Question orale n° 356 :
hôpitaux

13e Législature

Question de : M. Jean-Jacques Urvoas
Finistère (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur la restructuration du secteur hospitalier dans le Finistère qui, mise en oeuvre de manière brutale et sans aucune concertation avec les personnels des établissements concernés et les collectivités territoriales, suscite un mouvement de colère d'une ampleur considérable. De fait, pas un jour ne s'écoule sans que les principales artères routières du département ne soient bloquées, sans que les centres villes, à Quimper et Châteaulin notamment, ne soient investis par une foule de manifestants particulièrement irrités. Ce mouvement d'exaspération, soutenu par les Bretons dans leur ensemble, ne se comprend que trop bien. Transfert des allogreffes et de la neurochirurgie pédiatriques de Brest vers Rennes, fermeture envisagée de la maternité et du service chirurgie de l'hôpital de Carhaix au mois de septembre, fermeture des urgences de nuit à Concarneau, sans compter les menaces pesant sur celles de Pont-l'Abbé, inquiétudes aussi quant à l'avenir des hôpitaux de Landerneau, de Quimperlé et de Douarnenez, ; les Finistériens, et notamment les Cornouaillais, peuvent légitimement nourrir de sérieux doutes quant à la volonté de l'État de maintenir dans le département un service public de santé performant. Nous sommes confrontés là à ce qui ressemble fort à une entreprise de déménagement du territoire, d'autant plus mal perçue que les décisions qui l'accompagnent vont souvent à l'encontre des engagements pris antérieurement par les pouvoirs publics. C'est ainsi, par exemple, que le dernier schéma régional d'organisation sanitaire, établi en 2006, garantissait jusqu'en 2010 le maintien des services actifs de l'hôpital de Carhaix, « en raison de l'éloignement de plus de 45 minutes du plateau technique le plus proche ». Le manquement à la parole donnée explique assurément pour une large part l'actuel ressentiment exprimé par les habitants du Centre Bretagne. De fait, le climat de confiance qui devrait théoriquement régir les rapports entre l'État et les territoires est aujourd'hui bien altéré, et des voix, de plus en plus fortes et nombreuses, dénoncent la mise en oeuvre dans le Finistère d'un système hospitalier où deux ou trois établissements deviendraient des structures pivots concentrant notamment les urgences, le reste du département étant peu ou prou transformé en désert médical. C'est dire s'il importe à présent de rétablir le fil d'un dialogue interrompu, afin d'éviter que les malentendus du jour ne deviennent les motifs de débordement du lendemain. Dans cette perspective, M. Bernard Poignant, maire de Quimper, a tenu à lui faire savoir, par courrier en date du 28 mai dernier, qu'il conditionnerait le dépôt de sa candidature à la présidence du Centre Hospitalier Intercommunal à l'obtention d'éclaircissements sur ses intentions en matière d'offre de soins en Cornouaille dans les années futures. Il lui demande à son tour de bien vouloir préciser ses projets dans ce domaine.

