DOM-ROM : Guyane
Question de :
Mme Chantal Berthelot
Guyane (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Chantal Berthelot fait part à M. le ministre de l'éducation nationale de la grande inquiétude des enseignants et des parents d'élèves de la Guyane, concernant la prochaine rentrée scolaire, qui sera marquée par la politique annoncée de restriction budgétaire, de suppression de postes d'enseignants (près d'une trentaine pour le premier et le second degré) et de l'augmentation des heures supplémentaires. Cela se traduira par des classes et des options en moins, alors que les effectifs sont en constante augmentation depuis plusieurs années : près de 9 000 élèves supplémentaires en cinq ans, soit une moyenne de 1 800 élèves par an. Cette situation amplifiera le sureffectif d'élèves dans les classes, et l'impossibilité d'un suivi individualisé extrêmement nécessaire au regard de la structure socioculturelle de la population scolaire qui entraîne des difficultés particulières de scolarisation. Les statistiques montrent que lors de leur entrée en sixième et en troisième, les élèves attestent d'un niveau faible en mathématiques et français, que le taux d'accès au baccalauréat est bien inférieur à la moyenne nationale, et qu'un nombre important d'enfants (environ 2 500) reste non scolarisé. Ces problèmes perdurent malgré l'important effort de constructions d'établissements par les collectivités locales seules. Les mesures prévues sont non seulement contradictoires avec les grandes orientations prioritaires pour la rentrée 2008, présentées dans la circulaire ministérielle, mais elles s'opposent au respect du principe d'un égal accès pour tous à un enseignement de qualité. C'est pourquoi elle lui demande quelles réponses précises il compte apporter à cette situation difficile, voire explosive, s'agissant, d'une part, du nombre de postes d'enseignants et de la rénovation de filières, et d'autre part, de l'accompagnement financier de l'État dans les constructions scolaires et les premiers équipements des établissements.
Réponse en séance, et publiée le 14 mai 2008
MOYENS DE L'ENSEIGNEMENT EN GUYANE
M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour exposer sa question, n° 258, relative à la suppression de postes d'enseignants en Guyane.Mme Chantal Berthelot. Permettez-moi, d'abord, monsieur le président, de saluer les belles petites têtes qui nous regardent du haut des tribunes, puisque c'est un sujet qui les touche, au-delà de la Guyane.
Madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, la prochaine rentrée scolaire en Guyane sera marquée, comme partout ailleurs, par la politique annoncée de restriction budgétaire, de suppression de postes d'enseignants et d'augmentation du nombre d'heures supplémentaires. Au moins une trentaine de postes manqueront au premier et au second degré dans des disciplines aussi fondamentales que les mathématiques, les lettres modernes et les langues vivantes. Cela se traduira inéluctablement par des classes et des options en moins, l'amplification des sureffectifs d'élèves dans les classes, la détérioration du rapport entre heures d'enseignement et nombre d'élèves calculé en fonction des heures réellement allouées aux établissements du secondaire, l'impossibilité d'un suivi individualisé et l'absence de prise en compte des besoins pour assurer un enseignement de qualité.
Cette perspective inquiète et mobilise d'autant plus fortement les enseignants et les parents d'élèves en Guyane que la situation scolaire est particulièrement difficile, notamment dans les bassins des fleuves, Maroni et Oyapock, et de l'Ouest, en raison des particularités de mon département.
La structure socioculturelle et linguistique de notre population scolaire nécessite des réponses adaptées. Un grand pourcentage d'enfants ne sont pas francophones. La forte croissance démographique entraîne la scolarisation de près de 1 800 élèves supplémentaires par an, ce qui suppose la création d'au moins 100 postes d'enseignants annuellement. Deux tiers des élèves sont issus de milieux défavorisés. Dans le bassin de l'Ouest, ils sont 80 % et, dans celui des fleuves, 89 %. Près de 20 % des enfants de sixième ont deux ans de retard. La part de la population de quinze ans et plus sans diplôme est deux fois et demie plus élevée que dans l'hexagone. Le taux d'accès au baccalauréat est de 30 % inférieur à la moyenne nationale.
Cette situation est d'autant plus inacceptable que, pour faire face à la démographie scolaire, les collectivités locales, de leur côté, réalisent un effort soutenu de construction d'établissements en dépit de grosses contraintes financières.
