Question orale n° 1413 :
conventions avec les praticiens

13e Législature

Question de : M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Jean-Paul Bacquet attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le problème des dépassements d'honoraires. Dans nombre de départements, il n'existe pas de spécialiste qui ne soit pas en dépassements d'honoraires, ce qui pénalise l'accès aux soins. Pire, l'évolution des dépassements est devenue telle qu'il ne manque pas de cas où le montant du dépassement est égal voire supérieur à la cotation de l'acte pratiqué. Or, selon la réglementation et les engagements conventionnels, les dépassements doivent être pratiqués avec tact et mesure. De plus, dans le LFSS pour 2010, il est prévu un contrôle des pratiques médicales et des fraudes. Si des résultats sont connus en matière de dépistages et de fraudes, aucune sanction n'a été relevée concernant les dépassements d'honoraires et aucune opération de contrôle massif de ces pratiques n'a été engagée. Il lui demande donc d'indiquer quelles mesures il envisage de prendre pour faire respecter les engagements du LFSS pour 2010 et pour faire en sorte que l'accès aux soins ne soit pas réservé à ceux qui ont les moyens financiers de payer des dépassements aussi abusifs que non respectueux des textes en vigueur.

Réponse en séance, et publiée le 1er avril 2011

CONTRÔLE DES DÉPASSEMENTS D'HONORAIRES

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question, n° 1413, relative au contrôle des dépassements d'honoraires.
M. Jean-Paul Bacquet. Depuis 2007, l'accès aux soins devient de plus en plus difficile pour les plus faibles d'entre nous, et il est inquiétant que des raisons financières conduisent 14 % de nos concitoyens à de se priver de soins et 40 % à les retarder.
Après le déremboursement des médicaments à service médical insuffisant, ce sont 30 millions de boîtes qui ont été déremboursées pour service médical rendu modéré. On peut d'ailleurs en la matière se poser quelques questions, après l'affaire du Mediator, sur les conditions d'évaluation du service médical rendu ! Le Gouvernement a de surcroît institué les franchises médicales, véritables taxes sur les malades, augmenté les forfaits hospitaliers, augmenté de façon drastique le reste à charge. Les plus démunis sont les premières victimes de ces économies comptables.
Un tiers des spécialistes refusent de soigner les bénéficiaires de la CMU, sans que vous preniez de véritables sanctions à leur encontre. Le coût des assurances complémentaires ne cesse d'augmenter, 7 % des Français en sont dépourvus et 40 % des contrats ne prennent pas en charge les dépassements d'honoraires. La situation devient très inquiétante, au point que la garantie à tous de la protection de la santé, inscrite dans le préambule de la Constitution, ne sera bientôt plus assurée.
S'il est un sujet sur lequel vous n'intervenez pas et qui est pourtant inacceptable, c'est bien celui des dépassements d'honoraires.
Entre 1985 et 2005, le taux de dépassement est passé de 23 % à 45 % chez les spécialistes, qui sont 40 % à les appliquer - 4 % des néphrologues, mais 76 % des chirurgiens et près de 100 % des dermatologues. On assiste donc à une banalisation de ces pratiques, qui mettent en cause les fondements même de notre système de santé français, privent les plus faibles de tout accès à certaines spécialités, reportent sur l'hôpital certains soins relevant de la médecine de ville, et violent le code de déontologie médicale qui prévoit la fixation des honoraires avec " tact et mesure ".
Quelle est, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, l'action des agences régionales de santé et des caisses de sécurité sociale en la matière, alors qu'un contrôle des pratiques médicales est prévu par le PLFSS 2010 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le député, vous appelez l'attention du ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur la question des dépassements d'honoraires et les difficultés d'accès aux soins qui en résultent, en particulier dans certains départements où le secteur 2 est en situation de quasi-monopole dans certaines spécialités.
Bien que la facturation d'honoraires soit autorisée sous certaines conditions, le médecin est déontologiquement tenu de fixer ses honoraires avec tact et mesure.
M. Jean-Paul Bacquet. En effet !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Afin de limiter les dépassements, le Gouvernement a pris plusieurs mesures, avec deux objectifs prioritaires.
