énergie nucléaire
Question de :
Mme Anny Poursinoff
Yvelines (10e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Anny Poursinoff interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur le développement d'énergies alternatives au nucléaire en Île-de-France. L'Île-de-France, qui compte près de 20 % de la population française, n'est malheureusement pas à l'abri d'une catastrophe nucléaire. Située à 110 kilomètres à l'est de Paris, la centrale de Nogent-sur-Seine a connu plusieurs incidents de sécurité constatés par l'Agence de sécurité nucléaire qui, en septembre 2007, y relevait un « manque de rigueur ». Cette centrale nucléaire, dont le premier réacteur a été mis en service en 1988, arrive en fin de vie. Elle souhaite donc lui demander quels sont ses plans concernant la sortie progressive du nucléaire en Île-de-France, la conversion écologique des emplois de la filière et le développement des énergies renouvelables.
Réponse en séance, et publiée le 1er avril 2011
DÉVELOPPEMENT D'ÉNERGIES ALTERNATIVES AU NUCLÉAIRE EN ÎLE-DE-FRANCE
Mme la présidente. La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour exposer sa question, n° 1405, relative au développement d'énergies alternatives au nucléaire en Île-de-France.Mme Anny Poursinoff. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
La catastrophe japonaise nous rappelle aux terribles conséquences de la production d'électricité nucléaire. Ce drame nous rappelle aussi que la technique ne peut pas tout et que nous ne savons pas maîtriser ce mode de production.
L'Île-de-France, qui compte près de 20 % de la population française, n'est malheureusement pas à l'abri d'un accident nucléaire. Située à 110 kilomètres à l'est de Paris, la centrale de Nogent-sur-Seine, dont le premier réacteur a été mis en service en 1988, arrive en fin de vie.
Comme l'ont souligné les élus écologistes de Paris, le plan particulier d'intervention ne prévoit pas d'actions de prévention pour la population de la capitale. En cas d'accident, serions-nous capables d'évacuer 11 millions de personnes vers des zones moins contaminées ?
Vous en conviendrez, il est temps d'envisager la fermeture de cette centrale et un reclassement de ses salariés vers la production d'énergies renouvelables. Cependant, les volte-face gouvernementales orchestrent les conditions d'un marché en dents de scie, notamment pour le solaire.
Ces improvisations à répétition ne permettent pas la naissance d'une filière industrielle, avec les lourds investissements nécessaires à la sécurisation d'un marché à la hauteur des besoins et sur le long terme.
Le manque d'ambition est patent de la part du Gouvernement, qui préfère miser sur une filière nucléaire dangereuse et obsolète qu'investir réellement dans les énergies renouvelables, malgré le potentiel d'emplois qu'elles représentent.
L'Île-de-France couvre moins de 10 % de ses besoins énergétiques. Tandis que le conseil régional fait des efforts importants pour développer les énergies renouvelables, isoler les logements et réduire la fracture énergétique, quels sont, monsieur le ministre, les plans du Gouvernement concernant la sortie progressive du nucléaire en Île-de-France, la conversion écologique des emplois de la filière, et le développement des énergies renouvelables ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Madame la députée, je vous demande d'excuser Mme Kosciusko-Morizet, qui a été envoyée au Japon par le Président de la République. Vous comprendrez qu'il y a là-bas des urgences auxquelles il faut essayer de parer...
Votre question revêt quelque peu la forme d'une provocation.
Mme Anny Poursinoff. Pas du tout !
M. Patrick Ollier, ministre. Les objectifs du Gouvernement en matière d'énergies renouvelables sont clairement affichés dans les programmations pluriannuelles des investissements de production électrique et de chaleur. Il suffit de s'y référer.
Ils découlent directement de nos engagements communautaires et des travaux du Grenelle. Je me rappelle avoir déposé, en qualité de président de la commission des affaires économiques de cette assemblée, un amendement, cosigné par M. Poignant, qui tendait à porter à 23 % l'objectif des énergies renouvelables en 2020, alors que l'on nous proposait seulement 20 %. Nous n'avons pas à rougir de l'action conduite sur ce point.
Nous devons installer, d'ici 2020, 25 gigawatts d'éoliennes terrestres et offshore, 5,4 gigawatts de photovoltaïque et 3 gigawatts d'hydroélectricité supplémentaire. Ce programme sera respecté. Le Gouvernement a mis en place des dispositifs de soutien tarifaires et a lancé ou lancera des appels d'offre, qui concerneront toutes les filières.
