maladies professionnelles
Question de :
M. Alain Néri
Puy-de-Dôme (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Alain Néri attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur les conséquences de l'exposition à l'amiante des salariés de l'aciérie Aubert et Duval, située aux Ancizes dans le Puy-de-Dôme. Dans cette entreprise, il est reconnu que ce matériau est largement présent dans les installations. Le bilan est catastrophique, puisque 26 salariés ou ex-salariés, déjà, sont décédés. De plus, fin 2009, le médecin du travail du comité d'entreprise a constaté que, sur 457 salariés qui ont passé des scanners, 244 montraient des signes d'exposition à l'amiante, c'est-à-dire 12 de plus qu'en 2008. Malgré cela, l'entreprise n'est toujours pas classée sur la liste ouvrant droit à l'ACAATA, alors que d'autres entreprises, moins touchées, l'ont été ! Après l'échec des négociations entre les partenaires sociaux, ce classement apparaît aujourd'hui la seule solution et, en aucun cas, il n'aurait pour conséquence une désorganisation de l'entreprise qui fonctionne déjà en effectifs réduits. Les salariés de l'entreprise Aubert et Duval sont aujourd'hui dans une situation d'urgence sanitaire, humaine et sociale ; il lui demande donc quand cette entreprise sera enfin classée sur la liste ouvrant droit à l'ACAATA.
Réponse en séance, et publiée le 30 mars 2011
VERSEMENT DE L'ACAATA AUX SALARIÉS
DE L'ACIÉRIE AUBERT ET DUVAL DES ANCIZES
M. Alain Néri. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, mais je suis sûr, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, qu'il vous a fourni les éléments nécessaires pour me répondre.
La contamination par l'amiante est l'un des plus grands drames sanitaires que nous ayons connus au cours des dernières années. Après la silicose, c'est certainement la maladie professionnelle qui aura tué le plus au monde.
C'est pourquoi je veux attirer une nouvelle fois l'attention sur les conséquences de l'exposition à l'amiante des salariés de l'aciérie Aubert et Duval, située aux Ancizes dans le Puy-de-Dôme.
Dans cette entreprise, il est reconnu que ce matériau est largement présent dans les installations. Le bilan est catastrophique puisque vingt-six salariés ou ex-salariés sont déjà décédés. De plus, fin 2009, le médecin du travail du comité d'entreprise a constaté que, sur 457 salariés qui ont passé des scanners, 244 montraient des signes d'exposition à l'amiante, c'est-à-dire douze de plus qu'en 2008.
Malgré cela, l'entreprise n'est toujours pas classée sur la liste ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, alors que des entreprises moins touchées l'ont été.
Après l'échec des négociations entre les partenaires sociaux, ce classement paraît maintenant être la seule solution. Ce classement n'aurait en aucun cas pour conséquence une désorganisation de l'entreprise, qui fonctionne déjà à effectifs réduits.
Sachez, madame la secrétaire d'État, que l'entreprise fonctionne actuellement avec 250 intérimaires en moins et 270 équivalents temps plein. Cependant, l'usine produit le même tonnage qu'en 2008. Ces soixante-dix départs ne perturberaient donc pas son fonctionnement ; au contraire, ils pourraient permettre l'embauche de jeunes dans notre région où le problème du chômage est chaque jour plus important.
Les salariés de l'entreprise Aubert et Duval sont aujourd'hui dans une situation d'urgence sanitaire, humaine et sociale. Madame la secrétaire d'État, je vous demande une mesure de justice sociale urgente. Quand cette entreprise sera-t-elle enfin classée sur la liste ouvrant droit à l'ACAATA ?
M. le président. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé. Monsieur Néri, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Xavier Bertrand, qui m'a demandé de vous transmettre sa réponse.
Il y a eu plusieurs décisions de justice concernant ce cas, la dernière étant un arrêt du 20 juillet 2010 de la cour administrative d'appel de Lyon. Celle-ci a considéré que son rejet, le 18 décembre 2008, des appels formés à la fois par la société Aubert et Duval et par le ministère chargé du travail contre le jugement du 24 novembre 2006 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'impliquait aucune mesure d'exécution.
