Question orale n° 225 :
SNCF : âge de la retraite

13e Législature

Question de : M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Jacques Desallangre alerte M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité sur la mise en oeuvre de l'allongement de la durée de cotisations pour les cheminots désirant obtenir leur pension retraite à taux plein. Le Gouvernement n'a réellement fondé sa tentative de rééquilibrage des comptes de la branche vieillesse que sur l'augmentation du nombre d'années travaillées. Il proposait pour sa part une réforme en profondeur de l'assiette des cotisations sociales qui n'auraient alors plus été assises sur le seul facteur travail mais sur l'ensemble des richesses produites. Le choix du Gouvernement fondé sur la seule durée de travail le conduira demain à une course sans fin et ce seront 41, puis 42, puis 43 annuités que les salariés devront effectuer pour obtenir une retraite à taux plein. Afin de préparer ces évolutions, le Gouvernement a mis en oeuvre pour les cheminots un mécanisme de décote. Progressivement, de 2008 à 2019, les cheminots à qui il manquerait 5 années de cotisations se verraient amputés du quart de leur pension. Par ailleurs, le mécanisme de surcote visant à majorer les pensions pour tout trimestre effectué au-delà de 40 annuités et de 60 ans paraît totalement illusoire puisque, en moyenne, le départ à la retraite se fait à 55 ans avec 33 annuités. Il lui demande en conséquence si le Gouvernement compte maintenir son projet de décote qui amputera très largement le pouvoir d'achat des futurs cheminots retraités.

