Question orale n° 382 :
métallurgie

13e Législature

Question de : M. Jean-Paul Bacquet
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Jean-Paul Bacquet attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l'avenir de l'entreprise Rio Tinto à Issoire. Il y a quelques années lors de l'OPA du groupe Alcan sur l'entreprise Péchiney, la ministre déléguée à l'industrie avait été interrogée sur les dangers encourus par les salariés de cette entreprise. Elle n'avait alors pas eu de mots assez apaisants pour rassurer les employés de cette usine et vanter les mérites de cette acquisition, allant même jusqu'à souligner : « l'engagement d'Alcan de faire de la France le coeur de ses activités aéronautiques ». Malheureusement tel ne fut pas le cas, puisqu'après la première mort du groupe Péchiney vendu 5 milliards de dollars au groupe canadien Alcan, celui-ci, bafouant ses engagements, a revendu le groupe 44 milliards de dollars à l'anglo-australien Rio Tinto. À la suite de l'entrée du groupe américain Alcoa et du groupe chinois Chinalco dans le capital de Rio Tinto, BHP-Biliton a engagé une OPA sur l'entreprise, proposant plus de 100 milliards d'euros pour son acquisition. Dans un tel contexte, l'inquiétude est grande de voir disparaître des secteurs entiers et des sites industriels implantés en France et en particulier le site d'Issoire. En 2003, l'ancien patron de Péchiney affirmait, lors de la première vente : « Péchiney ne sera pas une simple filiale, mais deviendra un grand pôle mondial du groupe à côté du Canada ». Rétrospectivement, ces propos s'avèrent particulièrement imprudents. Plus que jamais, l'inquiétude est grande parmi les salariés de Rio Tinto, ex-Alcan, ex-Péchiney. Derrière les opérations financières et capitalistiques répétées que les salariés viennent de subir, la menace d'un drame social, avec ses licenciements et ses délocalisations probables, se fait de plus en plus importante. Une rencontre avec des responsables du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi avait permis d'affirmer la volonté de suivre de près l'évolution du dossier et te tenir informés les parlementaires concernés, ce qui, outre la première entrevue, n'a pas été fait. Depuis, les salariés de l'entreprise, comme les élus du secteur d'Issoire, ne trouvent aucune lisibilité sur le devenir de l'usine d'Issoire. D'un coté, l'entreprise publie des annonces dans la presse pour l'embauche de 1 500 salariés, compagnons de maintenance, et de l'autre, des démissions de cadres et de responsables se succèdent. La rencontre avec le directeur du site local n'a pas levé les inquiétudes, bien que celui-ci se soit montré rassurant. Les craintes initiales ont été confortées avec la première mort de Péchiney ; les propos lénifiants rappelés ci-dessus ont été contredits dans les faits. Il lui demande donc d'indiquer quelles assurances elle entend apporter sur le maintien du site d'Issoire, car il ne serait pas acceptable que, dans le contexte actuel de spéculation et de faillite bancaire, les salariés et les élus n'aient droit à la transparence et à l'information.