Réponse en séance, et publiée le 25 juin 2008

RESTRUCTURATION DU SECTEUR HOSPITALIER
DANS LE FINISTÈRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour exposer sa question, n° 356, relative à la restructuration du secteur hospitalier dans le Finistère.
M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, je vais vous interroger sur la restructuration du secteur hospitalier public dans le Finistère.
Mise en oeuvre de manière brutale, sans aucune véritable concertation avec les personnels des établissements concernés et les collectivités territoriales, elle suscite un mouvement de colère d'une ampleur considérable. Pas un jour ne s'écoule sans que les principales artères routières du département soient bloquées, sans que les centres-villes, à Quimper et à Châteaulin notamment, soient investis par des foules de manifestants particulièrement irrités.
Ce mouvement d'exaspération, soutenu par les Bretons dans leur ensemble, ne se comprend que trop bien. En effet, les Finistériens, notamment les Cornouaillais, peuvent légitimement nourrir de sérieux doutes quant à la volonté du Gouvernement de maintenir dans le département un service public de santé performant : transfert des allogreffes et de la neurochirurgie pédiatriques de Brest vers Rennes, fermeture envisagée de la maternité et du service chirurgie de l'hôpital de Carhaix au mois de septembre, fermeture des urgences de nuit à Concarneau, sans compter les menaces pesant sur celles de Pont-l'Abbé ; il y a aussi des inquiétudes quant à l'avenir des hôpitaux de Landerneau, de Quimperlé et de Douarnenez. Nous sommes confrontés à ce qui ressemble fort à une entreprise concertée d'agression contre l'équilibre sanitaire de nos territoires.
Cette restructuration est d'autant plus mal perçue que les décisions qui l'accompagnent vont souvent à l'encontre des engagements pris antérieurement par les pouvoirs publics. C'est ainsi, par exemple, que le dernier schéma régional d'organisation sanitaire, établi en 2006, garantissait jusqu'en 2010 le maintien des services actifs de l'hôpital de Carhaix " en raison de l'éloignement de plus de quarante-cinq minutes du plateau technique le plus proche ".
Le manquement à la parole donnée explique assurément pour une large part l'actuel ressentiment exprimé par les habitants du Centre-Bretagne. De fait, le climat de confiance qui devrait théoriquement régir les rapports entre l'État et les territoires est aujourd'hui bien altéré. Des voix, de plus en plus nombreuses, dénoncent la mise en oeuvre dans le Finistère d'un système hospitalier ou deux ou trois établissements deviendraient des structures pivots, concentrant notamment les urgences, le reste du département étant peu ou prou transformé en désert médical.
C'est dire s'il importe à présent de rétablir le fil d'un dialogue interrompu. Dans cette perspective, Bernard Poignant, maire de Quimper, vous a écrit, le 28 mai dernier, vous indiquant qu'il conditionnait sa candidature à la présidence du centre hospitalier intercommunal à l'obtention d'éclaircissements sur vos intentions en matière d'offre de soins en Cornouaille dans les années futures. À mon tour, je vous demande de préciser vos projets dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Urvoas, vous m'interrogez sur les recompositions hospitalières dans le département du Finistère. Je veux vous dire que je ne suis mue que par un seul objectif : la qualité des soins. Ces recompositions sont toujours, et avant tout, des évolutions nécessaires.
Vous évoquez trois problèmes très distincts : les allogreffes, l'hôpital de Carhaix et le SMUR de Quimper. Ces trois points méritent des réponses particulières.
Premier point : les allogreffes.
La décision du transfert des activités du service des allogreffes et de la neurochirurgie pédiatrique du centre hospitalier de Brest vers les centres hospitaliers universitaires de Rennes et de Nantes était nécessaire pour assurer la qualité de la prise en charge, comme l'a indiqué, non pas un service du ministère, mais l'Agence de la biomédecine, dans deux avis rendus sur le sujet. Je vous rappelle que, l'an dernier, il n'y a eu qu'un seul cas d'allogreffe pédiatrique réalisée à Brest.
Des associations de parents ont souhaité le maintien des allogreffes pédiatriques au CHU de Brest. Je les ai reçues, j'ai entendu leurs revendications et engagé une large concertation avec les directeurs des centres hospitaliers et des agences régionales de l'hospitalisation de Bretagne et des Pays de la Loire. L'allogreffe proprement dite sera dorénavant pratiquée au centre hospitalier de Rennes car il faut qu'un minimum d'allogreffes pédiatriques soient réalisées pour assurer un bon traitement des enfants, avec des durées d'hospitalisation extrêmement réduites, et suivies d'un retour précoce au CHU de Brest. J'ai demandé au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation de Bretagne d'assurer un suivi attentif de la mise en oeuvre de ce dispositif. Je veillerai en outre à son évaluation régulière.
