Question orale n° 1569 :
tribunaux de grande instance

13e Législature

Question de : M. Régis Juanico
Loire (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Régis Juanico attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les difficultés de fonctionnement que connaissent les tribunaux de grande instance et notamment le tribunal de Saint-Étienne. Dans son rapport rendu public le 25 octobre 2010, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPJ) relève que « la France note un effet de ciseaux sur le budget de la justice judiciaire, entre une évolution négative ou stagnante des crédits et une évolution croissante des besoins, qu'il s'agisse des personnels, des crédits de fonctionnement ou des frais de justice ». Dans la juridiction de Saint-Étienne, les magistrats et les fonctionnaires ont exprimé de vives inquiétudes lors d'assises organisées le 28 mars dernier. Ils ont dressé un état des lieux qui illustre parfaitement la remarque faite par la CEPJ. Ainsi, le tribunal d'instance de Saint-Étienne a vu le contentieux fortement progresser alors même que les moyens continuent d'être réduits. Le service du juge des libertés et de la détention, celui de l'instruction ou encore le tribunal pour enfants connaissent des manques de moyens humains et matériels comparables. La volonté du Gouvernement de réduire drastiquement le nombre de fonctionnaires, la réforme de la carte judiciaire, alourdissent toujours plus la charge de travail d'un personnel de moins en moins nombreux. Tout cela se fait au détriment de l'ensemble des justiciables. Il lui demande donc les mesures d'urgence qu'il compte prendre afin de donner au service public de la justice à Saint-Étienne les moyens de bien fonctionner.

