incapables majeurs
Question de :
M. Frédéric Reiss
Bas-Rhin (8e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Frédéric Reiss attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les inquiétudes suscitées par certains aspects du projet de loi sur la réforme des tutelles. En Alsace du nord, il existe une association des tuteurs et gérants de tutelle près le tribunal d'instance de Haguenau : celle-ci a souscrit une assurance qui couvre l'ensemble des membres ; à travers la mise en place de fiches techniques et d'échanges réguliers, elle permet également une formation des tuteurs. Son exemplarité est accentuée par l'importance accordée au contact avec les majeurs protégés concernés. De plus, à l'inverse des structures professionnelles, un tel fonctionnement n'implique qu'un coût limité pour la personne concernée, à travers les frais et émoluments, et aucune charge pour la collectivité. Dans le cadre de son rapport sur la réforme à venir, le député Émile Blessig a d'ailleurs eu l'occasion d'apprécier le bon fonctionnement de cette structure. Dans ces circonstances, la professionnalisation mise en place par la réforme suscite des interrogations et des inquiétudes. Les membres de cette association, dont la majorité sont retraités, ne souhaitent pas basculer dans un régime de profession libérale ; pourtant leur compétence et leur engagement au service des protégés sont très appréciés, tant par les personnes concernées, qui ne se sentent pas abandonnées, que par le juge responsable de ce service. Ces gérants de tutelle s'interrogent aujourd'hui sur la possibilité de poursuivre leur activité avec le statut de bénévole. Dans cette optique, ils souhaitent également savoir si la mise en place d'une procédure de validation des acquis de l'expérience est envisagée afin d'intégrer les tuteurs actuels dans le nouveau système. Connaissant la qualité du travail effectué par les personnes concernées, il souhaite se faire l'écho de leur préoccupation et voudrait plus généralement connaître sa position sur la possibilité du maintien de telles structures, en parallèle au personnel professionnel qui sera mis en place. L'aspect humain plaide pour une telle solution ; la limitation des coûts semble en faire une exigence.
Réponse en séance, et publiée le 28 mai 2008
CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME DES TUTELLES
SUR L'ASSOCIATION DES GÉRANTS DE TUTELLE EN ALSACE
M. Frédéric Reiss. Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, je souhaite vous faire part des inquiétudes suscitées par la professionnalisation des mandataires judiciaires, à la suite du projet de loi sur la réforme des tutelles.
En Alsace du Nord, l'association des tuteurs et gérants de tutelle près le tribunal d'instance de Haguenau me semble exemplaire à plus d'un titre. Non seulement elle a souscrit une assurance qui couvre l'ensemble de ses membres, mais elle permet la formation de tuteurs, à travers la mise en place de fiches techniques et d'échanges réguliers. L'importance accordée au contact avec les majeurs protégés concernés, sans contrainte d'horaires définis, mérite en outre d'être relevée. À l'inverse des structures professionnelles, son fonctionnement n'implique qu'un coût limité pour la personne concernée, pour ce qui est des frais et émoluments, et aucune charge pour la collectivité. Dans le cadre de son rapport sur la réforme de la protection juridique des majeurs, le député Émile Blessig a d'ailleurs eu l'occasion d'apprécier le bon fonctionnement de cette structure.
Dans ces conditions, la professionnalisation mise en place par la réforme suscite des interrogations et des inquiétudes. Les membres de cette association, pour la plupart retraités, ne souhaitent pas basculer dans un régime de profession libérale. Leurs compétences et leur engagement au service des protégés sont très appréciés tant par les personnes concernées et leur entourage que par le juge responsable de ce service. Aujourd'hui, ces gérants de tutelle s'interrogent sur la possibilité de poursuivre leur activité avec le statut de bénévole. Ils sont prêts à suivre des formations et souhaitent savoir si une procédure de validation des acquis de l'expérience permettra d'intégrer les tuteurs actuels dans le nouveau système.
