Question orale n° 1639 :
conditions d'entrée et de séjour

13e Législature

Question de : Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont
Haute-Vienne (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont souhaite interroger M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur le problème de la prise en charge des mineurs étrangers isolés. Alors que, conformément à la convention internationale des droits de l'enfant signée par la France en 1990, cette question relève de la compétence de l'État, il s'avère que, dans les faits, les départements assurent seuls, via l'aide sociale à l'enfance, la prise en charge de ces jeunes primo-arrivants, faute de la mise en place en amont d'un dispositif susceptible de les accueillir. Ainsi, certains départements, tels la Haute-Vienne, doivent-ils assumer un nombre élevé de mineurs isolés quand bien même ce problème ne relève pas de leurs compétences. Face à des flux migratoires de plus en plus importants et au regard de la situation financière extrêmement dégradée des conseils généraux, une telle situation ne peut perdurer sans qu'une concertation de l'ensemble des acteurs concernés ne soit engagée et que des moyens financiers supplémentaires ne soient mobilisés ; aussi, lui demande-t-elle de lui préciser de quelle façon le Gouvernement entend faire face à ses obligations.

Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2011

PRISE EN CHARGE DES MINEURS ÉTRANGERS ISOLÉS.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour exposer sa question, n° 1639, relative à la prise en charge des mineurs étrangers isolés.
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ma question s'adressait à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mais je vous remercie, monsieur Laffineur, de bien vouloir y répondre.
Sur la base des chiffres délivrés par le ministère de la justice, le département de la Haute-Vienne se singularise, au regard de sa population et de sa situation géographique, par un flux de 82 mineurs étrangers isolés pris en charge en 2011 par l'aide sociale départementale à l'enfance.
Si la situation de la Haute-Vienne n'est ni celle de la Seine-Saint-Denis, ni celle de Paris, elle est néanmoins suffisamment préoccupante pour que le Gouvernement ne lui fasse pas subir la politique du sapeur Camember qu'il conduit sur ce sujet.
Comment qualifier autrement, en effet, la décision de placer un mineur isolé relevant du département de Seine-Saint-Denis dans une maison d'enfants à caractère social en Haute-Vienne, mesure suivie d'un dessaisissement par le juge du dossier, ce qui conduit ipso facto le département d'accueil à assurer financièrement l'hébergement du mineur ?
Pourtant la question des mineurs étrangers isolés relève bien de la politique d'immigration de la France et l'État ne peut se dérober à ses responsabilités.
M. le garde des sceaux s'était engagé à se saisir du dossier, mais force est de constater qu'à l'heure actuelle l'action gouvernementale se limite à répartir les flux. Monsieur le secrétaire d'État, quand le Gouvernement entendra-t-il assumer ses responsabilités en la matière ?
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.
M. Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. Madame la députée, la prise en charge des mineurs isolés étrangers s'inscrit dans le droit commun de la protection de l'enfance qui consacre la compétence des départements en la matière.
L'article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles rappelle en effet très clairement que " la protection de l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge." Cet article s'applique à tous les enfants indépendamment de leur nationalité ; les mineurs isolés étrangers relèvent donc bien de la protection de l'enfance. La charge financière engendrée par la prise en charge de ces jeunes repose donc exclusivement sur les départements. Le budget consacré par les départements aux mineurs isolés étrangers constitue, de fait, une charge de plus en plus lourde, compte tenu de l'accroissement des flux de mineurs isolés étrangers observés, ces dernières années.
En outre, cette charge pèse de façon très inégale sur les différents départements, qui ne sont pas confrontés dans les mêmes proportions à l'accueil des mineurs étrangers isolés. Ainsi, on en dénombre mille pris en charge en Seine-Saint-Denis, près de 350 en Ille-et-Vilaine, 180 dans le Nord. Votre département de la Haute-Vienne en accueille 38, m'a-t-on dit ; vous m'avez indiqué un chiffre supérieur, madame la députée, et je ne me battrai pas sur les chiffres, je vous fais confiance.
Plusieurs exécutifs départementaux ont fait part au Gouvernement de leurs inquiétudes relativement à la prise en charge de ces mineurs.
Différents phénomènes expliquent cette concentration : l'action de réseaux ou filières qui organisent l'arrivée des enfants depuis leur pays d'origine sur le territoire français, est l'une de ces explications. Il est prioritaire de lutter contre ces réseaux et de mettre en oeuvre tous les moyens disponibles pour contrecarrer leur action. L'État s'y emploie de la façon la plus active, grâce à la mobilisation des services de police et de gendarmerie. Vous conviendrez avec moi que ce n'est certainement pas en accordant la nationalité française à tous les étrangers en situation illégitime sur notre territoire, que nous pourrons régler le problème.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, que votre réponse n'est recevable, ni sur le fond, ni sur la forme. Je ne fais pas partie de celles et ceux qui demandent la régularisation de tous les étrangers, mineurs ou non, sur le sol français. Mais je suis de celles et ceux qui savent lire le droit.
M. le garde des sceaux, devant les présidents de conseils généraux réunis le mois dernier en congrès à Besançon, a reconnu qu'un problème se posait et que les mineurs étrangers isolés, conformément à ce qu'indiquait dès 2004 le rapport du préfet Landrieu, relevaient bien de la responsabilité de l'État. Le ministre s'est engagé, dans une lettre adressée hier au Président de l'Association des départements de France, à réunir en urgence - maisque signifie l'urgence ? - une table ronde sur cette question.
Je voudrais rappeler quelques chiffres. Le budget du département de la Haute Vienne représente environ 390 millions d'euros. La charge budgétaire du secteur de l'aide sociale à l'enfance pèse lourdement dans les budgets départementaux. La Haute-Vienne y consacre, chaque année, 37 millions d'euros. Le prix moyen de journée pour un mineur étranger isolé en établissement est de 210 euros, soit 6 400 euros par mois pour chaque enfant accueilli !
Vous pouvez, dès lors, comprendre la vigilance dont je fais preuve, tant en ma qualité de parlementaire que de président de l'exécutif départemental, afin de ne pas faire supporter indûment aux contribuables haut-viennois un poste qui relève strictement de la compétence de l'État.
Mme la présidente. La parole est à M le secrétaire d'État.
M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Je ne peux que vous rappeler, madame la députée, la loi qui est très claire sur la prise en charge des enfants.
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Il s'agit de mineurs étrangers isolés !
M. Marc Laffineur, secrétaire d'État. Nous ne nions pas qu'un problème existe. C'est la raison pour laquelle nous devons lutter, tous ensemble, contre les filières illégales et les passeurs qui font venir de jeunes enfants sur notre territoire. Cela ne va d'ailleurs pas dans le sens de l'intérêt de ces enfants, qui se retrouvent souvent dans une situation très difficile.
Nous devons ensemble lutter contre ce fléau.
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Nous devons lutter contre ce fléau, je suis d'accord ; mais il faut aussi régler le problème.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer, collectivités territoriales et immigration

Ministère répondant : Justice et libertés

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2011

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