Réponse en séance, et publiée le 19 octobre 2011

MOYENS AFFECTÉS AU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT-ÉTIENNE

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, pour exposer sa question n° 1569 relative aux moyens affectés au tribunal de grande instance de Saint-Étienne.
M. Régis Juanico. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, je souhaite vous interroger sur la situation d'encombrement critique du service public de la justice à Saint-Étienne, en raison du manque d'effectifs.
En effet, la fusion entre les TGI de Montbrison et Saint-Étienne n'a pas été accompagnée d'un transfert d'effectifs correspondant aux transferts d'activité.
Ainsi, pour les affaires familiales, la fusion a entraîné une hausse de 27 % de l'activité, alors que le nombre de magistrats est resté stable, et que le nombre de fonctionnaires a diminué de 26 % entre 2007 et 2010. En conséquence, sept cents dossiers sont en attente et les délais pour obtenir une audience, puis un jugement, se rallongent dans des proportions préjudiciables au citoyen. Qui plus est, les audiences sont chargées, et le temps consacré à chaque famille est limité à une dizaine de minutes. Pour un jugement en divorce, un justiciable doit attendre sept mois avant de rencontrer le juge.
En ce qui concerne le contentieux civil, la fusion a entraîné une hausse de 21 % du nombre d'affaires en attente au TGI. Pour les litiges civils, le délai est de dix-huit mois.
En matière de tutelles, la situation est encore plus préoccupante : 3 800 dossiers sont en attente de révision, en plus de la charge de travail habituelle. Le juge et son greffe se chargent de gérer 4 500 dossiers de majeurs. Un autre juge et un greffier doivent s'occuper des 1 805 dossiers de tutelle concernant les mineurs.
En ce qui concerne le parquet, les effectifs sont strictement les mêmes en 2011 alors que l'activité pénale a augmenté de 25 %, soit 5 000 affaires nouvelles par magistrat. Deux services connaissent des difficultés importantes : le bureau d'enregistrement des procédures et celui de l'exécution des peines. Plus de 3 000 peines sont en attente d'exécution. Quant à l'application des peines, chaque juge suit sept cent cinquante dossiers, avec un greffe en sous-effectif chronique. Une personne condamnée voit sa décision d'aménagement notifiée seize mois après sa condamnation. Enfin, le tribunal pour enfants connaît une dégradation de sa situation depuis 2008, marquée par une hausse de l'activité et un effectif de greffe qui ne cesse de diminuer. Chaque magistrat gère sept cent soixante-quinze dossiers en moyenne. Chaque fonctionnaire en gère cinq cents.
Cette situation, aggravée par la multiplication des réformes législatives - hospitalisation sous contrainte, jurys citoyens -, est source d'incertitude juridique pour nos concitoyens, et facteur de désorganisation dans le travail des professionnels du droit.
Ma question est simple : monsieur le garde des sceaux, que comptez-vous faire pour améliorer les moyens humains et matériels de la justice à Saint-Étienne ?
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, vous avez appelé mon attention sur les tribunaux de grande instance et d'instance de Saint-Étienne.
Avant d'entrer dans les détails, je vous signale que la réforme des jurys populaires n'a pas pu affecter le tribunal de Saint-Étienne, puisqu'elle ne produira ses effets qu'en 2014.
M. Régis Juanico. Ce n'est pas loin !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ce n'est pas loin, mais ce n'est pas tout de suite.
Le tribunal de grande instance de Saint-Étienne a connu une baisse du nombre de ses affaires civiles nouvelles : de moins 5 % en 2009 et de moins 6 % en 2010. Par ailleurs, la juridiction traitait l'an dernier les affaires qui lui étaient confiées en six mois et demi en moyenne, contre sept mois dans les juridictions comparables. C'est donc une excellente juridiction...
Pour ce qui concerne l'activité pénale, on dénombrait deux cent soixante-dix ouvertures d'information en 2006 ; il y en a eu moins de cent soixante-dix en 2010.
Le tribunal de grande instance doit intégrer à son fonctionnement, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, l'activité précédemment traitée par le TGI de Montbrison, ce qui devrait représenter une augmentation de 20 % de son activité civile et de 15 % de son activité pénale.
Dans cette perspective, au regard de la charge de travail attendue, le nombre de fonctionnaires qui était de quatre-vingt-trois en 2010 a été fixé à quatre-vingt-dix-neuf dans le cadre de la localisation des emplois au titre de l'année 2011. Actuellement, l'effectif réel de cette juridiction est de quatre-vingt-quinze fonctionnaires.
Les deux emplois de greffiers vacants seront pourvus le 1er novembre 2011. Un poste de secrétaire administratif est actuellement disponible. Cet emploi sera offert à la prochaine commission administrative paritaire du premier semestre 2012. Enfin, deux emplois d'adjoints administratifs sont offerts à la prochaine commission administrative paritaire.
Pour ce qui est des magistrats, cette juridiction compte désormais un effectif théorique de trente-trois magistrats du siège, contre trente et un antérieurement, et neuf magistrats du parquet. À ce jour, deux postes de juge et un poste de vice-procureur sont vacants.
La direction des services judiciaires s'attachera à résoudre ces difficultés d'effectifs dans le cadre des prochains mouvements de magistrats.
Par ailleurs, les chefs de cour disposent de magistrats placés, neuf au siège et trois au parquet, qu'ils peuvent déléguer provisoirement dans les juridictions.
S'agissant du tribunal d'instance de Saint-Étienne, dans le cadre de la localisation des emplois au titre de l'année 2011 et pour tenir compte de la réforme de la carte judiciaire, le nombre de fonctionnaires a été fixé à vingt-six, alors qu'il était de vingt-trois depuis 2007. Actuellement, l'effectif réel de cette juridiction est de vingt-huit fonctionnaires, soit deux de plus que le nombre fixé.
En ce qui concerne les moyens budgétaires et, en particulier, les crédits alloués au titre du fonctionnement des tribunaux, je vous rappelle que la répartition des crédits des juridictions relève des chefs de la cour d'appel, responsables en matière d'exécution budgétaire, dans le cadre du budget opérationnel de programme qui leur a été notifié.
À ce titre, la dotation allouée au BOP de la cour d'appel de Lyon s'élève au 30 septembre 2011 à 9,6 millions d'euros pour ce qui est du fonctionnement courant et à 15,2 millions d'euros pour les frais de justice, soit une dotation égale à celle de 2010, à la même période.
Voilà, monsieur le député, quelques-uns des éléments que je suis en mesure de vous communiquer aujourd'hui. Je reste à votre disposition pour toute autre demande.
M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Il est un point sur lequel je suis d'accord avec vous, monsieur le garde des sceaux : Saint-Étienne est effectivement une excellente juridiction...
J'ai noté avec satisfaction un certain nombre d'annonces en termes de moyens sur les emplois administratifs, les postes de greffe. La question des magistrats subsiste, elle est laissée à l'appréciation des chefs de cour. J'espère que nous aurons très rapidement des informations supplémentaires.
J'aurais aussi pu évoquer dans ma question les dossiers de surendettement. Chaque mois, on en compte 160 de plus : Saint-Étienne est une ville plus pauvre que la moyenne. Cela représente une charge de travail de plus en plus lourde pour les professionnels de la justice. Pour les justiciables, les délais s'allongent.
Nous devons travailler ensemble à l'amélioration du service public de la justice. J'espère que ces annonces seront suivies de moyens.

Données clés

Auteur : M. Régis Juanico

Type de question : Question orale

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice et libertés

Ministère répondant : Justice et libertés

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 octobre 2011

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