DOM-ROM : La Réunion
Question de :
M. Patrick Lebreton
Réunion (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Patrick Lebreton interroge Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé, sur la situation de la permanence de soins à La Réunion. Une récente enquête conduite par un média local fait état d'une dégradation très forte de la médecine de garde depuis 2003 et l'instauration des astreintes volontaires. Non seulement dans les endroits les plus reculés de l'île mais également dans les zones les plus accessibles, l'on déplore une carence des médecins de garde. À La Réunion, seulement, 10 % des médecins réalisent des gardes quand 50 % des médecins hexagonaux en font. Il en résulte qu'après minuit, seuls deux cabinets de garde acceptent des patients. Dès lors ce sont les services d'urgence et le 15 qui sont submergés et des actes simples comme des certificats de décès qui ne sont plus établis dans des délais raisonnables. Il souhaite donc qu'il lui indique les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour améliorer la médecine de garde à La Réunion.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2011
ORGANISATION DE LA PERMANENCE DES SOINS
À LA RÉUNION
M. Patrick Lebreton. Madame la secrétaire d'État chargée de la santé, la permanence de soins dans le département de la Réunion est dans une situation préoccupante. Nous constatons en effet une dégradation très forte de la médecine de garde depuis 2003 et l'instauration des astreintes volontaires.
Si le contexte géographique de notre île justifie diverses spécificités, notamment des délais d'intervention plus longs, des difficultés sont constatées dans des zones les plus accessibles de l'île, y compris dans des zones urbaines.
Pour de nombreux spécialistes, cette situation est due directement au faible nombre de médecins de garde. La carence de ces médecins devient la règle. À la Réunion, seulement 10 % des médecins réalisent des gardes quand 50 % des médecins hexagonaux en font. Il en résulte que, après minuit, seuls quelques cabinets de garde acceptent des patients.
Dès lors, les services d'urgence et le 15 sont submergés, et ce dès dix-huit heures, heure à laquelle les médecins libéraux ferment souvent leur cabinet alors que l'heure prévue pour le début de la permanence de soins est fixée à vingt heures. Pour certains urgentistes, " les gens sont pris en otage dans une salle d'attente pleine et ils n'ont pas le choix ". Il est donc courant que les personnes présentant les cas les plus bénins mais nécessitant tout de même des soins doivent attendre près de cinq ou six heures pour être prises en charge.
Cette organisation est défaillante principalement en raison de la difficulté de rendre compatible l'activité quotidienne de cabinet avec des gardes éprouvantes. De même, il apparaît assez clairement que l'indemnisation des astreintes ne permet pas de compenser à sa juste mesure l'impact de ces gardes sur le quotidien des médecins. Il y a là une désorganisation que la décision de votre prédécesseur de laisser la médecine de garde au volontariat n'a fait qu'accroître.
C'est ainsi que deux secteurs comptant plus de 100 000 habitants ne peuvent compter que sur un médecin de garde, de même que d'autres secteurs, moins peuplés mais très étendus et difficiles d'accès. Une telle situation n'est pas digne d'un grand pays comme la France et met la santé des Réunionnais en danger.
L'agence régionale de santé a néanmoins pris conscience de l'urgence qu'il y avait à réorganiser le système de permanence de soins en décidant d'arrêter un nouveau cahier des charges régional. Cette intention est positive et doit permettre de rendre la médecine de garde efficace pour la santé publique et motivante pour les praticiens.
En conséquence, ma question est double : qu'en est-il de la réorganisation prônée par l'agence régionale de santé, ne pensez-vous pas qu'une telle situation impose de revenir sur le principe absolu de volontariat des médecins de garde tout en revalorisant de manière substantielle et correcte leur indemnisation ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé. L'érosion du volontariat dans le cadre de la permanence des soins se traduit effectivement, monsieur le député, sur l'accès aux soins non programmés de la population. C'est le cas à la Réunion, où seulement un médecin généraliste sur dix participe à la permanence des soins de ville
La loi du 21 juillet 2009, la loi HPST, a rénové en profondeur les dispositifs de permanence des soins en médecine ambulatoire.
Pour ce faire, le pilotage de ces dispositifs est confié aux ARS, qui deviennent notamment compétentes pour déterminer la rémunération forfaitaire des médecins, cette rémunération étant modulable en fonction des sujétions et des contraintes géographiques. Plus souples et plus adaptées à l'organisation retenue par l'ARS, ces nouvelles rémunérations ont vocation à devenir un levier de participation au dispositif.
En outre, du fait de la répartition inégale des professionnels libéraux sur le territoire, le concours des structures hospitalières peut être organisé dans certaines zones pour prendre en charge les demandes de soins non programmés, notamment en nuit profonde, après évaluation des besoins de la population et de la charge que ce report représenterait pour les services d'urgences. L'état des lieux établi par l'ARS de l'océan Indien sur ce point fait d'ailleurs apparaître que, compte tenu de leur faible nombre, les quelques demandes de soins après minuit peuvent être prises en charge par la régulation hospitalière et les services d'urgences de l'île sans générer pour eux une suractivité.
L'ARS de l'océan Indien finalise l'élaboration de son cahier des charges régional de la permanence des soins, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés : associations de permanence des soins, ordre des médecins, URPS, cabinets médicaux, SAMU, urgentistes, associations de régulation libérale.
La problématique particulière de la réalisation des certificats de décès aux heures de permanence des soins se heurte à la raréfaction de la ressource médicale. Il n'en demeure pas moins que la question des certificats de décès correspond à un besoin de la population auquel il convient impérativement d'apporter une réponse médicale, y compris la nuit et le week-end. La réforme de la permanence des soins ambulatoires constitue l'occasion d'envisager localement les réponses concrètes à cette problématique.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Lebreton.
M. Patrick Lebreton. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour votre réponse. J'aurais aimé partager votre optimisme et celui de l'ARS sur la Réunion. J'attends bien évidemment que le cahier des charges nous permette d'avoir une situation plus satisfaisante.
Si nous ne partageons pas votre optimisme, c'est que nous connaissons un galop démographique dans ces différentes régions. Dans un département de 800 000 habitants, qui devrait en compter un million dans quinze ans, la permanence des soins est une question dont nous devons nous soucier particulièrement. Le compte n'est pas bon.
Auteur : M. Patrick Lebreton
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Santé
Ministère répondant : Santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2011