Question orale n° 1385 :
fonctionnement

13e Législature

Question de : Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Élisabeth Guigou alerte M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur le retard significatif en matière d'éducation et de formation dont souffre encore aujourd'hui la Seine-Saint-Denis. Dans ce département, à peine 10 % des actifs disposent d'un bac + 2, contre 40 % à Paris ou 30 % dans les Hauts-de-Seine. Près de 30 % des actifs du département n'ont aucun diplôme, soit le double de Paris et des Hauts-de-Seine. Pourtant, le budget pour 2011 présenté par le Gouvernement n'a pas pris en compte cette réalité et prévoit la suppression de 60 postes d'enseignants en Seine-Saint-Denis à la rentrée 2011. Cette diminution de moyens va conduire automatiquement à la suppression de projets éducatifs pourtant essentiels pour la formation des élèves dans les établissements qui en ont le plus besoin et ne permettra pas aux jeunes de profiter in fine du dynamisme économique créé par les entreprises installées récemment en Seine-Saint-Denis. Elle demande en conséquence quelles seront les mesures prises par le Gouvernement pour assurer l'égalité des chances pour tous et répondre aux besoins d'un territoire jusqu'ici abandonné par l'État, dans lequel 43 % de la population a moins de 30 ans.

Réponse en séance, et publiée le 30 mars 2011

MOYENS ALLOUÉS À L'ÉDUCATION ET À LA FORMATION
EN SEINE-SAINT-DENIS

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour exposer sa question, n° 1385, relative aux moyens alloués à l'éducation et à la formation en Seine-Saint-Denis.
Mme Élisabeth Guigou. Madame la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative, un grand nombre d'entreprises se sont installées en Seine-Saint-Denis, ces dernières années, pour profiter d'un foncier peu cher - en tout cas par rapport à Paris - et de la proximité de la capitale. À ce jour, le département dispose de pôles économiques particulièrement dynamiques autour de Saint-Denis, du Bourget et de Roissy. Paradoxalement, les habitants du département ont peu bénéficié de la hausse spectaculaire des emplois créés. C'est ainsi que le taux de chômage global, beaucoup plus élevé que la moyenne nationale, se situe à 17 % et que, dans certains quartiers, le chômage des jeunes atteint 40 %.
Les entreprises disent avoir du mal à trouver les profils adéquats. La faiblesse globale du niveau de formation en Seine-Saint-Denis explique ce paradoxe. Notre département continue d'accuser un retard considérable en matière d'éducation et de formation. À peine 10 % des actifs disposent d'un bac + 2, contre 40 % à Paris ou 30 % dans les Hauts-de-Seine. Près de 30 % des actifs du département n'ont aucun diplôme, soit le double de Paris et des Hauts-de-Seine.
Nous le savons, les inégalités sociales sont liées aux origines sociales, et les familles les plus défavorisées sont souvent reléguées dans les établissements qui concentrent le plus de difficultés.
Pourtant, le budget 2011 présenté par le Gouvernement n'a pas pris en compte cette réalité et prévoit la suppression de soixante postes d'enseignants en Seine-Saint-Denis à la prochaine rentrée.
En janvier dernier, des professeurs de plusieurs établissements scolaires de Seine-Saint-Denis, dont le lycée Théodore-Monod, à Noisy-le-Sec, ont été informés que leur établissement allait perdre l'enveloppe d'heures " élèves en difficulté ", spécifiquement allouée aux établissements classés en zone prévention violence. Ces heures permettaient notamment de constituer des demi-groupes pour les classes rencontrant de grosses difficultés et de proposer un module de français, soutien indispensable pour certains élèves qui ne maîtrisent pas les bases de notre langue.
Cette diminution de moyens va conduire automatiquement à la suppression de projets éducatifs, pourtant essentiels à la formation des élèves et qui leur permettraient de profiter du dynamisme économique de la Seine-Saint-Denis.
Madame la secrétaire d'État, en prenant ces mesures iniques, le Gouvernement accentue les inégalités sociales et territoriales. Compte-t-il y renoncer et prendre enfin des mesures positives, comme cela a été fait il y a dix ans, pour permettre aux jeunes de la Seine-Saint-Denis d'accéder aux formations et aux emplois qui leur assureraient l'égalité des chances ?
M. le président. La parole est à Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la députée, vous appelez l'attention du ministre de l'éducation nationale sur les moyens alloués à l'éducation et à la formation dans votre département de Seine-Saint-Denis. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Luc Chatel, qui ne peut vous répondre ce matin.