Elle a en effet estimé que ce jugement ayant annulé le refus d'inscription d'Aubert et Duval avait été entièrement exécuté par l'instruction d'une nouvelle demande. La seconde décision de refus d'inscription qui en est issue, en date du 27 février 2007, est devenue définitive, faute d'avoir été contestée.
Une éventuelle nouvelle demande d'inscription de cette aciérie ne pourrait être examinée que si elle démontre qu'un changement des circonstances de fait est intervenu depuis cette dernière décision la rendant illégale.
Certes, une nouvelle demande d'inscription de cet établissement a été présentée par un salarié, le 9 septembre 2010. Cette demande fait l'objet d'une nouvelle enquête qui n'a pas encore abouti.
Néanmoins, sans attendre les résultats de cette enquête, l'auteur de la demande a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour contester l'absence d'inscription de son établissement. L'instance est toujours en cours.
Par ailleurs, il convient de souligner que l'établissement d'Aubert et Duval a déjà fait l'objet de deux enquêtes depuis 2007. Or jusqu'à ce jour, aucune n'a permis de relever l'existence d'éléments nouveaux justifiant une inscription.
En outre, la circonstance que d'autres établissements, ayant exposé des travailleurs à l'amiante aient été inscrits ne peut justifier à elle seule l'inscription de l'établissement Aubert et Duval. En effet, il importe de vérifier, pour chaque cas d'espèce, que la fréquence des opérations exposant à l'amiante et le nombre de salariés exposés sont suffisamment significatifs pour justifier l'octroi du bénéfice de l'ACAATA à l'ensemble des salariés d'un établissement.
De même, récemment, le Conseil d'État a considéré que le degré d'exposition des salariés aux poussières d'amiante et l'existence de maladies professionnelles liées à l'amiante recensées dans un établissement ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à justifier légalement l'inscription d'un établissement sur la liste prévue à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.
C'est la raison pour laquelle il paraît toujours préférable de privilégier la recherche d'une solution alternative permettant de satisfaire les salariés tout en évitant un dispositif général qui pourrait être préjudiciable au développement de cette entreprise et au développement économique du territoire rural sur lequel elle est implantée.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais celle-ci n'apporte en réalité aucune solution au douloureux problème que vivent ces salariés.
Il faut justifier ce type de demande, nous dit-on. Quelle justification supplémentaire faut-il apporter à la démonstration des scanners, 244 d'entre eux indiquant des signes d'exposition à l'amiante, c'est-à-dire douze de plus qu'en 2008 ?
Ces gens sont en urgence sociale, humaine et sanitaire, je le répète et je demande au ministre de bien vouloir s'en rendre compte. Madame la secrétaire d'État, j'ai peur que la réponse que vous m'apportez - je ne vous en fais pas porter la responsabilité - ne plonge ces personnes dans la désespérance et peut-être au-delà.
Il est totalement scandaleux, pour le moins, d'établir une comparaison entre la situation de l'entreprise et la santé et la durée de vie de ces personnes. Entre les bénéfices d'une entreprise et la santé de nos compatriotes et concitoyens, il y a un choix à faire. Pour moi, il est fait : la santé et la justice sociale passent avant tout.
Je profite de l'occasion pour rappeler que j'avais posé une question à peu près sur le même thème, concernant les personnes qui avaient travaillé au CHU de Clermont-Ferrand. Le 11 mars 2010, j'avais écrit à Mme la ministre Roselyne Bachelot. Très gentiment, elle m'a accusé réception le 5 mai 2010. Depuis, je n'ai plus de nouvelles de ma question concernant l'application des mesures en faveur des personnes victimes de l'amiante dans le secteur public et en particulier dans les hôpitaux.
Si possible, madame la secrétaire d'État, j'aimerais que vous soyez mon interprète auprès du ministre du travail dans le but d'obtenir également enfin, une réponse pour le CHU de Clermont-Ferrand. J'espère que cette réponse sera beaucoup plus favorable aux agents, car il s'agit avant tout d'une question d'humanité.
Auteur : M. Alain Néri
Type de question : Question orale
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : Travail, emploi et santé
Ministère répondant : Travail, emploi et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2011