travail le dimanche
Question de :
Mme Martine Billard
Paris (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Martine Billard interroge M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé quant au respect du droit des salariés au repos dominical. Depuis le mois de décembre 2011, des enseignes commerciales hors-la-loi de différents secteurs, encouragées par des déclarations publiques de membres du Gouvernement, tentent d'obtenir, sous prétexte de relancer la croissance, des dérogations supplémentaires à la législation actuelle concernant le travail du dimanche, pourtant déjà étendu par la loi Mallié de 2009. Il s'agit d'enseignes de bricolage hors des zones PUCE d'Île-de-France, des supérettes alimentaires ouvrant après 13 heures le dimanche, des boutiques du quartier des Abbesses dans le 18e arrondissement de Paris hors de la zone touristique de Montmartre, et de commerces ouvrant illégalement le dimanche sous prétexte de début de soldes en janvier 2012. Le travail du dimanche est une régression sociale et une atteinte au droit à la vie de famille comme au droit aux loisirs. C'est aussi une aberration économique et écologique car le pouvoir d'achat de nos concitoyens est le même, qu'ils consomment le dimanche ou un autre jour de la semaine. En outre, étendre les périmètres des zones touristiques à Paris ne ferait que déplacer la question des commerces qui sont dans ou hors de ces zones, et favoriser les commerces de vêtements ou de souvenirs, au détriment des commerces de bouche de proximité, alors même que les gérants desdites boutiques peuvent toujours travailler le dimanche à leur compte et réaliser ainsi leur chiffre d'affaires. Aussi, plutôt que de consacrer les moyens du Gouvernement à communiquer et faire pression sur les élus locaux afin d'étendre les dérogations au repos dominical, notamment à Paris, et d'encourager ainsi les commerces hors-la-loi qui font travailler des salariés le dimanche sans aucune des autorisations possibles dans le droit actuel, elle lui demande les moyens qu'il compte mettre en oeuvre pour faire respecter la loi en la matière, en impliquant les inspections du travail dans les différents secteurs commerciaux concernés.
Réponse en séance, et publiée le 3 février 2012
CONTRÔLE DU RESPECT DE LA RÉGLEMENTATION
RELATIVE AU REPOS DOMINICAL
Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des transports, mes chers collègues, depuis décembre, des enseignes commerciales hors-la-loi de différents secteurs, encouragées par des déclarations de membres du Gouvernement, tentent d'obtenir, sous prétexte de relancer la croissance, des dérogations supplémentaires à la législation concernant le travail du dimanche, pourtant déjà étendues par la loi Mallié de 2009.
Il s'agit d'enseignes de bricolage hors des zones PUCE d'Ile-de-France, de supérettes alimentaires ouvrant après treize heures le dimanche, de boutiques du quartier des Abbesses dans le XVIIIe arrondissement de Paris, hors de la zone touristique de Montmartre, et de commerces ouvrant illégalement le dimanche depuis le début du mois de janvier sous prétexte de soldes.
Le travail du dimanche est une régression sociale et une atteinte au droit à la vie de famille comme aux loisirs. C'est une aberration écologique qui n'envisage les relations sociales qu'à travers le prisme du consumérisme et des achats sept jours sur sept. C'est aussi une aberration économique, car le pouvoir d'achat de nos concitoyens est le même, qu'ils consomment le dimanche ou un autre jour de la semaine - on peut même ajouter qu'en ce moment ce pouvoir d'achat est plutôt en baisse.
En outre, étendre les périmètres des zones touristiques à Paris ne ferait que favoriser les boutiques de vêtements ou de souvenirs, au détriment des commerces de bouche de proximité, alors même que les gérants de ces boutiques peuvent toujours travailler le dimanche, à leur compte, et réaliser ainsi leur chiffre d'affaires. Une telle mesure provoquerait en outre une hausse du prix des baux commerciaux, sur laquelle les commerces de bouches ne pourraient s'aligner, ce qui entraînerait des fermetures en grand nombre.
Plutôt que de consacrer les moyens du Gouvernement à faire pression sur les élus locaux, à Paris ou ailleurs, afin d'étendre les dérogations au repos dominical et d'encourager ainsi les enseignes hors-la-loi qui font travailler des salariés le dimanche sans user d'aucune des autorisations possibles dans le droit actuel, quels moyens entendez-vous mettre en oeuvre pour faire enfin respecter la loi en impliquant les inspections du travail, et pour éviter que ne se reproduise la situation qui fut à l'origine de la loi Mallié - le non-respect de la loi justifiant son évolution et des ouvertures du dimanche toujours plus fréquentes ?
M. Christian Eckert. Excellente question !
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Madame la députée, M. Xavier Bertrand m'a chargé de vous répondre que, sur la question du travail le dimanche, la réalité des faits ne résiste pas à la caricature que vous en faites.
Mme Martine Billard. Il n'avait pas entendu ma question mais il pouvait déjà tenir les propos que vous nous lisez ! (Sourires.)