Vous connaissez mieux que moi les chiffres : le ministère de l'éducation nationale est le premier employeur de France, avec près d'un million de personnels, et son budget annuel de 60,5 milliards d'euros représente le quart du budget de l'État. Je rappelle que plus d'un milliard d'euros est consacré à l'éducation prioritaire.
Mais au regard du contexte budgétaire actuel, il est difficile de répondre à votre question. Pour la prochaine rentrée scolaire, la méthode choisie est innovante : elle doit partir des données du terrain recensées par les recteurs et communiquées au ministère de l'éducation nationale, afin d'être au plus près des territoires. La préparation du schéma d'emplois pour la rentrée 2011 s'est ainsi faite avec la plus grande attention.
L'académie de Créteil s'est, par exemple, attachée en priorité à assurer l'équité dans la délégation des moyens au sein des trois départements qui la constituent : la Seine-et-Marne, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Il s'agissait également de préserver les moyens consacrés aux réseaux " ambition réussite " et aux collèges CLAIR - les collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite - et de consolider l'offre de formation en lycée professionnel, notamment lorsqu'elle répond à de vraies perspectives d'insertion.
Dans votre académie, pour le premier degré, la rentrée se fera avec des seuils d'ouverture et de fermeture de classe inchangés. C'est ainsi que vingt-trois postes de professeurs des écoles seront créés en Seine-et-Marne où la poussée démographique est importante, tandis que vingt seront supprimés dans le Val-de-Marne et la Seine-St-Denis.
Dans le second degré, le retrait d'emplois prévu fait apparaître une réduction de quarante postes pour les collèges de Seine-Saint-Denis. Mais dans le même temps, cinquante-cinq postes supplémentaires sont prévus en Seine-et-Marne.
Ce redéploiement maintient néanmoins la priorité des moyens accordés à votre département. Ainsi, un nombre d'heures d'enseignement par élève de 1,5 a été maintenu, ce qui est un des taux les plus élevés de France.
De plus, les établissements classés dans les réseaux " ambition réussite " et CLAIR, c'est-à-dire ceux qui accueillent les élèves les plus en difficulté voient leurs conditions d'accueil et les taux d'encadrement préservés.
Enfin, en cette année 2011, le projet académique 2008-2011, Réussite, Équité et Solidarité, sera évalué. Le recteur d'académie pourra, sur cette base et en concertation avec tous les acteurs concernés, définir les priorités pour le nouveau projet 2012-2015.
J'ajouterai quelques mots qui ne figurent pas dans la fiche transmise par le ministère de l'éducation nationale que je viens de vous exposer. Plus que n'importe qui, je sais à quel point il est essentiel de préserver la qualité de l'éducation nationale, notamment pour les jeunes issus des classes populaires. Cela dit, le programme international pour le suivi des acquis des élèves - ce programme PISA régulièrement cité dans votre assemblée - a montré qu'effectivement, l'éducation nationale, dans son modèle actuel, amplifiait les inégalités. Si nous ne faisons rien, l'école ne sera plus un formidable modèle d'ascension sociale.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.
Mme Élisabeth Guigou. Madame la secrétaire d'État, je connais votre sincérité et votre implication personnelle. Toutefois, je regrette que vous n'ayez pas apporté de réponse à ma question.
Je vous citerai simplement la lettre du proviseur du lycée Théodore-Monod, à Noisy-le-Sec : " Près de 60 % des élèves de mon établissement sont issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées ; 75 % de nos élèves sont boursiers ; 72 % vivent au sein de familles monoparentales. Quel avenir leur propose-t-on, alors qu'on les prive de ces dispositifs et alors qu'on annonce à leurs familles déjà en souffrance que, désormais, si ces mêmes enfants ne vont pas en cours, on leur supprimera les allocations familiales ? "
Les enseignants veulent l'égalité des chances, qui est, vous le savez, l'un des fondements de notre République.

Données clés

Auteur : Mme Élisabeth Guigou

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et vie associative

Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et vie associative

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2011

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