COM : Saint-Pierre-et-Miquelon
Question de :
Mme Annick Girardin
Saint-Pierre-et-Miquelon (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Annick Girardin appelle l'attention de Mme la ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer, sur les mesures qui pourront être prises pour préserver l'équité de la réforme du "passeport-mobilité". Le minimum d'équité serait de permettre à tout jeune d'outre-mer de pouvoir poursuivre des études supérieures, au même titre qu'un autre jeune Français ; c'est toute la raison d'être du dispositif "passeport-mobilité". Or l'unique solution pour les jeunes de Saint-Pierre-et-Miquelon est de se rendre en métropole, puisqu'à l'inverse d'autres collectivités d'outre-mer, il n'existe aucune structure d'enseignement supérieur dans l'archipel. À Saint-Pierre-et-Miquelon, la poursuite d'études supérieures en métropole repose quasi exclusivement sur l'attribution de bourses de la collectivité territoriale. Sans adaptation de la réforme du « passeport-mobilité » à cette spécificité de l'archipel, les étudiants ne percevront plus alors que 50 % de l'aide « passeport-mobilité » alors qu'hier encore, tous bénéficiaient de 100 % de cette aide. À l'heure où l'archipel se voit imposer comme partout ailleurs les plafonds de ressources nationaux, il serait absolument inacceptable que les boursiers locaux aient à subir ce coup supplémentaire du fait d'une insuffisante prise en compte de nos spécificités. En effet, les données fournies par les services de l'État montrent que l'application des plafonds de ressources à Saint-Pierre-et-Miquelon conduira déjà à exclure 21 % de nos étudiants du dispositif d'aide, contrairement à l'engagement du Gouvernement à ce que 93 % des personnes qui bénéficiaient de l'aide l'année dernière puissent continuer à en bénéficier cette année. Si de surcroît l'intégralité de ceux-ci ne devait plus percevoir que la moitié de l'aide, ce texte aurait pour conséquence directe de contraindre certains de jeunes de Saint-Pierre-et-Miquelon à renoncer à leurs études pour des raisons financières. Aussi, comme le ministère de l'outre-mer et le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon s'y sont déclarés favorables, elle lui demande des précisions quant aux moyens urgents qui pourront être mis en oeuvre afin de permettre la prise en compte des bourses locales au même titre que les bourses nationales pour l'attribution des aides « passeport-mobilité » à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Réponse en séance, et publiée le 4 mars 2011
APPLICATION DU PASSEPORT-MOBILITÉ À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin, pour exposer sa question, n° 1350, relative à l'application du passeport-mobilité à Saint-Pierre-et-Miquelon.Mme Annick Girardin. Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, dès l'annonce par le Gouvernement en mai 2010 du nouveau dispositif de continuité territoriale et notamment de la réforme du passeport-mobilité étudiants, j'ai sollicité à de nombreuses reprises Mme la ministre de l'outre-mer pour tenir compte des spécificités de Saint-Pierre-et-Miquelon, afin que cette réforme, comme disait le souhaiter Mme Penchard, soit véritablement équitable.
Sans adaptation, il y aura obligatoirement rupture d'équité de traitement et d'égalité des chances en ce qui concerne les jeunes de Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous sommes en effet, il faut le savoir, le seul territoire français à n'avoir aucune structure d'enseignement supérieur sur place. Nos jeunes n'ont d'autre choix que de se rendre en métropole, à des milliers de kilomètres, s'ils veulent poursuivre leurs études au-delà du baccalauréat. Pour remédier à cette situation et faciliter à nos jeunes l'accès aux études supérieures, le Conseil territorial a, de longue date, mis en place un système de bourses locales.
Or, comme vous le savez, les conditions du décret du 18 novembre 2010 ne reconnaissent pas ces bourses locales, privant ainsi la grande majorité des jeunes de l'archipel d'une prise en charge à 100 % de leur billet d'avion pour se rendre en métropole et poursuivre leurs études, alors qu'ils répondent aux critères et aux conditions de plafonds de ressources fixées par le Gouvernement. Par conséquent, 79 % de nos étudiants pourront bénéficier d'une prise en charge de leur billet d'avion, et seulement à hauteur de 50 %. Nous sommes très loin du pourcentage de 93 % de bénéficiaires annoncés, qui constituait un engagement fort du Gouvernement au moment du lancement de ce dispositif.
J'ai bien noté dans le courrier de Mme la ministre chargée de l'outre-mer du 8 février dernier la proposition d'un GIP, mais j'estime que la collectivité apporte déjà largement sa cote-part en attribuant des bourses locales.
