désarmement
Question de :
M. François Rochebloine
Loire (3e circonscription) - Nouveau Centre
M. François Rochebloine attire l'attention de M. le Premier ministre sur la nécessité de compléter le dispositif d'interdiction des mines antipersonnel. La campagne de lutte contre les mines antipersonnel avait trouvé en France un point d'appui important avec le vote de la loi du 8 juillet 1998 (n° 98-564) laquelle a permis notamment la création de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel (CNEMA). S'inscrivant dans le processus initié et validé à Ottawa, avec la signature, le 3 décembre 1997, de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, cette loi a placé en effet la France dans le peloton de tête des pays qui participent à l'éradication du fléau que sont les mines antipersonnel. Plus largement, il observe que notre pays s'est clairement positionné en ce domaine en faveur de l'émergence d'un droit humanitaire international et d'une amélioration de la protection des populations civiles. Depuis son installation en 1999, la CNEMA a réalisé, dans son rôle de transparence, un important travail dans le champ de compétence que lui a confié la loi de 1998. Cependant, avec le développement de nouvelles catégories d'armes qui ont les mêmes fonctions et se comportent comme des mines antipersonnel, les « sous-munitions », il est nécessaire aujourd'hui de prolonger cet engagement. Or, la CNEMA n'a pu pousser davantage ses réflexions et élargir le champ de ses investigations, du fait d'un encadrement strict de ses attributions et de sa mission. Après les résultats encourageants de la très récente conférence de Dublin, au cours de laquelle la France a pris l'engagement, comme un certain nombre d'autres pays, «de contribuer à la dynamique qui est lancée», et l'adoption d'une nouvelle convention internationale, il est indispensable que l'effort international en faveur de l'interdiction complète de ce véritable fléau pour les populations civiles que sont les armes à sous-munitions se traduise concrètement dans les meilleurs délais. Aussi, il le remercie de bien vouloir lui faire un point détaillé sur l'état d'avancement de cet important dossier et de lui indiquer si un élargissement des compétences de la CNEMA est envisagé.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2008
COMPÉTENCES DE LA COMMISSION NATIONALE POUR L'ÉLIMINATION DES MINES ANTIPERSONNEL
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question, n° 326, relative aux Compétences de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel.M. François Rochebloine. Du 16 au 30 mai dernier s'est tenue, à Dublin, une conférence internationale sur l'interdiction des bombes à sous-munitions, des armes ayant des effets destructeurs comparables à ceux des mines antipersonnel, dont l'interdiction a été consacrée par la signature, le 3 décembre 1997, de la convention internationale dite d'Ottawa. Je fais volontairement le parallèle entre ces deux événements qui marquent chacun à leur tour une avancée indéniable pour la prise en compte des populations civiles dans les conflits, même si nous savons qu'il convient d'être modeste, tant ces progrès peuvent paraître dérisoires par rapport à l'immensité de la tâche qu'il reste à accomplir pour bannir les guerres et leur cortège de malheurs pour les victimes civiles.
Nous pouvons bien évidemment nous réjouir que la France se soit systématiquement positionnée dans le camp des pays qui ont oeuvré en faveur de l'émergence d'un droit international des conflits armés, auquel les opinions publiques accordent de plus en plus d'importance.
C'est ainsi que la campagne de lutte contre les mines antipersonnel initiée par des ONG, relayée par quelques institutions Onusiennes, avait trouvé en France un point d'appui important avec le vote de la loi du 8 juillet 1998 - loi n° 98-564 -, laquelle a permis notamment la création de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel - la CNEMA. Cette loi s'inscrivait à la suite du processus initié et validé à Ottawa, avec la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, plaçant ainsi la France dans le peloton de tête des pays engagés contre ce fléau.
Cependant, très vite les observateurs attentifs des conflits se sont rendu compte qu'aussi pertinente soit l'interdiction des mines, bien vite elle serait dépassée ou contournée par l'évolution des technologies utilisées avec de nouvelles armes toujours plus efficaces, plus destructrices et plus faciles d'emploi. Rapidement, nous avons dû nous rendre à l'évidence : d'autres armes existent qui, si elles ne portent pas le même nom, produisent les mêmes effets que les mines antipersonnel. Je veux parler des systèmes d'armes à dispersion et plus précisément de ce que l'on appelle les bombes à sous-munitions, visées spécifiquement par la conférence de Dublin et que je n'ai eu de cesse, à titre personnel, de dénoncer ces dernières armées. Je vous renvoie d'ailleurs à la proposition de loi que j'avais déposée sous la législature précédente, en octobre 2004, et qui visait à compléter le dispositif de contrôle et d'interdiction des mines antipersonnel. En la matière, l'efficacité du droit ne peut reposer que sur la pertinence des définitions et l'adéquation entre la terminologie utilisée et les techniques auxquelles elle renvoie.
Aujourd'hui, reconnaissons que les résultats obtenus par consensus à cette conférence où étaient représentés 111 États sont très encourageants : l'interdiction des BASM, qui entraînent des dommages inacceptables pour les populations civiles, souvent longtemps après la fin des conflits, les engins non explosés au point d'impact restant actifs et pouvant exploser à tout moment, des mois ou des années après le conflit. Ces armes sont particulièrement meurtrières pour les civils, comme l'a montré récemment leur utilisation massive en Irak par les forces de la coalition ou, durant l'été 2006, lors de la dernière intervention d'Israël au Liban.
