Question orale n° 312 :
armée de terre

13e Législature

Question de : M. Jacques Domergue
Hérault (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jacques Domergue alerte M. le ministre de la défense sur les grandes options stratégiques et les restructurations à réaliser sur le territoire national contenues actuellement dans le « Livre blanc » de notre défense. La chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide ont grandement modifié les sites potentiels de conflit. Le danger n'est plus à l'est et les sites de conflits potentiels sont aujourd'hui tournés vers la Méditerranée, le Proche-Orient et les territoires africains. Nos bases militaires sont encore trop souvent situées dans des régions qui ne seront plus concernées. Bien qu'il comprenne parfaitement les enjeux d'aménagement du territoire, une adaptation efficace de nos armées à la situation actuelle justifie des changements stratégiques. Montpellier, ville de garnison, abrite deux écoles que sont l'école supérieure militaire d'administration et de management (EMSAM) anciennement dénommée commissariat de l'armée de terre, qui abrite 300 personnels permanents, et l'école d'application de l'infanterie (EAI) où travaillent 600 permanents, et qui forme chaque année 4 600 fantassins. Parfaitement intégrés dans la vie de la cité, ces établissements et leurs effectifs contribuent à l'activité économique et sociale de Montpellier. Plusieurs options semblent actuellement à l'étude. Comme le préconise le Livre blanc, le regroupement de ces deux écoles sur le site unique de l'EAI et des quelques unités de la ville (recrutement et DMD) pourrait permettre d'arriver au seuil nécessaire de 1 000 personnels, avec le souci de rationaliser les moyens des armées par la vente du site de l'EMSAM. Si cette solution ne correspondait pas à celle qu'il retient et si les deux écoles étaient amenées à être délocalisées, sur des sites différents, à Draguignan pour l'EAI et Coëtquidan pour l'EMSAM, quelles solutions envisage-t-il pour les sites de Montpellier ? La logique voudrait que le site de l'EAI soit dévolu à l'arrivée d'un ou plusieurs régiments, qui pourrait utiliser le centre d'entraînement de l'infanterie au tir opérationnel du Larzac et le camp des Garrigues, situé à proximité, comme terrain d'entraînement. Aussi il le remercie de la réponse qu'il pourra lui apporter et il l'assure de toute sa disponiblité pour les solutions qu'il serait amené à étudier.

