protection
Question de :
Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Delphine Batho interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur le classement du marais poitevin en parc naturel régional. Deuxième zone humide de France, le marais poitevin représente un patrimoine écologique, culturel et économique exceptionnel. Il est menacé par la dégradation de la zone humide et la diminution des surfaces enherbées, ce qui avait entraîné en 1996 la perte du label parc naturel régional attribué en 1979. En 1999, la dégradation de la zone humide avait également fait l'objet d'une condamnation européenne qui a été suspendue en 2005 en raison des engagements pris par l'État, parmi lesquels figurait la refondation du parc naturel régional, objectif inscrit dans le « protocole d'accord pour le plan d'action pour le marais poitevin » signé par l'État avec les collectivités locales concernées en 2003. En 2005, les régions Pays de Loire et Poitou-Charentes ont établi un projet de charte constitutive. Amendé après consultation de l'État et de tous les partenaires concernés, celui-ci a recueilli un avis favorable sans réserve lors de l'enquête publique puis a été approuvé par 53 communes. Le projet de charte se trouve donc dans sa dernière phase d'instruction ministérielle. Cependant, par courrier du 19 février dernier au préfet coordinateur, le ministre a fait savoir, sans procéder aux consultations prévues à l'article R. 333-9 du code de l'environnement, qu'il ne lui paraissait « pas opportun de poursuivre le projet ». Néanmoins, il a depuis fait état dans diverses déclarations de sa volonté de trouver une solution afin que le marais poitevin soit classé parc naturel régional, conformément aux objectifs inscrits dans le Grenelle de l'environnement concernant la protection de la biodiversité. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui indiquer dans quel délai le dossier va être transmis au Conseil national de protection de la nature et à la Fédération des parcs naturels régionaux de France afin de recueillir leurs avis, conformément aux dispositions du code de l'environnement.
Réponse en séance, et publiée le 4 juin 2008
CLASSEMENT DU MARAIS POITEVIN
EN PARC NATUREL RÉGIONAL
Mme Delphine Batho. Madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, compte tenu des objectifs ambitieux fixés par le Grenelle de l'environnement en matière de protection de la biodiversité, ma question porte sur la position du Gouvernement quant à la procédure de classement du marais poitevin en parc naturel régional.
Deuxième zone humide de France, le marais poitevin constitue un patrimoine exceptionnel et unique - écologique, paysager, mais aussi culturel et économique. Or, ces espaces reposent sur un équilibre fragile et menacé et un projet de territoire fondé sur leur sauvegarde est donc une absolue nécessité. C'était la mission du parc naturel régional créé en 1979, mais la diminution des surfaces enherbées a entraîné la perte de ce label en 1996.
La dégradation de la zone humide a également donné lieu en 1999 à une condamnation européenne pour non-respect de la directive " Oiseaux ". Suite à cette condamnation, l'État a présenté en 2002 un plan d'action pour le marais poitevin, qui prévoyait notamment la refondation d'un parc naturel régional.
Les deux régions Poitou-Charentes et Pays de la Loire se sont engagées dans la rédaction d'une nouvelle charte. Ce projet a été relancé en 2004 et a fait l'objet d'une large concertation. Il a été amendé par l'État, le CNPN et la Fédération des parcs naturels régional. L'enquête publique s'est conclue par un avis favorable sans réserve. Le projet de charte a ensuite été approuvé par 53 communes, soit la majorité de celles qui sont concernées par le périmètre du futur parc naturel régional.
Nous attendions les suites de cette procédure lorsque, le 19 février, les collectivités concernées ont appris par voie de presse que le ministre d'État, sans avoir procédé aux consultations prévues à l'article R 333-9 du code de l'environnement, avait adressé au Préfet coordinateur un courrier indiquant qu'il ne lui paraissait pas opportun de poursuivre le projet.
Comme vous pouvez l'imaginer, cette suspension de la procédure a profondément heurté la population et les collectivités concernées. Les deux régions et France Nature Environnement ont exprimé leur souhait que la procédure de classement reprenne son cours. Parallèlement, le ministre a indiqué dans différentes déclarations qu'il souhaitait trouver une solution pour que le marais retrouve son label. Force est d'ailleurs de constater que, pour un autre parc naturel régional - la Camargue -, le Gouvernement a su trouver des solutions.
Ma question est donc simple : avez-vous la volonté de faire aboutir la procédure de classement en parc naturel régional du marais poitevin ? Dans quel délai allez-vous transmettre le dossier au Conseil national de protection de la nature et à la Fédération des parcs naturels régionaux de France afin de recueillir leurs avis préalables, comme le prévoit la procédure normale ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame la députée Delphine Batho, le marais poitevin, qui fait l'objet de vos préoccupations, fait aussi l'objet de celles du Gouvernement. Il s'agit d'une zone humide façonnée par l'histoire et par la gestion des communautés locales depuis plusieurs centaines d'années. De nombreuses menaces s'exercent sur ces milieux fragiles, dont une partie a déjà été détruite.
