Question orale n° 1579 :
contrôle

13e Législature

Question de : M. Jean-Claude Viollet
Charente (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Jean-Claude Viollet attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales, sur les discriminations dont les gens du voyage font l'objet, notamment en raison de l'application de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969. Il lui demande de quelle manière le Gouvernement entend mettre fin à cette situation.

Réponse en séance, et publiée le 19 octobre 2011

DISCRIMINATIONS À L'ÉGARD DES GENS DU VOYAGE

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour exposer sa question n° 1579 relative aux discriminations à l'égard des gens du voyage.
M. Jean-Claude Viollet. Le 27 janvier dernier, notre assemblée examinait une proposition de loi du groupe socialiste, radical et citoyen, dont j'étais cosignataire, visant à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage par l'abrogation de la loi du 3 janvier 1969.
Nous entendions supprimer l'obligation faite aux gens du voyage de détenir un titre de circulation à faire viser par l'autorité administrative et à présenter à toute réquisition, car une telle obligation constitue, pour ces citoyens français, une discrimination dans la jouissance de leur droit à circuler librement sur le territoire national.
De même, nous voulions mettre fin à l'entrave que subissent les gens du voyage dans le libre choix de leur résidence dès lors que le choix d'une commune de rattachement exprimé lorsqu'ils sollicitent un titre de circulation est soumis à la décision du préfet, après avis du maire et sous réserve que la population ainsi rattachée ne dépasse pas 3 % de la population municipale.
Enfin, nous entendions rétablir les gens du voyage dans leurs droits civiques avec la possibilité pour eux, comme pour tous les autres citoyens, d'être inscrits sur les listes électorales dès lors qu'ils ont un domicile réel ou une présence justifiée de six mois dans la commune, et non trois ans de rattachement ininterrompu, comme c'est le cas aujourd'hui.
Notre proposition de loi a été rejetée par votre majorité, mais le rapport de notre collègue Didier Quentin, déposé en mars 2011 au nom de la commission des lois, a largement repris nos propositions s'agissant de la suppression des titres de circulation et de la condition de résidence de trois ans pour accéder au droit de vote. Et le rapport remis en juillet 2011 au Premier ministre par le sénateur Pierre Hérisson, parlementaire en mission et président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, au sein de laquelle j'ai eu plaisir de travailler à ses côtés plusieurs années durant, va dans le même sens.
Lors de l'examen de notre proposition de loi, le Gouvernement nous avait dit attendre les conclusions de ces travaux : ils sont rendus. Votre majorité vient de rejeter, lors de la discussion du projet de loi de simplification du droit et d'allégement des démarches administratives, notre amendement qui visait à abroger la loi de 1969. Ma question est donc simple : le Gouvernement est-il disposé à mettre vraiment fin aux discriminations dont sont depuis trop longtemps victimes les gens du voyage ou bien devons-nous attendre que le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, censure la loi du 3 janvier 1969 ?
M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, secrétaire d'État chargée de la famille.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui ne peut malheureusement pas être présent. Il m'a chargée de vous répondre.
La loi et le respect des concertations, voilà l'objectif de ma réponse.
La situation des gens du voyage, c'est-à-dire des personnes dont le mode d'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles, est aujourd'hui régie par deux lois : la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ; la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
La loi du 3 janvier 1969, qui a remplacé la loi du 16 juillet 1912, a constitué un progrès important en permettant de fixer un nouveau régime de droits et de devoirs pour la communauté des gens du voyage. Ce texte a en effet institué la commune de rattachement, grâce à laquelle les gens du voyage ont pu accéder aux prestations de sécurité sociale et obtenir l'inscription sur les listes électorales. Aujourd'hui, plus de quarante ans après sa promulgation, le régime institué par cette loi a incontestablement vieilli et il mérite d'être revu et modernisé. Le Gouvernement en est pleinement conscient, monsieur le député, et il a déjà évoqué ce sujet devant l'Assemblée.
C'est précisément pourquoi le Premier ministre a confié, le 25 janvier 2011, au sénateur Pierre Hérisson, particulièrement qualifié et impliqué dans cette question notamment en tant que président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, la mission d'identifier les préoccupations de toutes les parties prenantes et de tenter d'y apporter les réponses les plus justes afin que la loi puisse évoluer. Le sénateur Hérisson a récemment remis son rapport au Premier ministre - souvenez-vous, c'était au mois de juillet 2011.
M. Jean-Claude Viollet. Oui.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Il fait suite au rapport d'information présenté par MM. Didier Quentin, Charles de La Verpillière et Dominique Raimbourg, au nom de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale, sur le bilan et l'adaptation de la législation relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage, rapport qui a été publié en mars 2011. Les préconisations de ces deux documents ont été analysées et les suites qui leur seront réservées sont actuellement à l'étude.
Chacun des aspects du régime instauré par la loi du 3 janvier 1969 mérite un examen approfondi. Le Gouvernement entend privilégier une démarche sereine et respectueuse des concertations engagées avec les associations des gens du voyage et du dialogue mené avec les élus nationaux et locaux. Plusieurs pistes de réflexion semblent aujourd'hui recueillir un consensus.
Ainsi, le régime dérogatoire imposant aux gens du voyage un rattachement de trois ans dans la même commune pour demander leur inscription sur les listes électorales peut être discuté. L'abrogation du délai de trois ans permettrait d'aligner le régime des gens du voyage sur le droit commun, ce qui imposerait de compléter le code électoral de manière à permettre l'inscription sur le critère du rattachement à une commune durant, par exemple, au moins six mois.
De même, les titres de circulation sont des documents qui apparaissent aujourd'hui dépassés,...
M. Jean-Claude Viollet. En effet !
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. ...ce qui conduit à envisager leur suppression. La mise en oeuvre d'une telle mesure implique cependant de prévoir un dispositif assurant un lien entre les gens du voyage et l'administration. À ce titre, le principe du rattachement des gens du voyage à une commune mérite d'être conservé. Ce dispositif, qui produit les effets attachés au domicile, maintient le lien que je viens d'évoquer et permet aux personnes ayant adopté un mode de vie non sédentaire d'exercer leurs droits et devoirs civiques : droit de vote et, point très important, obligation scolaire, ainsi qu'immatriculation à la sécurité sociale, recensement, acquittement de l'impôt. À défaut d'un tel dispositif, les gens du voyage rencontreraient des difficultés, notamment pour s'acquitter de leurs obligations fiscales ou pour leur immatriculation auprès d'une caisse de sécurité sociale.
La loi et le respect des concertations sont donc à observer.
Pour résumer : oui, la loi du 3 janvier 1969, qui constituait à l'époque une grande avancée, est aujourd'hui en partie obsolète ; oui, le Gouvernement entend y remédier, dans le respect des concertations menées avec les intéressés.
M. le président. Le caractère très complet de cette réponse m'amène à demander à M. le député d'être extrêmement bref dans sa propre réponse.
M. Jean-Claude Viollet. Je voudrais absolument remercier Mme la secrétaire d'État pour sa réponse. On a beaucoup parlé de ce sujet ; il est temps d'agir.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Nous sommes là !

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Viollet

Type de question : Question orale

Rubrique : Gens du voyage

Ministère interrogé : Collectivités territoriales

Ministère répondant : Collectivités territoriales

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 11 octobre 2011

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