Concernant le photovoltaïque, il ne s'agit ni d'errements, ni de reculades, mais simplement de ne pas confondre l'installation d'un photovoltaïque utile et raisonnable dans le cadre du développement durable avec la bulle spéculative apparue il y a quelques mois, et que le Gouvernement ne pouvait pas laisser se développer. Je crois, madame la députée, que vous êtes également contre la spéculation financière, et vous auriez donc tout intérêt à nous aider à dénoncer ce genre d'activités. Nous sommes bien entendu favorables au développement de la filière photovoltaïque.
La programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité prévoit le développement de l'énergie éolienne en mer, avec une puissance totale installée de 6 000 mégawatts à l'horizon 2020.
Ce programme sera mis en oeuvre grâce au lancement successif d'appels d'offres visant à installer des éoliennes en mer dans des zones identifiées. Le premier appel d'offres sera lancé en mai 2011 et portera sur cinq zones. L'objectif est d'installer jusqu'à 3 000 mégawatts d'éoliennes en mer. Le Président de la République a lui-même annoncé ce programme ambitieux, qui permettra également la constitution d'une filière industrielle dans le domaine de l'éolien en mer - car c'est bien ce qui manque à la France. Nous avons manqué le rendez-vous de l'éolien terrestre, il ne faut pas manquer celui de l'éolien en mer, et le Gouvernement y veille.
La qualité du projet industriel et social sera, avec le prix d'achat de l'électricité proposé, un critère déterminant pour la sélection des candidats.
Le nouveau dispositif de soutien au photovoltaïque vise un équilibre entre la hausse du coût pour les consommateurs d'électricité, le développement équilibré d'une filière industrielle compétitive à l'export et l'amélioration des performances énergétiques et environnementales. Il comporte un objectif annuel de nouveaux projets 500 mégawatts, objectif qui sera réexaminé au milieu de l'année 2012.
Compte tenu des projets en cours, les perspectives de développement pour 2011 et 2012 restent soutenues et sont évaluées entre 1 000 et 1 500 mégawatts par an, c'est-à-dire plus que la quantité installée en 2009 et 2010 - soit respectivement 300 et 700 mégawatts. Sur ces bases, les objectifs du Grenelle de l'environnement seront largement dépassés. On ne peut donc pas faire de reproches au Gouvernement sur ce point.
Notre engagement en faveur des économies d'énergie, toujours dans la lignée du Grenelle, ne faiblit pas : la deuxième période - 2011-2013 - du dispositif des certificats d'économie d'énergie a été lancée avec un objectif multiplié par six par rapport à la première période, soit 345 térawatt-heures cumulés actualisés. C'est un effort considérable.
Concernant le nucléaire, la question est posée dans le contexte particulier de l'accident que connaît le Japon, et dont le Gouvernement s'est engagé à tirer toutes les conséquences. Le Premier ministre a demandé à l'Autorité de sûreté nucléaire et au Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire de procéder à un examen approfondi de nos centrales, en intégrant les exigences des stress test demandés par la Commission européenne. Les résultats seront publics. Nous sommes pour la plus grande transparence.
Permettez-moi de préciser au passage que la centrale de Nogent-sur-Seine, en Champagne-Ardenne, n'est pas en fin de vie, puisqu'elle n'aura que quarante ans en 2028. Elle sera naturellement concernée par cet examen, qui ne porte pas sur le vieillissement, mais sur la capacité à faire face à des événements exceptionnels.
Le nucléaire comporte des risques, mais il est aussi l'un des principaux atouts de la France en termes de compétitivité, qui explique que les prix de l'électricité y soient jusqu'à 40 % moins élevés qu'ailleurs en Europe. Le nucléaire nous permet également d'avoir l'un des bouquets énergétiques les moins émetteurs de carbone au monde. Une réflexion sur le nucléaire en France doit aborder globalement et courageusement l'ensemble de ces sujets.
M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff.
Mme Anny Poursinoff. Ma question n'était pas du tout provocatrice : un problème de sortie du nucléaire se pose vraiment.
M. Patrick Ollier, ministre. C'est cela, la provocation !
Mme Anny Poursinoff. Hier, M. Besson a dit en commission que la France s'engagerait à maintenir sa priorité au nucléaire. Cela fausse complètement le débat. Malgré la transparence promise, nous craignons que les jeux ne soient déjà faits et que ce débat nous amène simplement à conforter le nucléaire en France, ce qui est à l'opposé de ce que nous souhaitons. Le Japon nous prouve que c'est une énergie qui coûte cher et qui ne nous rend pas du tout autonomes.
Auteur : Mme Anny Poursinoff
Type de question : Question orale
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Écologie, développement durable, transports et logement
Ministère répondant : Écologie, développement durable, transports et logement
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 22 mars 2011