Cela a conduit, depuis 2002, à une action de protection renforcée réglementaire et contractuelle, dans le cadre du plan d'action et de la réponse à la procédure contentieuse communautaire, aujourd'hui suspendue : extension du site Natura 2000, extension du site classé, renforcement des mesures agro-environnementales, mise en place d'une indemnité spécifique pour les prairies humides du marais. Le ministre d'État a d'ailleurs reçu longuement M. Auxiette à ce sujet, et j'ai moi-même rencontré, au cours de l'année passée, les différentes parties concernées.
La refondation du parc naturel régional figure parmi les mesures prévues dans le plan d'action gouvernemental, adopté en 2002, dont l'objectif premier est la reconquête de la qualité environnementale du marais poitevin par tous les moyens, la refondation du parc naturel régional devant couronner cette reconquête. C'est dans cette perspective que les régions et le syndicat mixte du parc interrégional ont élaboré un projet de charte. Ce travail a été fait en collaboration étroite avec les services du ministère de l'écologie. La qualité du projet et de la concertation a permis au dossier de franchir toutes les étapes de la procédure. Ainsi, après une enquête publique qui a abouti à un avis favorable tout en soulignant l'opposition de certains acteurs locaux, notamment socioprofessionnels, les deux régions ont engagé une consultation pour recueillir l'accord des collectivités territorialement concernées, comme le prévoit le code de l'environnement. C'est là qu'il y a eu un problème, puisque, à l'issue de cette consultation, quarante-deux communes sur les quatre-vingt-quinze concernées, ainsi que certains établissements publics de coopération intercommunale, ont délibéré contre l'adoption de la charte, et, par conséquent, contre l'adhésion au futur parc. Deux conseils généraux ont aussi émis des réserves plus ou moins fortes sur ce projet, et, surtout, le troisième a émis un avis défavorable.
Une démarche de concertation et de pédagogie est donc encore nécessaire pour emporter l'adhésion de tous, ce qui est absolument indispensable pour recréer un parc naturel régional dans des conditions qui garantissent à la fois la cohérence territoriale - nous ne voulons pas d'un parc en peau de léopard -, la qualité du projet et une gouvernance efficace. En effet, vous le savez, le parc naturel régional, ce bel outil, est fondé sur le principe de libre accord des collectivités et exige un périmètre cohérent au regard du patrimoine naturel, ce qui n'est pas garanti si une moitié des collectivités refusent de s'y joindre. De plus, sans l'accord de tous, le parc aurait une assise juridique fragile. Vous avez cité l'exemple de la Camargue : cette fragilité juridique est un des problèmes que nous avons rencontrés en travaillant sur le parc naturel régional de Camargue, qui a fait l'objet de presque dix ans de bataille juridique à cause du désaccord entre partenaires. Avec les désaccords, il y a toujours des risques d'erreurs juridiques qui peuvent conduire au pire, c'est-à-dire à la perte de la protection, ou, en l'occurrence, à l'échec de la tentative de remettre en place la protection et le label.
Bref, nous considérons que ce territoire remarquable mérite un classement satisfaisant. Mais nous considérons aussi que les conditions ne sont pas complètement réunies à ce jour. C'est pourquoi je souhaite que les deux conseils régionaux, Poitou-Charentes et Pays de la Loire, en lien avec l'ensemble des collectivités concernées, reprennent leur travail partenarial et puissent nous proposer une charte qui recueille une plus large adhésion, tout en restant naturellement de qualité.
Nous resterons très vigilants, Jean-Louis Borloo et moi, sur le respect des principes et des exigences figurant dans le plan gouvernemental de 2002, qui a été notifié à la Commission européenne. Notre objectif reste le même : remplir entièrement les objectifs de ce plan.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie tout d'abord d'être présente pour me répondre.
Je veux bien croire à l'attachement du Gouvernement pour ce dossier, mais nous jugerons sur les actes, et je dois vous dire que j'attendais une autre réponse. Vous le savez très bien, la protection de l'environnement n'est pas un sujet consensuel, et elle doit parfois se heurter à certains intérêts. Refaire une nouvelle charte voudrait dire perdre de nouveau cinq ans. En outre, pour qui et pour quoi la refaire ? Pour une minorité qui cherche à tirer vers le bas les objectifs du parc ? Nous considérons que c'est au Conseil national de protection de la nature et à la Fédération des parcs naturels régionaux d'apprécier la qualité de la charte proposée, sur la base de laquelle le classement pourrait être opéré dès aujourd'hui.
Quant à la fragilité juridique que vous évoquez, je constate que cinquante-trois communes sur quatre-vingt-quinze, c'est une majorité. Certes, on ne peut pas forcer celles qui n'ont pas adhéré à la charte à soutenir le projet de parc naturel régional. Mais on ne peut pas non plus empêcher des collectivités qui ont la volonté de mettre en place un projet de développement de le mener à bien. Je rappelle que les cinquante-trois communes et les deux régions représentent 80 % de la population concernée par le périmètre. Une concertation doit prochainement avoir lieu entre l'État et les deux régions concernées. J'ose espérer que le Gouvernement reverra d'ici là sa position car il est tout à fait possible, sur les bases de la charte actuelle et en toute sécurité juridique, de rédiger le décret de classement.
Auteur : Mme Delphine Batho
Type de question : Question orale
Rubrique : Environnement
Ministère interrogé : Écologie, énergie, développement durable et aménagement du territoire
Ministère répondant : Écologie, énergie, développement durable et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 2008