CHU
Question de :
Mme Patricia Adam
Finistère (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Patricia Adam alerte Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur la forte mobilisation des élus finistériens et des populations en faveur du maintien des activités d'allogreffes pédiatriques du centre hospitalier universitaire de Brest. Par des rassemblements populaires, une pétition de plus de 70 000 signatures, les Finistériens témoignent de leur émotion face à la perspective de perdre un service performant et reconnu au service des enfants leucémiques et de leurs familles. Il est noté que les parlementaires de la majorité comme de l'opposition sont tous intervenus personnellement, à tous les niveaux politiques et sanitaires, pour exprimer leur souhait de pérennisation de cette activité, ainsi que des élus locaux de tous bords. Outre l'avis favorable du comité régional d'organisation sanitaire (CROS) qui s'est opposé au transfert vers Rennes et Nantes de ces activités, il convient de rappeler fortement qu'aucun argument médical, social, ni même économique, ne justifie la fermeture du site d'allogreffes brestois. En effet, son chef de service est un pédiatre hématologue greffeur reconnu, son plateau technique est excellent, l'activité est soutenue, en moyenne 6 allogreffes par an à Brest pour 8 sur le site de Rennes, et la file active des patients en suivi au sein du service est très fournie. L'association Céline et Stéphane ainsi que le CHU ont fortement investi pour moderniser le service d'hématologie, qui offre un niveau de sécurité et de confort optimal pour les patients et les soignants. Toute cette énergie humaine et financière colossale dépensée depuis quelques années serait tout simplement perdue en cas de transfert du service à Rennes. Les enfants devraient souffrir seuls lors des longues semaines d'isolement en chambre stérile loin de leurs familles, de leur école, de leurs camarades. Lors des suites de greffe, le suivi thérapeutique leur imposerait des retours constants sur Rennes durant des mois, voire des années. On imagine sans peine le gouffre financier pour les familles qui devront chercher à se loger sur place, en raison des 6 heures de route aller-retour entre Rennes et Brest, et pour la sécurité sociale, qui devra prendre en charge les transports sanitaires. On imagine sans peine que les mères ou les pères devront arrêter de travailler et fragiliser toute la famille s'ils souhaitent, et qui ne le souhaiterait pas, rester auprès de leur enfant en danger de mort. L'avis de l'agence de biomédecine et de l'agence régionale de l'hospitalisation qui préconise le maintien d'un seul site dans la région pour l'allogreffe pédiatrique méconnaît les réalités géographiques et humaines de la Bretagne, qui est une presqu'île. À part Rennes, aucune autre capitale régionale en France n'est située aux franges orientales de ses limites administratives, à 250 kilomètres de la seconde ville en importance de population, en l'occurrence Brest, qui, du fait même de la situation ultrapériphérique à la pointe occidentale, offre des fonctions métropolitaines supérieures en matière de santé à une heure de trajet en voiture pour plus d'un million d'habitants. En revanche, Rennes est situé à 85 km de Nantes, autre capitale régionale disposant du pôle sanitaire de référence pour les Pays de Loire, ce qui offre un maillage de proximité particulièrement dense en matière d'accès aux techniques médicales de pointe. Pourquoi les populations du Finistère, des Côtes d'Armor et d'une partie du Morbihan devraient-elles être pénalisées par leur éloignement géographique de leur capitale administrative régionale, et pourquoi ne pourraient-elles pas bénéficier du même maillage par le maintien du site brestois ? Aussi, face à une situation potentiellement particulièrement inéquitable, elle lui demande un arbitrage en faveur du maintien du site d'allogreffes pédiatriques brestois conforme à la raison, à l'humanité et à l'éthique.
Réponse en séance, et publiée le 9 avril 2008
MAINTIEN DES ACTIVITÉS D'ALLOGREFFES
AU CHU DE BREST
Mme Patricia Adam. Ma question s'adresse également à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative et concerne la suppression d'un service d'allogreffes pédiatriques au CHU de Brest, ainsi que le service de neurochirurgie. Ma collègue Marguerite Lamour, brestoise comme moi, s'en est déjà fait l'écho dans une question précédente, qui concernait les urgences de cet hôpital.
Ce sujet nous préoccupe particulièrement, parce que, une fois de plus, la Bretagne occidentale est sacrifiée. L'agence régionale d'hospitalisation a pris cette décision, en contredisant l'avis du comité régional de l'organisation sanitaire. Elle a décidé de proposer la fermeture des services d'allogreffes et de neurochirurgie pédiatriques du CHU de Brest, malgré une pétition forte de 70 000 signatures et des interventions multiples sur notre territoire. Nous avons assisté à une mobilisation sans précédent des associations, de la population et de l'ensemble des élus, toutes opinions politiques confondues.
La lettre du 13 février 2008 que vous ont adressée tous les parlementaires finistériens, de gauche et de droite - j'insiste sur ce point -, est restée sans réponse. Une grève de la faim a été entamée par des parents, comme vous l'a précisé ma collègue Marguerite Lamour, il y a quelques minutes.
L'incompréhension et la colère s'expliquent non seulement par l'absence d'écoute, mais aussi parce que ce transfert à Rennes n'apporte aucun avantage, ce qui vide cette décision de tout sens. En effet, rien ne peut être reproché à la neurochirurgie pédiatrique brestoise.
Ainsi son haut niveau d'activité affiche 1 962 interventions en 2006, dont 57 concernaient des enfants, parmi lesquelles 33 craniotomies pour des tumeurs cancéreuses.
En matière de recherche, le docteur Dam Hieu est chef de file de l'un des très rares essais cliniques en neurochirurgie.
Pour l'activité en réseau, plus de 500 consultations de télémédecine par an ont été réalisées avec les hôpitaux environnants de Lorient, Quimper, Morlaix et Lannion.