Premièrement, le renforcement de l'information des patients grâce à la mise en place, à la demande du Gouvernement, d'un dispositif d'information, sur internet et par téléphone, sur les tarifs des professionnels de santé ; à l'obligation d'affichage des honoraires des professionnels de santé dans leurs cabinets, prévue par le décret du 10 février 2009 ; à la délivrance obligatoire d'une information écrite préalable sur le tarif des actes effectués, ainsi que sur le montant et la nature du dépassement facturé depuis le 1er février 2009, sous peine d'une sanction financière prononcée par les caisses locales d'assurance maladie.
Deuxièmement, la sanction des dépassements contraires au tact et à la mesure. Un décret du 31 décembre 2008 définit l'appréciation de ces deux notions au regard de cinq critères issus de la jurisprudence - notoriété du praticien, fortune du patient, technicité de l'acte, service rendu, moyenne des autres praticiens. Les termes de ce décret sont d'ailleurs repris par le projet de décret d'application de l'article 54 de la loi " Hôpital, patients, santé et territoires " qui définit la notion de dépassement abusif.
Toutes ces mesures, qui seront peut-être complétées par la mise en place d'un secteur optionnel dans le cadre des prochaines négociations conventionnelles qui devraient débuter en avril 2011, visent à donner aux assurés une meilleure information sur le montant à payer et la base du remboursement, ainsi qu'à les aider à mieux s'orienter dans le système de soins.
En tout état de cause, le Gouvernement reste attaché à l'amélioration de l'accès aux soins à tarif opposable et à la limitation du nombre et du montant des dépassements. L'éventuelle création d'un secteur optionnel doit tenir compte de cet objectif.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Comme je partage votre analyse, madame la secrétaire d'État, et comme j'aimerais qu'elle ne restât pas lettre morte, mais qu'elle se traduise dans les pratiques !
Information des patients, affichage des tarifs, avez-vous dit, madame la secrétaire d'État : bravo ! Cependant, vous avez également dit que, dans certains départements, les patients n'avaient pas le choix parce qu'il n'y avait que des spécialistes recourant aux dépassements d'honoraires. Vous aurez beau afficher tout ce que vous voulez : dès lors qu'ils sont en situation de monopole, les malades n'ont pas le choix. L'affichage ne sert donc à rien.
S'agissant des sanctions pour dépassement abusif, vous me renvoyez au décret du 31 décembre 2008. Je me permets de vous indiquer que j'ai informé le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme du scandale que constitue, pour certains actes de chirurgie, le doublement, voire plus, du prix de l'acte.
Je cite la réponse que j'ai reçue : " Le chirurgien étant conventionné à honoraires libres, il est autorisé par la CPAM à pratiquer des honoraires supérieurs à ceux du tarif conventionnel. "
C'est cela, le contrôle, madame la secrétaire d'État ? C'est cela la sanction ? C'est cela, le tact et la mesure ?
Comment des dépassements aussi abusifs sont-ils possibles ? Ils montrent que certains praticiens ne respectent ni la loi, ni le code de déontologie, ni le code de la sécurité sociale ni même les conventions, alors qu'ils bénéficient de la solvabilité des actes, grâce aux remboursements de la sécurité sociale.
Cette double peine à l'encontre des assurés sociaux les plus faibles, ce système de santé à deux vitesses suscitent l'incompréhension de nos concitoyens, et le taux élevé d'abstentions et de votes extrêmes que l'on a pu constater lors des dernières élections n'est peut-être pas sans rapport.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Il ne faut pas tout mélanger !
M. Jean-Paul Bacquet. Nous mesurons là l'impuissance d'un gouvernement qui, s'il est animé de bonnes intentions, comme vous l'avez souligné, madame la secrétaire d'État, ne contrôle absolument pas la mise en oeuvre de ses politiques.

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Bacquet

Type de question : Question orale

Rubrique : Assurance maladie maternité : généralités

Ministère interrogé : Travail, emploi et santé

Ministère répondant : Travail, emploi et santé

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 22 mars 2011

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