Réponse en séance, et publiée le 7 mai 2008

RÉFORME DU RÉGIME DE RETRAITE DES CHEMINOTS

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour exposer sa question, n° 225, relative à la réforme du régime de retraite des cheminots.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le secrétaire d'État à la défense, le ministre du travail a évoqué dernièrement les leviers possibles pour consolider le régime des retraites : diminution des pensions, augmentation des cotisations patronales, augmentation des cotisations pesant sur les salariés. C'est bien évidemment cette dernière solution qu'il a choisie en imposant l'allongement de la durée de cotisation à quarante et une annuités.
Pourtant, ces décisions sont inefficaces car, étant donné le faible taux d'activité des plus de cinquante ans, votre politique va d'abord faire exploser le nombre de retraités pauvres, qui n'auront pas cotisé suffisamment pour obtenir une retraite à taux plein. Demain, les retraités français seront-ils, comme les retraités américains, obligés de retrouver un emploi précaire payé chichement pour assurer leurs fins de mois et continuer de vivre dignement ? Quelle chance auront-ils de trouver même de tels emplois ?
Vous avez imposé les mêmes principes au régime des cheminots en ne retenant que l'allongement de la durée de cotisation avec, à la clé, un régime de décote qui peut provoquer l'amputation du quart de la pension pour un cheminot à qui il manquerait cinq années de cotisation.
Pour faire passer la pilule, vous avez essayé de vendre aux cheminots un mécanisme de surcote visant à majorer les pensions pour tout trimestre cotisé au-delà de quarante annuités et au-delà de soixante ans. Les deux conditions, durée et âge, étant cumulatives, les syndicats ont bien mesuré que, dans les faits, la surcote ne s'appliquerait que très exceptionnellement. En revanche les décotes s'appliqueront largement puisque, en moyenne, les cheminots partent après avoir effectué trente-trois annuités.
Les projets du Gouvernement s'assimilent donc à un plan généralisé contre les retraités en général, qui verront mécaniquement et systématiquement leur pouvoir d'achat régresser au cours des prochaines années.
La raison est simple. Vous ne proposez pas les bonnes solutions pour rééquilibrer les comptes sociaux de la nation. Vous refusez obstinément d'envisager ce que je propose depuis des années, à savoir l'élargissement de l'assiette de cotisation non plus à la seule masse salariale mais à l'ensemble des richesses produites. Ainsi, les entreprises à haute intensité capitalistique, celles qui réalisent de gros bénéfices sans masse salariale importante, seraient, selon mes propositions, enfin prélevées dans une juste proportion pour la solidarité nationale, et cela permettrait le retour à l'équilibre de toutes les branches de la sécurité sociale.
Très logiquement, je vous pose donc la question : allez-vous enfin, tant pour les cheminots que pour l'ensemble des salariés, accepter d'envisager les solutions alternatives à l'allongement de la durée de cotisation ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur Desallangre, je vous prie d'abord d'excuser l'absence de ma collègue Valérie Létard, qui devait répondre à votre question au nom de Xavier Bertrand. Nous étions ensemble au Sénat tout à l'heure ; elle y est toujours pour répondre à des questions qui ont pris un peu de retard. Je vais donc vous donner sa réponse.
Comme vous le savez, l'objectif de la réforme des régimes spéciaux de retraite est d'harmoniser pour le présent et l'avenir les principaux paramètres de ces régimes avec ceux de la fonction publique. Ainsi que le Président de la République s'y est engagé, nous devons veiller à ce que l'ensemble des Français soient placés sur un pied d'égalité.
Cette réforme a été menée dans la concertation. Il y a eu une bonne centaine d'heures de concertation avec les partenaires sociaux, un débat au Parlement en octobre dernier, des documents d'orientation qui ont précisé le contenu et la méthode, et des principes communs d'harmonisation à la clé, avec des mesures d'accompagnement relevant de la négociation d'entreprise.
Le coeur de cette réforme, ce sont, vous le savez, des principes communs, au premier rang desquels l'harmonisation de la durée de cotisation. C'est le seul choix possible si l'on ne souhaite pas abaisser les retraites, ce que personne ne veut, ni augmenter les cotisations, ce qui pénaliserait le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité des entreprises.
La durée de cotisation n'a pas vocation à augmenter arbitrairement, loin s'en faut. La loi prévoit qu'elle évolue en fonction de l'espérance de vie, ce qui est logique. Si nous vivons plus longtemps, travailler un peu plus longtemps doit être envisagé les Français le savent.
Comme dans la fonction publique et les autres régimes de retraite, pour encourager chacun dans ce sens et améliorer aussi le niveau de la pension, il a été instauré un système de surcote et de décote. Ce mécanisme sera mis en place progressivement, selon le même calendrier et les mêmes paramètres que pour la fonction publique. Ainsi, la décote commencera à produire ses effets à partir de 2010.
Pour autant, elle ne doit pas pénaliser les salariés qui joueront le jeu de la réforme, c'est-à-dire ceux qui augmenteront leur durée d'activité proportionnellement à l'allongement de la durée de cotisation, soit deux ans et demi de plus pour une durée de quarante. Le mécanisme de décote a donc été aménagé de façon à garantir le niveau de pension, donc le pouvoir d'achat des agents qui s'engageront dans cette démarche.
En outre, des négociations d'entreprise ont permis de négocier des mesures d'accompagnement, notamment d'aménager les grilles de salaires en fin de carrière afin de tenir compte de l'allongement de la durée de la vie professionnelle.
Les décrets comportant ces principes communs d'harmonisation ont été publiés au début de cette année, le 15 janvier 2008 pour le décret relatif à la SNCF.
L'engagement qui a été pris par le Président a été tenu, pour une réforme attendue, en tout cas considérée comme nécessaire de longue date, et qui a vocation à placer les Français sur un pied d'égalité, en tenant compte des spécificités auxquelles vous avez fait allusion dans votre question.
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le secrétaire d'État, je pense que ce système de surcote-décote va se heurter à un obstacle important qui est le taux d'emploi des plus de cinquante-cinq ans. En France, il est en effet le plus faible d'Europe. Ce matin encore, on peut lire dans la presse les déclarations de M. Schweitzer, le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, qui relève ce phénomène et en note toute la nocivité. De plus un nouveau projet gouvernemental prévoit de dispenser encore une nouvelle catégorie de seniors de recherche d'emploi. Cela me semble un peu contradictoire avec l'objectif du Gouvernement.
Je reviens sur l'intérêt qu'il y aurait de solliciter l'effort des entreprises à haute intensité capitalistique car cela aurait deux effets : solvabiliser le régime de sécurité sociale et soulager les entreprises qui ont une haute intensité de main-d'oeuvre, ce qui serait bon pour le régime de protection sociale et pour l'emploi.

Données clés

Auteur : M. Jacques Desallangre

Type de question : Question orale

Rubrique : Retraites : régimes autonomes et spéciaux

Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille et solidarité

Ministère répondant : Travail, relations sociales, famille et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 mai 2008

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