Question orale n° 375 :
sans-papiers

13e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Brard
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Jean-Pierre Brard attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité sur la situation des 21 ouvriers sans papiers de l'entreprise Griallet (Montreuil) et des 14 salariés de l'entreprise Sanir et PLMT (aux Pavillons-sous-bois) qui sont en lutte depuis des semaines et, par leur action, ont permis de mettre à jour le scandale social, humain, et écologique que représente l'exploitation actuelle d'une main d'oeuvre immigrée, fragilisée par une succession de lois injustes et inefficaces sur l'immigration. Griallet, comme Sanir-PLMT, sont des entreprises de la démolition et du BTP qui officient depuis de nombreuses années : Pantin puis Montreuil pour Griallet, Pavillons-Sous-Bois, Bondy et Neuilly-Plaisance pour SANIR-PLMT. Les salariés de Griallet comme de Sanir-PLMT attendent que leurs employeurs soient sanctionnés pour les avoir fait travailler dans des conditions contraires au code du travail, sans respecter leurs droits, au contact du plomb et de l'amiante, sans leur remettre les attestations d'exposition afférentes. Ils attendent aussi leur régularisation, après, pour certains d'entre eux, plus de 10 ans d'activité dans leur entreprise. Dans ce contexte, il lui demande quelles mesures concrètes peuvent être prises par le Gouvernement afin que les droits de ces salariés puissent être respectés.

