santé sur les conditions d'accueil des mineurs en psychiatrie. À Cayenne, ils sont accueillis dans le même service que les adultes, ce qui constitue un facteur de mise en danger réciproque. À Saint-Laurent du Maroni, un bâtiment, d'une capacité d'accueil de quinze places pour mineurs et dix places pour adultes, a été achevé depuis mars 2010, mais il attend encore son raccordement au réseau électrique... On imagine mal une industrie d'État qui patienterait dix mois pour être raccordée au réseau ! Les mineurs sont nombreux à être en grande détresse, par désarroi culturel, par addiction aux alcools et aux drogues, et les décisions judiciaires placent parfois des jeunes en grande fragilité dans ces services psychiatriques.
Je voudrais sensibiliser le Gouvernement à l'urgence et à la priorité de traiter cette question.
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame le député, comme vous, nous vivons un moment difficile avec la disparition d'Édouard Glissant et je peux comprendre votre émotion au moment où vous vous exprimez devant l'Assemblée nationale.
Vous interrogez le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le plan santé outre-mer. Xavier Bertrand, qui ne pouvait être présent ce matin, m'a demandé de bien vouloir vous transmettre la réponse suivante.
Comme vous le rappelez, le plan santé outre-mer comporte six groupes de mesures touchant à la formation, la recherche, les risques naturels, la continuité territoriale, les difficultés financières, la coopération interrégionale et internationale.
S'agissant des équilibres budgétaires, les particularités des départements d'outre-mer ont, depuis plusieurs années, donné lieu à des mesures financières spécifiques.
Certaines activités de recours, indispensables à une offre de soins de qualité, sont structurellement déficitaires en raison de l'étroitesse des bassins de population. Une aide à la résorption des créances irrécouvrables est effective depuis 2007, elle représente, depuis l'annonce du plan, 5,9 millions d'euros en 2009 et 2010. Cette aide sera poursuivie en contrepartie, bien évidemment, d'efforts importants sur le circuit patients, les admissions et la facturation des établissements.
Le calcul des crédits alloués aux plans de santé publique sur une base populationnelle se heurte, vous l'avez rappelé, à un effet de seuil qui se révèle défavorable aux DOM. Un " minimum DOM " auquel nous réfléchissons pourrait permettre une mise en oeuvre ambitieuse des plans de santé publique dans les départements ultramarins.
Pour ce qui est des dépenses de personnel, une récente analyse de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques sur les disparités géographiques de salaires des personnels des établissements de santé pour 2008 ne montre pas d'écart qui ne soit pas pris en compte par les coefficients géographiques existants.
S'agissant de l'hospitalisation en psychiatrie de mineurs dans le secteur adultes, l'agence régionale de santé a demandé au centre hospitalier de Cayenne de monter un projet de quinze lits d'hospitalisation complète, qui devrait pouvoir être opérationnel début 2013.
Par ailleurs, une réunion avec l'ensemble des partenaires concernés - direction de la protection judiciaire de la jeunesse, centre hospitalier de Cayenne, conseil général, justice, secteur médico-social - va être prochainement programmée à l'initiative de l'ARS pour disposer d'une analyse globale de la situation et poser les bases d'un véritable plan d'action.
Enfin, pour répondre aux problèmes de souffrance psychique évoqués, je vous indique que deux postes de psychologue ont été créés et financés par l'ARS sur chacun des deux fleuves frontière. Le secteur associatif a bénéficié d'un soutien financier pour former et animer des réseaux de médiateurs, notamment amérindiens, spécialisés dans le repérage de la crise suicidaire. Signalons également la création et le financement par l'ARS d'un poste de médecin pédopsychiatre à l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni.
Voilà, madame la députée, les éléments de réponse que souhaitait vous apporter Xavier Bertrand sur les nombreux points que vous soulevez.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
Mme Christiane Taubira. Madame la ministre, les directeurs d'hôpitaux publics seront intéressés par les précisions que vous avez apportées. S'agissant des équilibres financiers, certains sujets doivent être mis à plat et l'ARS doit y prendre toute sa part, c'est indiscutable.
S'agissant de la politique de recrutement, j'ai récemment saisi le directeur de l'ARS car cette politique manque parfois de lisibilité. Il faudra examiner dans le détail certaines situations.
Quant à la psychiatrie, votre réponse prévoyant une solution à l'horizon de 2013 n'est pas satisfaisante. En effet, l'accueil des mineurs dans le même service que les adultes est source de mise en danger réciproque. Des solutions intermédiaires existent et sont potentiellement opérationnelles. Je pense à certains établissements sanitaires privés, par exemple, où un étage est disponible. Le Gouvernement semble accepter tranquillement que, pendant deux ans encore, des mineurs soient mis en danger dans ces services psychiatriques.

Données clés

Auteur : Mme Christiane Taubira

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Travail, emploi et santé

Ministère répondant : Travail, emploi et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2011

partager