Dès demain, enseignants, parents d'élèves et lycéens se mobiliseront pour revendiquer leur droit à une école qui garantisse réellement l'égalité des chances et à un enseignement de qualité pour tous. À cette fin, ils demandent un nombre de postes d'enseignants, notamment de professeurs titulaires, en adéquation avec les besoins, la formation des enseignants contractuels, la non-augmentation des effectifs par classe, la diversification des options au bac et la rénovation des filières. Ils refusent les heures supplémentaires annualisées qui, mises bout à bout, pourraient donner lieu à des créations de postes.
Nous attendons des réponses concrètes à ces demandes légitimes. Nous souhaitons par ailleurs un accompagnement financier de l'État pour les constructions scolaires et les premiers équipements des établissements.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la députée, Xavier Darcos m'a priée de vous communiquer sa réponse ; elle sera concentrée sur la Guyane, sans entrer dans le détail des chiffres concernant l'ensemble de l'éducation nationale, même s'ils pourraient aussi intéresser les élèves présents dans les tribunes, qui viennent sans doute de départements métropolitains.
Depuis la création de l'académie en 1996, le ministère de l'éducation nationale a toujours engagé les moyens nécessaires pour assurer la mission éducative en Guyane, qu'il s'agisse du nombre de postes ou des constructions scolaires. Ainsi, pour la rentrée 2008, l'académie de Guyane a reçu une dotation répondant à ses besoins : vingt postes supplémentaires dans le premier degré, aucune suppression de postes dans le second degré et une dotation majorée en heures supplémentaires. Tout est réuni pour accueillir dans de bonnes conditions les élèves à la rentrée prochaine.
Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale s'attache, en partenariat avec le secrétariat d'État à l'outre-mer, à trouver des solutions optimales pour financer les investissements qui relèvent des collectivités.
Comme vous le soulignez, il est essentiel d'apporter un soutien personnalisé aux élèves les plus en difficulté. C'est précisément l'objectif de Xavier Darcos depuis un an.
Ainsi, ce sont 800 élèves guyanais de primaire qui ont bénéficié et bénéficient encore aujourd'hui, pendant les vacances de Pentecôte, de stages de remise à niveau. En modules de trois heures par jour pendant cinq jours, par groupes de six, les élèves revoient et approfondissent des leçons de français et de mathématiques. Ce soutien individualisé permet un suivi personnalisé de l'élève avant son entrée en sixième. Rappelons que, pour certains enfants, le français n'est pas la langue maternelle.
En outre, l'accompagnement éducatif mis en place dans les douze collèges du réseau Ambition réussite pour accueillir les élèves après les cours, entre seize heures et dix-huit heures, a été étendu à dix-sept autres établissements, dont deux lycées, hors éducation prioritaire. Ainsi, ce sont près de 80 % des établissements de l'académie qui proposent ce dispositif.
Enfin, le rectorat anime de nombreux projets pédagogiques innovants qui permettent de mener des expérimentations adaptées aux spécificités du territoire guyanais. Le partenariat avec le CNES, " les Pirogues du fleuve " ou les visites de la base spatiale de Kourou favorisent la découverte des sciences et de la culture scientifique.
Xavier Darcos voulait ainsi vous rappeler, madame la députée, l'importance du soutien très normalement apporté par l'État à la qualité du service éducatif en Guyane.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Merci, madame la secrétaire d'État, pour les réponses que vous m'avez données au nom du ministre.
Cela dit, à une situation particulière, il faut une réponse particulière. Les expérimentations ne sont pas suffisantes et il faudrait aller plus loin.
En Guyane, trop de jeunes ne sont pas scolarisés. Le nombre de ceux qui ont un niveau correct en sixième, de ceux qui ont le bac ou sont diplômés est beaucoup trop bas par rapport à la moyenne nationale. L'effort de formation doit donc être à la hauteur du défi : 50 % de la population guyanaise a moins de vingt-cinq ans et 35 % moins de quinze ans.
Des efforts sont réalisés, mais ils ne sont pas suffisants au regard des besoins. C'est plus de vingt postes supplémentaires que nous aurions dû avoir dans le premier degré. Je prends donc note de votre réponse, les parents d'élèves et les enseignants aussi, mais ce sera malheureusement insuffisant.
Auteur : Mme Chantal Berthelot
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mai 2008