M. Thierry Mariani, ministre. Disons qu'il vous connaît ! Et, sans méchanceté, il me semble qu'il avait assez bien anticipé votre question.
Aujourd'hui, 6,5 millions de personnes travaillent occasionnellement ou habituellement le dimanche. Il s'agit d'un équilibre entre le droit légitime des salariés au repos, que nul ne songe à remettre en cause, les demandes et les besoins des usagers et des consommateurs, et la volonté légitime des entreprises d'y répondre. Cet équilibre n'est pas immuable.
La loi Mallié, qui n'a en rien généralisé le travail le dimanche comme vous le laissez entendre, offre une réponse aux évolutions des pratiques de consommation en permettant de sortir de l'insécurité juridique qui existait dans le strict respect du rôle des élus locaux en la matière et de la négociation collective.
Dans les communes et zones touristiques, elle a permis de sortir d'une situation ubuesque où il fallait distinguer le créateur de mode du magasin d'habillement, le vendeur de lunettes de soleil de l'opticien.
C'est aux maires qu'il appartient de solliciter le classement de tout ou partie de leur commune, car ce sont eux et eux seuls qui connaissent les éléments d'attractivité de leur territoire. C'est ensuite aux commerçants de ces communes de décider d'ouvrir ou non le dimanche en fonction de la demande des clients. J'ajoute que 250 000 salariés employés dans ces commerces voient ainsi leur pouvoir d'achat conforté.
Vous évoquez la situation des commerces de la rue des Abbesses à Paris. Qui peut sérieusement soutenir que ce quartier n'est pas touristique, alors qu'il est animé sept jours sur sept ?
M. Michel Hunault. Il y a même beaucoup de monde la nuit ! Les commerçants sont très contents !
M. Thierry Mariani, ministre. Je me demande, monsieur Hunault, comment vous pouvez savoir qu'il y a beaucoup de monde la nuit. (Sourires.)
L'adaptation du périmètre des zones touristiques de la capitale relève de la responsabilité du maire de Paris. Sur ce sujet, il serait tout de même utile que la mairie de Paris ne fasse pas preuve de dogmatisme idéologique mais, au contraire, d'un peu de bon sens.
Vous évoquez les PUCE, les fameux périmètres d'usage de consommation exceptionnel. Quelle est la situation en la matière ? Trente-deux PUCE ont été délimités à Paris, Lille et Marseille. Encore une fois, l'initiative appartient aux élus locaux et je note que, sur les trente-deux PUCE créés, qui concernent 10 000 salariés, douze l'ont été à la demande de maires socialistes et deux à la demande de maire communistes à Pierrelaye et Gennevilliers.
M. Jean-Paul Lecoq. Ce n'est pas une excuse !
M. Thierry Mariani, ministre. Faut-il rappeler que c'est la loi Mallié qui a instauré le volontariat des salariés et les contreparties obligatoires pour les salariés travaillant dans des établissements bénéficiant des dérogations administratives ?
Quant à la situation des magasins de bricolage, je n'ai pas à revenir sur les décisions de justice condamnant les enseignes ouvrant illégalement. Mais il faut prendre garde à ne pas généraliser.
S'agissant des commerces alimentaires, la loi a fixé une limite pour l'ouverture dominicale à treize heures. Je ne peux laisser dire que le Gouvernement cautionne des pratiques illégales d'ouverture. Des dizaines de procès-verbaux ont été dressées par l'inspection du travail à Paris - plus d'une centaine en 2010 - et des procédures en référé sont engagées devant le juge.
Le rapport du comité parlementaire d'évaluation de la loi Mallié, présidé par le président de la commission des affaires sociales, Pierre Méhaignerie, publié le 15 novembre 2011, montre que l'équilibre qui a prévalu à l'élaboration de la loi du 10 août 2009 a été respecté dans son application.
M. Christian Eckert. L'argument est un peu mince !
M. Thierry Mariani, ministre. Le Gouvernement a pris ses responsabilités pour faire évoluer la loi au regard de la réalité tout en réaffirmant le principe du repos dominical. Il en allait de l'attractivité touristique, du dynamisme de nos commerces et surtout de l'emploi de dizaine de milliers de salariés.
M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
Mme Martine Billard. À mon tour de dire que cette réponse est particulièrement caricaturale. Monsieur le ministre, venez dans ma circonscription : vous constaterez que la loi n'est plus respectée du tout ! Des supérettes se permettent même d'afficher en vitrine : " Commerces ouverts toute la journée le dimanche. " S'il n'y avait pas les syndicats et si je n'étais pas intervenue personnellement auprès de l'inspection du travail, il ne se serait rien passé. Heureusement, aujourd'hui, les syndicats sont là pour défendre le droit des salariés à disposer d'un repos dominical.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État chargée de la famille. Ils ont peut-être envie de travailler !
Auteur : Mme Martine Billard
Type de question : Question orale
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi et santé
Ministère répondant : Travail, emploi et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 janvier 2012