allocation aux adultes handicapés
Question de :
Mme Martine Martinel
Haute-Garonne (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Martine Martinel attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale concernant la réforme de la dépendance. Le Gouvernement a souhaité engager une grande concertation sur ce sujet. Or, comme sur les retraites, il ne s'agit que d'une illusion. Un projet de décret du Gouvernement modifie en catimini la composition des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, véritable instance où s'exerce la démocratie puisqu'elle associe les usagers dans la conception des parcours de vie et de travail des personnes. L'article 3 du projet de décret prévoit de donner la majorité des voix aux représentants de l'État siégeant dans les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) lors de l'attribution de l'AAH. Le payeur sera donc aussi le décideur. Cela constitue une menace de plus pour les droits des personnes dans un contexte budgétaire déjà très contraint. En conséquence, elle lui demande le retrait définitif de l'article 3 du projet de décret relatif à la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi d'un demandeur de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Réponse en séance, et publiée le 4 mars 2011
COMPOSITION DES CDAPH LORS DE L'ATTRIBUTION DE L'AAH.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Martinel, pour exposer sa question, n° 1352, relative à la composition des commissions des droits de l'autonomie des personnes handicapées lors de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés.Mme Martine Martinel. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, je souhaite vous interroger sur la réforme de la dépendance qui préoccupe grandement les conseils généraux et en particulier le conseil général de Haute-Garonne où je suis élue.
Le Gouvernement a souhaité engager une grande concertation sur ce sujet. Or, comme sur les retraites, il ne s'agit que d'une illusion. Un projet de décret, inspiré par le rapport de l'IGAS sur le bilan du fonctionnement des MDPH, porte sur la restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi des demandeurs de l'allocation adulte handicapé.
Lorsqu'un demandeur a un taux d'incapacité se situant entre 50 et 79 %, il ne peut bénéficier de l'AAH que s'il est dans l'impossibilité de travailler, la réalité de ce critère étant appréciée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. À ce jour, la commission vote à la majorité simple sur cette appréciation, aucun acteur représenté n'ayant la majorité à lui seul.
Or, l'article 3 du projet de décret prévoit que l'État dispose d'un droit de veto au sein de cette commission lorsqu'il s'agit d'attribuer l'AAH à un demandeur. Autrement dit, le payeur sera aussi le décideur ! Cela constitue une menace de plus pour les droits des personnes dans un contexte budgétaire déjà très contraint. Il s'agit également d'une atteinte à la décentralisation et à l'esprit de collégialité censé présider au processus de décision dans la MDPH, fondé sur la concertation avec le monde associatif.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d'État, le retrait définitif de l'article 3 du projet de décret relatif à la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi d'un demandeur de l'allocation adulte handicapé.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame la députée, l'allocation aux adultes handicapés constitue un engagement financier considérable de l'État puisqu'il atteint près de 7 milliards d'euros en 2011.
Le rapport de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, consacré à l'attribution de l'AAH, établi en juillet 2009, a toutefois révélé d'importantes disparités dans les pratiques d'attribution par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Dans un cas sur trois, ces différences ne peuvent être expliquées par des facteurs socio-environnementaux propres aux départements concernés.
Il est donc indispensable que l'État garantisse une égalité de traitement des personnes handicapées devant les prestations sociales, et tout particulièrement en ce qui concerne le minimum social que constitue l'AAH.
C'est pourquoi un projet de décret sera prochainement publié pour préciser une notion aujourd'hui trop souvent sujette à interprétations divergentes : celle de restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. Attendu pour juin prochain, ce décret permettra de préciser la notion elle-même, les éléments nécessaires pour qualifier cette restriction de " durable " et la manière d'apprécier les effets du handicap par rapport à l'emploi.
C'est dans ce contexte d'harmonisation des pratiques que s'inscrit la disposition relative à l'évolution de la gouvernance des commissions d'attribution de l'AAH. En outre, le Gouvernement rappelle son objectif de préserver le fonctionnement collégial des CDAPH - c'est l'esprit de la loi.
C'est pourquoi cette disposition ne fait qu'étendre aux CDAPH une règle équivalente qui existe déjà pour la prestation de compensation du handicap au profit des départements, sans que ce fonctionnement collégial ne soit en pratique remis en cause.
Par ailleurs, la question de l'amélioration du pilotage des décisions des MDPH ne se limite pas à la seule AAH : les maisons prennent en effet des décisions qui engagent le budget de divers financeurs - l'État mais aussi la sécurité sociale ou les départements. Cela suppose une réflexion plus globale. Le Gouvernement reste donc ouvert au dialogue sur ce point particulier du projet de décret, comme, du reste, sur les autres dispositions de ce texte.
Il semble donc légitime que l'État souhaite améliorer le pilotage des CPAM, dans le respect - naturellement - des conditions d'attribution de la prestation fixée par le législateur et dans le respect, également, du rôle dévolu tant aux équipes pluridisciplinaires qu'aux commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Martinel.
Mme Martine Martinel. Madame la secrétaire d'État, j'ai entendu vos arguments que je connaissais déjà en grande partie. Reste que cette réforme annoncée par le Gouvernement, qui prétend à une meilleure prise en compte de la dépendance, nous semble plutôt une régression. Les départements, pourtant menacés par la réforme des collectivités territoriales, compensent pour une très large part la défaillance de l'État dans le domaine de la solidarité et notamment dans celui de la perte d'autonomie. Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, cette réforme n'est pas une question de coût, mais bien un choix de société.
Auteur : Mme Martine Martinel
Type de question : Question orale
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : Solidarités et cohésion sociale
Ministère répondant : Solidarités et cohésion sociale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 février 2011