Spécialement sur ce dernier conflit, où le théâtre d'opération était situé en zone à forte densité de population, le danger de ces armes a été mis en évidence. Comme l'a décrit parfaitement le CICR, " des milliards de sous-munitions imprécises et non fiables sont stockées à travers le monde. Le fléau n'en est donc qu'à ses débuts, il risque bien de devenir encore beaucoup plus grave qu'il ne l'est aujourd'hui. "
Pour empêcher cela, la Coalition contre les sous-munitions - Cluster Munition Coalition, CMC - a appelé fort opportunément les États à conclure d'urgence un nouveau traité qui interdise ces armes, exige l'élimination des stocks existants et prévoie l'enlèvement des sous-munitions non explosées, ainsi que la fourniture d'une assistance aux victimes.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, nous relevons que la France a joué un rôle important dans ce processus. Nous appuyant sur les éléments de ce constat, nous souhaitons qu'il se traduise concrètement dans les meilleurs délais, même si nous sommes conscients qu'il se trouve affaibli par la position intransigeante des grandes puissances - États-Unis, Chine, Russie, Inde, Pakistan, Israël - qui sont restées hélas une fois encore à l'écart !
La France doit donc, sans attendre, traduire dans son droit interne cette nouvelle obligation et en tirer les conséquences en se dotant d'une procédure de contrôle et d'évaluation, sur le modèle de ce qui avait été fait au lendemain de l'adoption de la convention d'Ottawa.
Monsieur le secrétaire d'État, seules des initiatives concrètes permettront de prolonger les engagement pris à Dublin. Dans ce cadre, pourriez-vous nous préciser si l'élargissement des compétences de la CNEMA peut être envisagé dans un délai proche ? Plusieurs arguments militent en effet en faveur de cette solution.
La CNEMA, depuis son installation en 1999, a réalisé, dans son rôle de transparence, un important travail dans le champ de compétences que lui a confié la loi de 1998. A titre personnel, je crois y avoir apporté ma contribution. Avec le développement de nouvelles catégories d'armes, les sous-munitions, qui se comportent lorsqu'elles n'ont pas explosé, comme des mines antipersonnel, il est nécessaire aujourd'hui de prolonger cet engagement. Or la CNEMA n'a pu pousser davantage ses réflexions et élargir le champ de ses investigations, du fait d'un encadrement légal strict de ses attributions et de sa mission.
La CNEMA dispose d'une expérience. Elle est donc apte à se saisir de ce dossier. Aussi conviendrait-il de voter un texte de loi qui étendrait ses compétences au suivi de l'application de la Convention internationale sur les armes à sous-munitions qui sera signée en décembre prochain à Oslo.
Je vous remercie pour les réponses qu'il vous sera possible de m'apporter sur cet important dossier.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, alors que de jeunes élèves viennent assister à nos débats dans les tribunes, vous posez une question légitime et importante sur un éventuel élargissement des compétences de la Commission nationale d'élimination des mines anti-personnel, suite à la récente adoption à Dublin du texte de la convention sur les armes à sous-munitions.
Comme vous l'avez souligné, la France est pleinement engagée dans le développement et le renforcement du droit international humanitaire et de sa mise en oeuvre. En témoigne notamment son application exemplaire des dispositions de la convention d'Ottawa d'interdiction des mines antipersonnel : adoption de textes d'application nationale - loi du 8 juillet 1998 -, création de la CNEMA - décret du 10 mai 1999 -, achèvement des opérations de destruction des stocks et de déminage dans les délais prévus par la convention.
Dans le droit fil de cet engagement pour le développement du droit international humanitaire, la France se réjouit du résultat ambitieux auquel a pu aboutir la Conférence de Dublin : un accord visant l'interdiction de toutes les armes à sous-munitions, définies comme inacceptables au plan humanitaire, et contenant des dispositions nouvelles en matière de dépollution, d'assistance aux victimes et de contrôle de la mise en oeuvre du traité.
Le texte de la convention prévoit notamment l'adoption par les États parties de mesures de mise en oeuvre au niveau national. Les modalités nationales de mise en oeuvre n'ont pas encore été arrêtées et nécessitent des consultations interministérielles.
Si la création d'un organisme de suivi de la mise en oeuvre était envisagée, le recours à la CNEMA serait une hypothèse à examiner avec attention. En effet, cette commission a su, depuis sa création, s'affirmer comme l'enceinte d'un dialogue constructif entre les parlementaires, les représentants du Gouvernement et la société civile autour du suivi de l'application par la France de la convention d'Ottawa. L'expérience acquise pourrait donc être utile dans le cadre du suivi de la future convention sur les armes à sous-munitions. Le recours à la CNEMA supposerait toutefois une révision des textes qui fondent ses compétences. Cette possibilité fera partie des hypothèses à considérer avec soin lors des futures discussions sur la mise en oeuvre de la convention sur les armes à sous-munitions.
Sur cette question cruciale, compte tenu du rôle exemplaire qui a été joué par la France en ce domaine, j'espère que ces éléments répondent à vos préoccupations.
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour ces précisions. Je souhaite simplement que vous donniez très rapidement des indications à la CNEMA pour qu'elle soit un peu moins stricte dans sa réflexion sur les bombes à sous-munitions dénoncées par les ONG et les parlementaires. Je comprends tout à fait que les représentants des ministères soient un peu réservés et s'en tiennent au strict respect de la loi, mais j'aimerais que nous ayons un peu plus de liberté et que nous réfléchissions ensemble à la mise en application, dans un avenir proche, de la convention de Dublin. Cela dit, je remercie encore la France d'avoir agi dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Je vous en donne acte, monsieur le député. Nous ferons tout pour que ces consultations aillent rapidement dans le sens de vos préoccupations, qui étaient d'ailleurs celles du Gouvernement lorsqu'il a ratifié la convention de Dublin.
Auteur : M. François Rochebloine
Type de question : Question orale
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 juin 2008