Réponse en séance, et publiée le 8 octobre 2008

RÉGULARISATION DES SALARIÉS DES ENTREPRISES GRIALLET À MONTREUIL ET SANIR-PLMT AUX PAVILLONS-SOUS-BOIS

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour exposer sa question, n° 375, relative à la régularisation des salariés des entreprises Griallet à Montreuil et SANIR-PLMT aux Pavillons-sous-bois.
M. Jean-Pierre Brard. Madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, je réagis au préalable au propos que vous venez de soutenir : puisque vous vous intéressez aux fraudeurs, j'espère que vous allez également vous occuper des grands voleurs, dont l'importance des méfaits devrait plus encore justifier votre engagement.
J'en viens à mon sujet.
Il est rare qu'on s'intéresse ici aux petites entreprises. Grâce à la détermination et à la dignité des salariés de deux d'entre elles, dont je salue la présence dans les tribunes, c'est chose faite ce matin. Je vais donc évoquer la situation de deux entreprises dont les salariés sont en lutte depuis des semaines : bientôt 150 jours pour les salariés de l'entreprise Griallet, à Montreuil. Ils sont victimes d'employeurs - les entreprises Griallet et SANIR-PLMT - qui les faisaient travailler dans le secteur de la démolition sans protections, bien qu'ils soient exposés au plomb et à l'amiante, et en utilisant à l'occasion de faux numéros de sécurité sociale, que j'ai transmis au procureur de la République.
Griallet comme SANIR-PLMT sont des entreprises de démolition et du BTP qui officient depuis de nombreuses années à Pantin et Montreuil pour Griallet, à Pavillons-sous-Bois, Bondy et Neuilly-Plaisance pour SANIR-PLMT. Leurs patrons pensaient pouvoir mettre ces travailleurs en danger impunément, les exploiter sans vergogne en violant le droit du travail. Cette situation inadmissible et inhumaine a motivé mes interventions auprès des ministres de la justice, du travail et de l'immigration, du préfet de Seine-Saint-Denis, du procureur de la République, de la direction départementale du travail, des inspections du travail et des URSSAF compétentes, ainsi qu'auprès de la caisse de retraites et de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, dont j'ai rencontré, il y a moins de deux heures, le président, pour un entretien qui, je l'espère, nous aidera à avancer.
Chez Griallet comme chez SANIR, les ouvriers ont décidé de se mettre en grève et d'occuper les locaux de leur entreprise pour se faire respecter, ce qui passe par la régularisation de ces sans-papiers. Le mouvement s'inscrit dans le cadre plus général des actions initiées à partir d'avril avec l'aide de la CGT par des travailleurs sans papiers réclamant leur régularisation au titre de l'article 40 de la circulaire Hortefeux.
Le patron de Griallet, Jean-Luc Griallet, comme celui de SANIR-PLMT, Roger Kakou, sont d'authentiques voyous, qui ont commis une multitude de délits, que ce soit au regard du code du travail, du code de la sécurité sociale, du code pénal ou du code de l'environnement. Les deux patrons connaissaient la situation irrégulière de leurs salariés, mais ils ont profité de leur " fragilité administrative " pour les exposer sans retenue à des produits hautement cancérigènes, comme le plomb ou l'amiante, les priver de leurs droits élémentaires - paiement des congés ou des heures supplémentaires - et se comporter avec eux comme des esclavagistes, menaçant à tout bout de champ de les licencier et tenant à leur égard des propos racistes. Établissements ou activités salariées non déclarés, faillites frauduleuses, abus de biens sociaux, mensonges, manipulations... la liste de leurs méfaits est longue et loin d'être encore établie de façon exhaustive. Il revient à la justice et aux diverses administrations de les établir et de punir leurs auteurs, conformément à nos lois.
Pour vous convaincre pleinement, madame la secrétaire d'État, j'ai ici, entre les mains, les fac-similés des lettres du Dr Benjamin Sinnasse, médecin du travail, qui atteste que ces salariés ont été exposés à l'amiante et au plomb, sans que jamais aucune précaution n'ait été prise, sans qu'aucune démarche n'ai été entreprise comme l'exige la loi.
Les salariés de ces entreprises ne réclament rien d'autre que la reconnaissance de leurs droits. Ces salariés, pour avoir démasqué des patrons qui violent nos lois, ont droit à notre respect et à notre reconnaissance. En juin 2006, dans un discours intitulé " Pour la France du travail ", Nicolas Sarkozy avait lui-même condamné les patrons voyous et prôné la réhabilitation du travail, laquelle devait passer, selon lui, " d'abord, par une certaine morale " ; j'aurais préféré une " morale certaine " !
Dans le cas des salariés des entreprises Griallet et PLMT, la morale voudrait qu'enfin les demandes légitimes de ces salariés soient entendues. Madame la secrétaire d'État, j'attends de vous, qui venez d'une terre de travail popularisée par le film Bienvenue chez les Ch'tis, une réponse claire à ma question, afin de savoir si les droits de ces salariés seront satisfaits.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le député, en écho à ce que vous évoquiez au début de votre propos, permettez-moi de vous dire que, si nous sommes attentifs à lutter contre les fraudes qui touchent les prestations familiales, c'est non pas pour stigmatiser les uns ou les autres, mais pour que les moyens financiers de la branche famille soient bien affectés à ceux qui en ont le plus besoin, les plus fragiles, et pour faire en sorte que l'ensemble de cette enveloppe soit utilisée dans le respect de la loi. Il ne s'agit donc en aucun cas de réduire les droits de ceux qui perçoivent ces prestations.
Vous avez donc appelé l'attention de M. Xavier Bertrand, que j'excuse une fois encore, sur la situation des 21 salariés sans papiers de l'entreprise Griallet, sise à Montreuil. Je tiens d'abord à vous dire combien le Gouvernement est soucieux de faire respecter le droit et la loi ; il entend pour cela entamer et faire appliquer les procédures requises.
Comme vous le savez, Xavier Bertrand est particulièrement sensible à la situation de ces 21 salariés ainsi qu'au respect du droit du travail et à la dignité de la personne. C'est pourquoi, dès le 28 août dernier, outre vos différentes réunions avec la préfecture, la direction départementale du travail et le procureur de la République, le ministre a tenu à ce que vous soyez reçu à son cabinet afin d'examiner avec lui ce dossier et de faire un point sur son avancement.
À ce stade et depuis vos derniers échanges avec son cabinet, voici les informations qu'il m'a demandé de porter à votre connaissance.
Tout d'abord, il convient de souligner que la direction départementale du travail a adressé un signalement au parquet le 29 août dernier ; ensuite, les services d'inspection, en collaboration avec l'URSSAF et d'autres services de l'État, continuent en parallèle leurs investigations pour relever par procès-verbal les infractions constatées ; enfin, attentif à la situation de ces salariés qui vivent depuis plus de quatre mois dans une grande précarité, le ministre a sensibilisé par courrier les autres membres du Gouvernement concernés, Mme Dati, garde des sceaux, M. Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale, et M. Woerth, ministre du budget, afin de coordonner l'action des différents services de l'État. Il entend naturellement être attentif aux suites données à ces démarches.
Sachez que nous ne manquerons pas de vous tenir informé des suites de ces actions ; comme il s'y est engagé, M. Xavier Bertrand reviendra vers vous, et vers les salariés, afin de les accompagner au mieux et de faire appliquer la loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. " Accompagner les salariés ! " C'est dommage de ne pas vous entendre parler plus souvent ainsi. Le fait que M. le ministre du travail ait informé ses collègues et veuille coordonner l'action de l'État est très important. Les voyous, voyez-vous, ont l'intelligence pratique des grands singes : ces gens sont habiles et savent très bien se soustraire à la loi. Vous vous engagez à faire respecter le droit et la loi ; j'en prends acte.
Permettez-moi de dire que, pour une fois, nous avons trouvé auprès des cabinets des différents ministres que vous avez évoqués une oreille attentive. Toutefois une espèce arboricole ne se juge que par la qualité de ses fruits : nous n'avons encore vu ici que les fleurs. (Sourires.) Il faut se mettre à la place des salariés, engagés dans une belle bataille pour le respect de la dignité et du droit ; il faut sortir de cette situation au plus vite : en occupant les lieux depuis quatre mois et demi, dans le froid, ils ont montré qu'ils font confiance à la République. À la République d'être au niveau de la bataille engagée, qui concerne plus généralement le droit du travail, le droit de la santé...
M. le président. Veuillez conclure.
M. Jean-Pierre Brard. Je pensais que mes propos vous intéressaient, M. le président !
M. le président. Certes, monsieur Brard, mais il y a d'autres questions.
M. Jean-Pierre Brard. Madame la secrétaire d'État, vous avez dit que vous reviendriez rapidement vers moi ; dans le cas contraire, comptez sur moi pour revenir vers vous - dès le mois prochain !

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Brard

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille et solidarité

Ministère répondant : Travail, relations sociales, famille et solidarité

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 7 octobre 2008

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