Réponse en séance, et publiée le 4 juin 2008

RESTRUCTURATION DES DEUX ÉCOLES
MILITAIRES DE MONTPELLIER

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue, pour exposer sa question, n° 312, relative à la restructuration des deux écoles militaires de Montpellier.
M. Jacques Domergue. Nous sommes tous d'accord pour que le pays se réforme et que des restructurations aient lieu. Comme vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d'État chargé de la défense et des anciens combattants, nous faisons preuve d'un esprit positif. Même si le livre blanc n'a pas encore été publié - le Président de la République ne devant s'exprimer à ce sujet que le 17 juin - nous commençons à avoir quelques éléments d'informations concernant les restructurations à venir.
Celles-ci - c'est du moins ce qui nous a été dit - visent à la cohérence et à un meilleur équilibre. Personne ne peut être contre ! Il est nécessaire de procéder à des regroupements, car, depuis que le service militaire a été supprimé et que nous avons une armée de métier, l'évolution n'a pas été assez rapide et nous avons aujourd'hui trop de secteurs et de pôles militaires, qu'il faut réorganiser.
Il convient aussi de prendre en compte la localisation des conflits potentiels pour répartir au mieux les secteurs militaires sur l'ensemble de notre territoire. Jusqu'à présent, l'essentiel de nos forces était concentré sur la frontière orientale de la France, et ce, à juste titre puisque, jusqu'en 1989, la menace à l'est était réelle. Cependant les choses ont changé, avec la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide. Les sites de conflits potentiels se situent désormais sur le pourtour méditerranéen, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Afrique noire. À cet égard, la ville de Montpellier est particulièrement exposée.
Celle-ci abrite aujourd'hui deux écoles. L'EAI - l'école d'application de l'infanterie - héberge 600 personnels permanents et forme chaque année 4 600 fantassins. Des investissements lourds ont été consacrés à ce site et nous avons pu, lors d'une visite, y voir des simulateurs, récemment installés. L'EMSAM - l'école militaire supérieure d'administration et de management - compte 250 à 300 personnels permanents, et peut, elle aussi, être restructurée. On parle de transférer ces deux écoles sur d'autres sites, comme Coëtquidan, Draguignan ou Saumur et leur sort semble scellé. Pourtant, elles pourraient être regroupées sur l'un des deux sites existants, ce qui permettrait à l'armée de revendre un foncier de grande valeur.
Une autre solution, compréhensible sur le plan militaire, avait été envisagée. Si le transfert des deux écoles était avéré, les équipements et les bâtiments du site de Montpellier permettraient d'accueillir un ou plusieurs régiments, auxquels ils offriraient une excellente qualité de vie et la possibilité d'être installés à proximité de la frontière méditerranéenne.
Or on entend dire aujourd'hui que Montpellier peut perdre entre 900 et 1 000 militaires, qui vont être transférés, et ce, probablement, sans aucune compensation. Je parle aujourd'hui en tant que parlementaire élu de Montpellier, mais également au nom de mes collègues élus, eux aussi, de cette région, qui se sont exprimés à ce sujet et soutiennent notre action. Nous avons sollicité Mme la maire de Montpellier afin qu'elle soutienne ce projet, mais, contrairement au maire de Nîmes, elle n'a pas daigné répondre à notre demande. Compte tenu du prix du foncier et des possibilités de reconversion, la municipalité a en effet tout intérêt à récupérer trente-cinq hectares sur le site de l'EAI et quinze hectares sur celui de l'EMSAM !
Il est donc très difficile, pour nous, parlementaires locaux, d'accepter ces restructurations, même si nous en comprenons la cohérence. Je souhaite donc savoir quelle compensation vous comptez proposer, car les discours sont parfois discordants : d'un côté, le Président de la République dit que l'armée n'est pas faite pour organiser l'aménagement du territoire ; de l'autre, les ministres concernés affirment en tenir compte pour maintenir ou non un régiment ou une école, En fin de compte, Montpellier n'étant pas considérée comme un secteur à aménager, nous ne serions pas du tout desservis !
Je vous rappelle au passage que Montpellier fait partie des villes françaises où le taux de chômage est l'un des plus élevés et où le pouvoir d'achat est l'un des plus faibles. Certes, les conditions de vie y sont très agréables, mais ce n'est pas une raison suffisante : la présence des militaires et leur activité secondaire sont indispensables à la vie de notre cité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Ayant vécu moi-même, en tant que maire d'une ville dite " prospère ", il y a une quinzaine d'années, les conséquences - et les opportunités - d'un tel transfert, je comprends parfaitement, monsieur le député, vos arguments. Je ne reprendrai pas ce que vous avez fort bien dit vous-même sur ces deux écoles, sur les emplois civils et militaires qu'elles génèrent ou sur les stagiaires qu'elles accueillent.
Ces deux établissements participent aujourd'hui au soutien des services et des armées dans le domaine de la formation. C'est pourquoi la question de leur devenir s'inscrit naturellement dans la réflexion qui a été engagée sur un éventuel regroupement des différentes écoles de l'armée de terre afin de réduire leurs structures administratives et de les rapprocher des grands centres d'entraînement. Pour autant, aucune décision n'a été prise sur ce point comme sur l'ensemble des redéploiements des unités militaires.
La concertation engagée avec les associations nationales d'élus locaux et les parlementaires concernés permettra de recueillir certains éléments d'informations et de confronter les arguments pour mieux consolider les dossiers en cours d'instruction.
La réflexion tiendra compte de la situation spécifique de chaque territoire. Bien entendu, les territoires ruraux défavorisés ne sont pas les seuls à souffrir lorsque des restructurations sont entreprises. Les territoires urbains ont également besoin d'un diagnostic partagé avec l'État, le cas échéant avec l'aide de la mission pour la réalisation des actifs immobiliers ou d'autres organismes. Une vision consolidée, interministérielle est nécessaire pour leur permettre d'apporter les meilleures réponses possibles à ces départs - s'ils viennent à être décidés, ce qui n'est pas encore le cas en l'espèce - et de parvenir à faire d'un mal un bien.
Aucune ville n'est supposée trop favorisée pour bénéficier d'un soutien de l'État ; tous les territoires méritent notre attention et un dialogue avec leurs élus. Vous serez d'ailleurs reçu vous aussi par le ministre de la défense.
M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.
M. Jacques Domergue. Si la cohérence est respectée, nous nous plierons aux restructurations, car nous pouvons comprendre la nécessité de regrouper ces écoles dans un autre secteur. Néanmoins je rappelle que nous disposons d'un site exceptionnel pour accueillir l'armée. Le Gouvernement fait un choix cohérent s'il admet qu'il faut placer les forces en face des lieux potentiels de conflit. En revanche s'il renonce à cette cohérence au nom de l'aménagement du territoire, les élus se mettront en travers de son projet.

Données clés

Auteur : M. Jacques Domergue

Type de question : Question orale

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : Défense

Ministère répondant : Défense

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 2008

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