Enfin, le site brestois justifie bien une exception géographique prévue par l'article R 6123-103 du code de la santé publique, car transférer un enfant brestois polytraumatisé crânien à Rennes, c'est l'éloigner à 250 kilomètres - soit six heures de route aller-retour - ce qui réduit considérablement, chacun peut aisément le comprendre, ses chances de guérison.
On ne peut rien reprocher non plus au service d'Allogreffes, dont l'unité d'hospitalisation stérile est un modèle à l'échelle nationale grâce aux investissements considérables réalisés en parfaite synergie par le CHU et l'association Céline et Stéphane, qui s'est particulièrement investie et a trouvé des fonds importants permettant d'équiper ce centre en écrans vidéo et connexions Internet, et en mettant des logements gratuits en ville et des studios à la disposition des familles. Bref, tout est fait pour rompre l'isolement des malades car, concernant les enfants, on sait que l'isolement peut être préjudiciable à leur santé.
L'unité devant accueillir les enfants à Rennes n'est pas encore sortie de terre. Or il ressort de la réponse que vous avez apportée à Mme Lamour qu'aucun transfert n'aura lieu avant cette construction. Il n'est donc pas trop tard pour revenir sur cette décision.
Néanmoins si celle-ci n'était maintenue, il serait impossible pour les familles d'accompagner leurs enfants comme elles le font aujourd'hui. De plus, la sécurité sociale devrait assumer le coût supplémentaire des transports sanitaires sur Rennes, ainsi que les engagements de l'ARH pour assurer l'accueil des familles... s'ils sont tenus !
Le directeur de l'ARH affirme que les enfants admis à Rennes reviendront à Brest le plus vite possible ; alors, pourquoi les transférer si aucun bénéfice n'est à attendre en termes de qualité des soins ?
M. le président. Veuillez conclure, madame Adam.
Mme Patricia Adam. Oui, monsieur le président.
Le site brestois affiche une moyenne de 23 allogreffes par an et par médecin depuis 2004, ce qui est conforme à la norme nationale requise. De plus, l'éloignement géographique est un élément pertinent quant à la décision qui doit être prise.
Je vous demande donc solennellement, monsieur le secrétaire d'État, que les parlementaires concernés - quelle que soit leur appartenance politique - ainsi que le président du CHU puissent être reçus par Mme la ministre afin de revoir cette décision et d'en rediscuter.
M. le président. Madame Adam, votre question était un peu longue.
La parole est à M. Bernard Laporte secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la députée, vous avez bien voulu appeler l'attention de Roselyne Bachelot-Narquin sur le projet de schéma interrégional d'organisation sanitaire - le SIOS - relatif aux activités de greffes pour l'interrégion Ouest, c'est-à-dire les régions suivantes : Bretagne, Centre, Pays de la Loire et Poitou-Charentes.
Conformément aux dispositions du code de la santé publique, ce schéma est arrêté par les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation. En l'espèce, les directeurs des ARH de l'interrégion Ouest élaboreront leur projet, après avis des comités régionaux de l'organisation sanitaire compétents.
Pour ce qui concerne le volet du SIOS relatif aux activités de greffes d'organes et de cellules hématopoïétiques, l'agence de biomédecine a confirmé à plusieurs reprises l'avis de l'ARH de Bretagne de ne maintenir qu'un site dans sa région pour l'allogreffe de moelle osseuse pédiatrique.
Pour une meilleure qualité de prise en charge des patients, il est, en effet, recommandé que les médecins travaillant dans ces services possèdent la double formation d'hématologue greffeur et de pédiatre. Or, au CHU de Brest, les praticiens de l'équipe ne sont pas tous pédiatres et l'activité de greffes est trop faible.
L'Agence de la biomédecine considère que la proposition de regroupement des activités d'Allogreffes pédiatriques sur le site de Rennes est pertinente au regard de l'activité sur la région et des critères de qualité de prise en charge.
La ministre de la santé a bien conscience des conséquences pour les Finistériens de la mise en place d'un site unique d'Allogreffes à Rennes. Pour autant, je ne puis que rappeler les chiffres en matière d'allogreffes pédiatriques pour 2007 : alors que les centres de Rennes et de Nantes ont effectué respectivement dix et seize greffes, le CHU de Brest n'en a effectué qu'une seule.
Néanmoins, cette solution présente l'inconvénient pour les jeunes patients et leur famille de les contraindre à des déplacements plus importants pour l'accès aux soins relatifs à la greffe. Roselyne Bachelot-Narquin a donc demandé à l'ARH de Bretagne de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour faciliter la venue et l'accueil des enfants et de leurs parents sur le site de Rennes. Elle veillera à ce que cela soit fait, et restera vigilante sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.
Mme Patricia Adam. Il s'agit d'un véritable dialogue de sourds ! Nous connaissons les chiffres - vous les rabâchez suffisamment - mais vous oubliez dans cette affaire que la compétence immunologique en thérapie cellulaire est identique pour les enfants et pour les adultes. Le référentiel d'activités auquel vous faites allusion n'est donc pas adéquat. Ce sont, en effet, l'ensemble des vingt-trois allogreffes par médecin réalisé sur le site brestois, alors que la norme est à vingt, qu'il faut prendre en considération.
Je souhaite donc une bonne fois pour toutes, que Mme la ministre de la santé nous reçoive, que nous mettions les chiffres sur la table et que nous en parlions sereinement, sans recourir à des arguments qui n'en sont pas !
Auteur : Mme Patricia Adam
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Santé, jeunesse, sports et vie associative
Ministère répondant : Santé, jeunesse, sports et vie associative
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 avril 2008