Question orale n° 180 :
titres de séjour

13e Législature

Question de : M. Bernard Derosier
Nord (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Bernard Derosier attire l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur la situation des jeunes majeurs étrangers isolés. Confronté depuis plusieurs années à une arrivée importante de jeunes mineurs étrangers isolés, le département du Nord a signé, en octobre 2005, un protocole d'accord pour leur accueil et leur orientation avec les représentants de l'État, les juridictions concernées et les associations habilitées. Ce protocole organise la prise en charge de ces jeunes au sein d'une plateforme d'accueil qui permet d'assurer une évaluation de la situation administrative et médico-sociale, dès l'admission du jeune au service de l'aide sociale à l'enfance. Un travail éducatif important permettant l'insertion de ces jeunes, notamment dans un parcours de scolarisation, est ensuite engagé. Cependant, les documents administratifs, autorisant leur séjour sur le territoire français, ne sont pas délivrés, les privant de l'accès aux dispositifs adaptés d'insertion professionnelle et les empêchant, à terme, d'obtenir un titre de séjour pour des motifs de vie privée et familiale comme le prévoit notamment le 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ajouté par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et l'intégration. De plus, faute d'obtenir un titre de séjour à 21 ans, ces jeunes qui ne peuvent plus être pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sont placés, du jour au lendemain, en situation irrégulière, alors qu'ils ont été pris en charge par la collectivité depuis leur entrée en France. Il lui demande quelles dispositions il entend prendre pour corriger les effets contradictoires et pervers de cette situation.

Réponse en séance, et publiée le 9 avril 2008

SITUATION DES JEUNES MAJEURS ÉTRANGERS ISOLÉS

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour exposer sa question, n° 180, relative à la situation des jeunes majeurs étrangers isolés.
M. Bernard Derosier. Je ne vois pas au banc du Gouvernement M. Hortefeux, ministre en charge de l'immigration, auquel ma question s'adresse.
M. Jean-Pierre Brard. Il est en centre de rétention ! (Sourires.)
M. Bernard Derosier. Ou peut-être cherche-t-il son identité nationale ? (Sourires.)
La situation problématique des jeunes majeurs étrangers isolés n'est toujours pas réglée par le Gouvernement. Dans mon département - qui en voit arriver en nombre depuis plusieurs années -, comme ailleurs en France, elle est la conséquence de la politique absurde du chiffre qui est imposée par la lettre de mission du Président de la République. Le Gouvernement est incapable de réguler humainement l'immigration et le climat de terreur qu'il fait peser sur les immigrés et leurs familles conduit aux drames que l'on a connus ces dernières semaines, notamment vendredi dernier à Joinville-le-Pont.
En octobre 2005, un protocole a été signé entre l'État, les juridictions concernées, les associations habilitées et le département du Nord. Il organise la prise en charge de ces jeunes par une plate-forme d'accueil, qui permet d'assurer une évaluation de leur situation administrative et médico-sociale dès leur admission au service de l'aide sociale à l'enfance. Ce travail éducatif important favorise l'insertion de ces jeunes à travers le parcours de scolarisation qui est ensuite engagé.
Tout irait bien si les documents administratifs autorisant leur séjour sur le territoire français étaient délivrés. Or ils ne le sont pas. Il en résulte que ces jeunes sont privés de l'accès aux dispositifs adaptés d'insertion professionnelle et empêchés, à terme, d'obtenir un titre de séjour pour des motifs de vie privée et familiale. Faute d'obtenir un titre de séjour à vingt et un ans, ces jeunes, qui ne peuvent plus être pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance, se retrouvent du jour au lendemain en situation irrégulière alors qu'ils ont été pris en charge par la collectivité depuis leur entrée en France.
Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour corriger les effets contradictoires et pervers de cette situation ?
M. le président. La parole est à M. Yves Jego, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
M. Yves Jego, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le député, Brice Hortefeux, empêché, m'a chargé de vous répondre.
Vous avez évoqué la politique du Gouvernement dans des termes largement exagérés, qui relèvent plus de l'effet de tribune que de la sérénité qui sied au présent exercice parlementaire. Le Gouvernement conduit en effet une politique respectueuse de la législation et qui tient compte des situations individuelles pour permettre que la tradition d'accueil de la France soit parfaitement respectée. Cependant, nous devons, vis-à-vis de ceux qui souhaitent rejoindre notre territoire, avoir un discours clair afin qu'ils ne se bercent pas d'illusions. Les politiques de régularisation massive du passé ont fait trop de dégâts pour que nous les renouvelions ; et d'ailleurs aucun pays d'Europe n'y recourt plus, y compris ceux qui ont des gouvernements socialistes.
En tant que responsable de conseil général, vous savez qu'un mineur isolé pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans peut bénéficier d'une carte de séjour s'il déclare vouloir exercer une activité professionnelle salariée et produit des justificatifs. C'est la loi du 18 janvier 2005 qui ouvre cette possibilité. Quant à celle du 24 juillet 2006 elle prévoit la possibilité de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au mineur pris en charge par l'ASE avant l'âge de seize ans. Le législateur a en effet souhaité permettre aux préfets de délivrer, après examen au cas par cas, une carte de séjour temporaire aux jeunes qui en feraient la demande au plus tard avant l'expiration de l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire.
Les dispositions nécessaires existent donc. Elles ont été votées par le Parlement et doivent être mises en oeuvre par les services de la préfecture. Il a d'ailleurs été demandé aux préfets d'examiner avec attention la situation de ces jeunes majeurs et ils ont la possibilité de délivrer, au cas par cas, des autorisations qui répondent à la situation que vous exposez.
Vous avez rappelé le protocole d'accord qui a été signé le 13 octobre 2005 dans votre département entre la préfecture, les services déconcentrés de l'État, le conseil général, l'autorité judiciaire et les associations. Ce protocole n'avait pas pour objet de transférer la responsabilité de la délivrance des titres de séjour. Elle n'incombe à personne d'autre que le préfet. Cependant ce n'est pas ce que vous réclamez. Je suis en mesure de vous préciser que le préfet du Nord, Daniel Canepa, fait instruire dans des conditions respectueuses de la loi toutes les demandes qui lui sont soumises.
Le conseil général du Nord, que vous présidez, a d'ailleurs publié pour ces jeunes un guide d'accompagnement juridique fort bien fait et je ne peux qu'inciter vos services à mettre en pratique cet accompagnement d'aussi bonne manière. Trop souvent, en effet, les services de la préfecture reçoivent des demandes formulées sur des critères juridiques infondés ou hors délai, et ne peuvent pas délivrer avant l'âge de dix-neuf ans les autorisations précitées.
La solution aux questions que vous avez posées figure, je crois, dans le guide d'accompagnement juridique, édité par le service d'aide sociale à l'enfance du conseil général du Nord.
M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.
M. Bernard Derosier. Vous tenez, monsieur le secrétaire d'État, un discours que vous ne maîtrisez pas complètement, parce que la situation n'est pas celle que vous décrivez, sauf à considérer que le préfet de mon département n'accomplirait pas correctement son travail.
Renvoyer aux services du département, comme vous le faites, la responsabilité de la non-délivrance de documents qui relèvent de l'État est, à mon sens, un petit peu fort.

Données clés

Auteur : M. Bernard Derosier

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire

Ministère répondant : Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 avril 2008

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