J'ai pu personnellement apprécier la qualité du travail effectué par cette association de tuteurs et de gérants de tutelle. Aussi, je souhaite me faire l'écho de la préoccupation de ses membres et voudrais plus généralement connaître la position du Gouvernement sur la possibilité de maintien de telles structures, parallèlement au personnel professionnel. L'aspect humain plaide pour une telle solution.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le député, pour répondre aux inquiétudes que vous venez de formuler, je souhaiterais vous apporter les précisions suivantes.
À compter du 1er janvier 2009, la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs entrera en vigueur. Comme votre question a trait aux conditions d'intervention des associations de tuteurs et curateurs dans le nouveau dispositif, je tiens à vous préciser que toute personne qui souhaite exercer, en son nom propre, l'activité de tuteur ou de curateur, doit être inscrite sur la liste départementale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et bénéficier préalablement d'un agrément délivré par le préfet de département après avis conforme du procureur de la République.
Cet agrément sera accordé si trois critères sont réunis : premièrement, l'agrément doit être compatible avec un schéma élaboré par le préfet de région afin de mieux répartir l'offre de services au sein de la région ; deuxièmement, le candidat doit satisfaire aux conditions de moralité, d'âge, de formation certifiée par l'État et d'expérience professionnelle ; troisièmement, il doit justifier de garanties des conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile en raison des dommages subis par les personnes protégées, en contractant, par exemple, une assurance en responsabilité civile professionnelle.
Si, et c'est le sens de votre question, c'est une association qui intervient, elle devra obtenir l'autorisation du préfet de département de créer un service " mandataire judiciaire à la protection des majeurs ". Le directeur de ce service devra satisfaire à des conditions particulières de qualification, et les membres de l'association qui exerceront la tutelle ou la curatelle des majeurs devront satisfaire à des conditions de moralité, d'âge, de formation certifiée par l'État et d'expérience professionnelle. Ces personnes pourront donc exercer une activité bénévole si elles satisfont à ces conditions.
Sur la question plus particulière de la formation qui concerne les personnes qui exercent des tutelles ou curatelles aussi bien au sein d'une association qu'à titre individuel, il est nécessaire que celles-ci complètent les connaissances acquises lors de leurs études ou grâce à leur expérience professionnelle par une formation d'adaptation à l'exercice des mesures de protection.
Le ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité réunit depuis juillet 2006 les représentants des différents acteurs concernés - juges, professionnels, fédérations d'associations tutélaires, syndicats d'employeurs et de salariés, établissements de formation - afin d'élaborer les projets de référentiels relatifs à cette formation complémentaire. Il est envisagé de délivrer un certificat national de compétence à l'issue de la formation. Comme il ne s'agit pas d'un diplôme, il ne peut être envisagé de validation des acquis de l'expérience. Toutefois, l'expérience professionnelle sera prise en compte pour déterminer les modules de formation qui seraient nécessaires pour se conformer aux nouvelles exigences d'exercice ainsi qu'aux nouvelles missions et responsabilités des mandataires.
Les personnes exerçant actuellement des mesures de protection, y compris à titre bénévole, devront elles aussi satisfaire à ces nouvelles conditions d'exercice et suivre, le cas échéant, la nouvelle formation complémentaire.
Il sera tenu compte de leur expérience, de leur qualification et de la qualité de leurs prestations. Les personnes qui ne pourront justifier d'une expérience ou d'une qualification suffisante au regard des obligations nouvelles prévues par la loi ne pourront pas suivre la formation complémentaire leur permettant d'exercer des mesures de protection juridique. Elles pourront alors assister, à titre bénévole ou professionnel, les personnes habilitées à exercer des mesures de protection et se voir confier des tâches correspondant à leur expérience et à leur niveau de qualification.
Dès lors qu'elles s'inscriront dans ce cadre de formation, les structures que vous envisagez auront vocation à poursuivre leur activité. Je veillerai à ce qu'elles bénéficient d'un véritable accompagnement dans l'évolution du dispositif de la protection des majeurs vulnérables.
Auteur : M. Frédéric Reiss
Type de question : Question orale
Rubrique : Déchéances et incapacités
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Travail, relations sociales, famille et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 2008