Réponse en séance, et publiée le 8 octobre 2008

AVENIR DE L'ENTREPRISE RIO TINTO À ISSOIRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question, n° 382, relative à l'avenir de l'entreprise Rio Tinto à Issoire.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, il y a quelques années, au moment de l'OPA du groupe ALCAN sur l'entreprise Pechiney, j'avais interrogé votre prédécesseur, Mme Nicole Fontaine, sur les dangers encourus par les salariés de cette entreprise. Elle n'avait pas eu de mots assez apaisants pour rassurer les employés de cette usine et vanter les mérites de cette acquisition, allant jusqu'à souligner " l'engagement d'ALCAN de faire de la France le coeur de ses activités aéronautiques ". Malheureusement, tel ne fut pas le cas : après la première mort du groupe Pechiney, vendu 5 milliards de dollars au groupe canadien ALCAN, celui-ci, bafouant la totalité de ses engagements, a revendu le groupe 44 milliards de dollars à l'anglo-australien Rio Tinto.
À la suite de l'entrée du groupe américain ALCOA et du groupe chinois CHINALCO dans le capital de Rio Tinto, BHP Billiton a engagé une OPA sur l'entreprise, proposant plus de 100 milliards d'euros pour son acquisition.
Dans un tel contexte, l'inquiétude est grande de voir disparaître des secteurs entiers et des sites industriels implantés en France, et en particulier celui d'Issoire. En 2003, au moment de la première vente, Jean-Pierre Rodier, ancien patron de Pechiney, affirmait : " Pechiney ne sera pas une simple filiale, mais deviendra un grand pôle mondial du groupe à côté du Canada. "
Rétrospectivement, on mesure combien ces propos étaient imprudents, pour ne pas dire irresponsables. De même, on peut se demander si le Gouvernement, conscient des risques pour le devenir économique de cette filière, ne cherchait pas, avec les déclarations de Mme Fontaine, à se rassurer lui-même.
Monsieur le secrétaire d'État, plus que jamais, l'inquiétude est grande parmi les salariés de Rio Tinto, ex-ALCAN, ex-Pechiney, en raison des opérations financières et capitalistiques répétées qui font peser la menace d'un drame social, avec son cortège de licenciements et de délocalisations, et qui fragilisent d'autant plus l'entreprise que les repreneurs potentiels ne sont pas toujours des industriels, mais souvent des banquiers plus intéressés par les plus-values à récupérer que par le devenir industriel de l'entreprise.
Or la vente est en cours, actuellement en phase de prémarketing et bientôt de visite d'usine. Dans un secteur aéronautique très porteur, étant donné la nécessité de renouveler les parcs d'avions et l'ouverture à de nouveaux marchés, le site d'Issoire est particulièrement opérationnel et performant. Il serait déplorable que la logique financière l'emporte, dans le choix du repreneur, sur la logique industrielle.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai rencontré les responsables du ministère le 4 décembre 2007 : ils m'ont fait part de vos préoccupations et de votre volonté de suivre de près l'évolution de ce dossier et se sont engagés à me tenir informé, ce qui, depuis cette première entrevue, n'a pas été fait.
Or, depuis, les salariés de l'entreprise comme les élus du secteur d'Issoire, attachés à une entreprise fondamentale pour le secteur, s'inquiètent de son devenir.
Avec le maire d'Issoire, nous avons rencontré le directeur du site local qui, bien que rassurant sur l'activité, a reconnu que la période d'attente n'est favorable ni à l'optimisation de la production ni à une bonne lisibilité de la stratégie industrielle du groupe.
Nos craintes initiales ont été confortées avec la première mort de Pechiney : les propos lénifiants de M. Rodier et de Mme Fontaine ont été contredits dans les faits. Aujourd'hui, quelles assurances et informations pouvez-vous nous apporter sur le devenir industriel du site d'Issoire et sur le maintien des emplois ? Au moment où chacun mesure combien l'irresponsabilité des spéculateurs a des conséquences dramatiques sur l'économie et l'emploi, vous comprendrez nos inquiétudes et nos attentes.
M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le groupe ALCAN, qui emploie plus de 15 000 personnes en France sur quarante-neuf sites, a fait l'objet d'une offre publique d'achat amicale de la part du groupe anglo-australien Rio Tinto. Cette OPA a été couronnée de succès.
À cette occasion, le 4 octobre 2007, Rio Tinto a pris, vis à-vis du Gouvernement français, des engagements précis quant à la pérennité de l'activité de recherche et développement et à la sécurité d'approvisionnement des industries aéronautiques et de défense à partir de sites français, comme l'assure aujourd'hui la branche Produits usinés, et en particulier le site d'Issoire.
En novembre 2007, Rio Tinto a annoncé son intention de céder la branche Produits usinés, qui emploie plus de 5 000 personnes en France sur quatorze sites, dont 1 500 à Issoire.
Ce dossier est suivi à Bercy avec une extrême vigilance et le ministère entretient des contacts réguliers avec la direction de Rio Tinto. Le projet de cession devra être soumis à l'accord du ministre de l'économie, au titre du décret sur les investissements directs étrangers dans des secteurs sensibles. Nous veillerons, dans ce cadre, à ce que les solutions étudiées garantissent l'intégrité de la branche Produits usinés et favorisent le développement de l'ensemble des activités. Les perspectives que les projets présentés par Rio Tinto offriront aux activités liées à l'aéronautique et à la défense seront, en tout état de cause, au coeur des préoccupations du Gouvernement.
Monsieur le député, votre souci est bien légitime. Je m'engage à ce que vous puissiez obtenir les informations que vous demandez sur cette cession et que vous soyez reçu au ministère comme il est normal que vous le soyez.
Il a en particulier été demandé que le site d'Issoire soit explicitement couvert par les engagements pris par Rio Tinto. Ces engagements s'appliqueront bien évidemment au repreneur de l'activité Produits usinés. À ce sujet, je peux vous indiquer, sans trahir la nécessaire confidentialité qui s'attache à ces cessions, que de nombreux repreneurs ont manifesté auprès de Rio Tinto leur intérêt pour l'activité Produits usinés. Nous en sommes actuellement à la phase de préparation avant la réception des offres. Le choix du repreneur devrait être connu en fin d'année.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d'État, mais, hélas, elle n'est pas rassurante. La multiplication ces dernières années des opérations de rachat - de Pechiney à Alcan puis Rio Tinto et, désormais, BHP Billiton - est d'autant plus inquiétante que celles-ci sont souvent dépourvues de toute motivation industrielle et s'apparentent davantage à des manoeuvres spéculatives qui provoquent le démantèlement des entreprises. C'est ainsi que la production de tôles minces cessera bientôt sur le site d'Issoire.
Il faut agir de toute urgence : la phase de préplacement est en cours et la visite du site imminente. Ne restons pas captifs des seuls enjeux de marché : les besoins en recherche sont considérables, dans les domaines des matériaux composites et de l'aluminium-lithium, par exemple. Connaître l'identité du repreneur est la condition pressante et nécessaire pour fournir aux salariés des garanties quant au maintien de l'emploi sur le site. J'espère que le Gouvernement suivra cette opération au plus près de sorte que la culture industrielle l'emporte sur la spéculation financière !

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Bacquet

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Économie, industrie et emploi

Ministère répondant : Économie, industrie et emploi

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 7 octobre 2008

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