C'est pourquoi je vous demande, au nom des habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon, en vous priant de bien vouloir le transmettre à Mme la ministre chargée de l'outre-mer, de ne pas attendre l'évaluation de cette réforme, promise pour l'été 2011, et de revoir d'ores et déjà les critères concernant Saint-Pierre-et-Miquelon afin que les bourses locales puissent être prises en compte au même titre que les bourses nationales dans le cadre du passeport mobilité,
Ce faisant, vous vous rapprocheriez du principe républicain d'égalité des chances et de l'objectif d'équité que vous cherchez à atteindre, en permettant aux jeunes de Saint-Pierre-et-Miquelon de poursuivre des études supérieures dans les mêmes conditions d'accès que les autres jeunes métropolitains ou ultramarins dès la prochaine rentrée scolaire 2011-2012.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame Girardin, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, qui rentre ce matin même d'un déplacement en outre-mer. Elle est désolée de ne pouvoir vous répondre personnellement.
Le passeport pour la mobilité des études a été prévu par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, afin d'aider les étudiants et les lycéens des territoires d'outre-mer à financer leur déplacement vers la métropole ou un État membre de l'Union européenne., Aux termes de cette loi, ce dispositif est réservé aux foyers qui ont le plus besoin d'aide. Le plafond de ressources, exprimé en quotient familial, est fixé à 11 896 euros en 2011.
Dans la pratique, les foyers dont les ressources dépassent ce plafond jusqu'à 15 % resteront éligibles aux aides du fonds de continuité territoriale. Pour tenir compte des particularités locales, le Gouvernement a prévu que les revenus des résidents de Saint-Pierre-et-Miquelon s'entendent de 85 % des revenus déclarés à leur administration fiscale.
Le passeport pour la mobilité des études consiste en une aide fixée à 50 % du coût du transport aérien entre la collectivité d'origine et la métropole. Pour les étudiants titulaires d'une bourse d'État sur critères sociaux, ainsi que pour les lycéens, boursiers et non boursiers, effectuant leurs études en métropole, l'aide est portée à 100 %.
Certaines adaptations locales touchant au calcul des plafonds de ressources pour déterminer l'éligibilité aux aides ont pu être introduites dans le dispositif et les résidents de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient d'un tel aménagement.
Toutefois, le passeport pour la mobilité des études étant une aide financée par l'État, il n'est pas possible de faire reposer la définition de son montant - 50 % ou 100 % du coût du titre de transport - sur des critères déterminés par la collectivité : c'est une question de respect du principe de l'égalité entre les résidents des différentes collectivités. C'est pourquoi, pour l'ensemble de l'outre-mer, le critère de boursier doit s'apprécier au regard des bourses de l'État dont les étudiants de Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent bénéficier.
Par ailleurs, le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon finance des bourses au profit des étudiants de l'archipel. Ces bourses comprennent une allocation mensuelle ainsi que, pour les étudiants se rendant au Canada pour leurs études, la prise en charge d'un aller-retour pas an.
Le dispositif d'aides du fonds de continuité territoriale n'est pas fermé à un cofinancement local, certaines régions d'outre-mer abondent déjà les aides versées par l'État.
Tels sont les éléments de réponse que Mme la ministre tenait à porter à votre connaissance.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Permettez-moi de faire trois brèves remarques.
Premièrement, lorsque l'on parle d'équité, il faut se rappeler que Saint-Pierre-et-Miquelon est le seul territoire à n'avoir aucune structure d'enseignement supérieur et donc à ne pouvoir offrir aucune possibilité d'études supérieures à ses jeunes.
Deuxièmement, en ne reconnaissant pas la bourse locale - j'entends bien par ailleurs la question des critères locaux -, vous poussez les jeunes de Saint-Pierre-et-Miquelon à cumuler, ce qu'ils ne font pas, les deux bourses nationales dans la mesure où ils y ont droit. D'une certaine façon, vous favorisez un cumul auquel, pour ma part, je ne suis évidemment pas favorable.
Troisièmement, je relève une incohérence. Je remercie cependant le Gouvernement d'avoir reconnu qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, les élèves partaient après la troisième et donc de prendre en compte les jeunes lycéens. Ainsi, les lycéens sont tous pris en compte, qu'ils aient une bourse ou non, puisque la bourse nationale est seulement destinée aux étudiants qui, du coup, se trouvent pénalisés.
Cela étant, je prends le pari que nous pourrons se mettre d'accord pour aboutir, d'ici au mois de juin, à une solution équitable pour tous.
Auteur : Mme Annick Girardin
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 22 février 2011