Je veux que les cas qui justifient une allogreffe pédiatrique soient suivis de la meilleure façon pour la santé des enfants, que les parents soient pris en charge, c'est-à-dire que leurs déplacements soient payés, et leur hébergement assuré. Je tiens à vous dire qu'il n'y a là aucune mesure d'économie, bien au contraire ! Il s'agit uniquement d'une question de sécurité des soins ! Quelle ministre de la santé serais-je si je n'assurais pas cette sécurité des soins ? Pensez-vous qu'en réalisant une allogreffe pédiatrique par an on assure la sécurité du traitement ? S'il y a des médecins présents dans l'hémicycle, je les prends à témoin.
Venons-en à présent à l'hôpital de Carhaix.
Vous appelez mon attention sur la fermeture envisagée de la maternité et du service de chirurgie de l'hôpital de Carhaix. Là non plus, il n'y a aucune carte hospitalière, aucune décision de principe derrière cette mesure. Mais un rapport consacré à cet établissement a montré une situation accablante, il a dénoncé de graves difficultés de recrutement, qui ont par la suite entraîné des difficultés budgétaires puisque le recrutement a été assuré d'une manière pour le moins hasardeuse. Quelle ministre serais-je si je ne reconnaissais pas qu'il est urgent de faire évoluer l'hôpital en transformant sa maternité et en arrêtant une partie de la chirurgie, tout en développant d'autres activités ? Dans un esprit d'ouverture, et pour tenir compte de l'intérêt de la population, j'ai proposé, le 13 juin dernier, la réouverture de l'activité ambulatoire de chirurgie et j'ai décrit mon plan pour l'hôpital de Carhaix. Vous avez noté que ce n'est pas un plan d'économies ; c'est même un plan de développement de nombreuses activités de médecine, avec l'installation d'une hélistation, le développement de lits de gériatrie. Car ce qui menacerait l'hôpital de Carhaix, monsieur le député, ce serait de ne rien faire, de ne pas y assurer des soins de qualité ! Un système hospitalier s'installe dans la sécurité par la gradation des soins.
Enfin, votre question porte sur la fermeture des activités d'urgences de nuit à Concarneau et à Pont-l'Abbé, proposition qui fait partie d'un large débat sur la réorganisation de l'offre des urgences au sein du département du Finistère.
Le schéma régional d'organisation sanitaire, adopté en 2006 et auquel vous avez fait référence, montre un net déséquilibre de la répartition des services mobiles d'urgence et de réanimation - les SMUR - au sein du Finistère. En effet, les huit SMUR doivent être également répartis, volonté qui me paraît relever du bon sens.
Actuellement, il existe six SMUR dans le Nord du département du Finistère et deux seulement dans le Sud. L'agence régionale de l'hospitalisation de Bretagne a confié une mission d'expertise à SAMU de France - c'est-à-dire aux professionnels de santé - afin d'envisager une réorganisation des services d'urgence.
Cette mission prône la fermeture nocturne des services d'urgence à faible activité dans un hôpital à plateau technique limité tel que Concarneau ou Pont-l'Abbé. Il est prévu de renforcer le SMUR de Quimper par une équipe supplémentaire qui sera capable de fournir, lors de la saison touristique, une offre d'urgence de qualité sur les deux sites de Pont-l'Abbé et de Concarneau.
La présente préconisation a fait l'objet d'une large concertation, qui sera suivie, très prochainement, d'une table ronde organisée par le préfet du Finistère. Réunissant les élus, les représentants hospitaliers et libéraux et les organisations syndicales, cette table ronde portera sur le thème de l'organisation des soins dans le département du Finistère.
Devant cette assemblée, je tiens à redire - cela a été mon introduction et ce sera ma conclusion - que je suis la ministre de la qualité des soins et donc de la sécurité des patients, notions qui ne sauraient être comprises séparément. Les restructurations que je propose n'ont qu'un seul but : assurer cette sécurité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la ministre, merci d'être là et d'avoir répondu aussi complètement aux questions que je me suis permis de vous poser. Votre parole manquait sur ce sujet.
Chaque semaine, comme vous le savez, des manifestations sont organisées dans la région. Celle de samedi dernier s'est très mal passée : des élus de la République ont été molestés par les forces de l'ordre, alors qu'ils étaient ceints de leur écharpe tricolore. Une nouvelle manifestation est prévue samedi prochain, et je pense qu'elle ne sera pas agréable pour tout le monde.
Sachant que le préfet du Finistère prévoit d'organiser une table ronde, je vous invite à venir y participer parce que vos réponses, malheureusement, ne rencontrent pas l'assentiment de la population.

Données clés

Auteur : M. Jean-Jacques Urvoas

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Ministère répondant : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 juin 2008

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