politique de la santé
Question de :
M. Arnaud Montebourg
Saône-et-Loire (6e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Arnaud Montebourg appelle l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur le financement de la permanence des soins la nuit, les week-end et les jours fériés, assurée par les médecins libéraux. La MG France, premier syndicat de médecins généralistes, est à l'origine de la mise en place de nombre de nos maisons médicales de garde, outils complémentaires à l'organisation, sur des territoires qui ne bénéficient pas d'un service d'urgence, de la permanence des soins la nuit, les week-ends et les jours fériés, par les professionnels de santé. Ainsi, l'usager peut bénéficier de soins appropriés, sans engorger les services d'urgence, et les professionnels libéraux s'organisent de façon à préserver une qualité de vie à laquelle il souhaite légitimement pouvoir prétendre. L'inégalité d'accès aux soins entre les usagers habitant en ville et ceux habitant dans les territoires ruraux devient, du fait d'une démographie médicale déclinante, de plus en plus criante. La décision du tribunal administratif de Dijon, intervenue le 15 novembre dernier, rétablit, à la demande des élus qui ont formé le recours contre la suppression du financement des gardes médicales, une certaine équité. Pour autant, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, nous avons pu remarquer que le budget consacré à la permanence des soins a été amputé de 70 millions d'euros. En Saône-et-Loire, l'organisation par les médecins des gardes médicales rémunérées avait nécessité un financement à hauteur de 1,9 million d'euros, qui ont été restitués par la préfète à la Caisse nationale d'assurance maladie après sa décision de supprimer les gardes de nuit. Au regard de la décision du tribunal administratif de Dijon, rétablissant le principe des gardes médicales de nuit, il lui demande si elle peut donner à madame la préfète de Saône-et-Loire les instructions nécessaires à une reprise rapide des permanences de soins en Bresse, attendue des médecins volontaires comme de leurs patients, et prescrire, en conséquence, le dégagement de l'enveloppe financière requise pour ce faire.
Réponse en séance, et publiée le 5 décembre 2007
FINANCEMENT DE LA PERMANENCE DES SOINS
EN SAÔNE-ET-LOIRE
M. Arnaud Montebourg. Je sollicite l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur le fait que la permanence des soins n'est plus assurée dans le département de la Saône-et-Loire, entre minuit et huit heures du matin, suite à une décision unilatérale de Mme la préfète. Il s'agirait d'une mesure d'économie, permettant de restituer 1,9 million d'euros au budget national de l'assurance maladie - en dépit de quoi nous avons observé, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une diminution des crédits consacrés aux soins de ville, dont relève la permanence des soins.
Les conditions dans lesquelles cette décision a été prise sont vivement contestées sur le terrain. Les élus, la population et une partie des médecins libéraux, représentés par le syndicat MG France, avaient, ensemble et avec la patience de la dentellière, réussi à remplir, sur la base du volontariat, des tableaux de garde dans les zones rurales. Ce travail a été réduit à néant, ce qui a provoqué le découragement des médecins, l'inquiétude de la population et l'opposition des élus, toutes tendances confondues. Aussi avons-nous déféré l'arrêté de suppression des gardes de nuit devant le tribunal administratif de Dijon ; ce dernier a suivi notre argumentation et annulé la décision de Mme la préfète, au motif qu'on ne peut traiter de la même manière les villes, qui disposent de médecins et d'hôpitaux, et les campagnes, dans lesquelles - à l'instar de la Bresse, dont j'ai l'honneur d'être l'élu - les médecins, trop peu nombreux, sont épuisés par la surcharge de travail. Organiser des gardes soulage ces médecins en leur permettant de dormir tranquilles dix-neuf nuits sur vingt, tout en rassurant les populations qui se trouvent à 40 kilomètres et une demi-heure de route du premier hôpital, en leur donnant la possibilité de contacter un médecin autrement que par téléphone, via le 15. Sachez, monsieur le secrétaire d'État - et répétez-le à Mme Bachelot ! - que, dans nos régions, nous ne pouvons plus avoir que des diagnostics par téléphone, faits à 50 kilomètres de distance ! Comment un nourrisson atteint de bronchiolite pourrait-il dire où il a mal ? N'a-t-on pas besoin d'un stéthoscope pour ausculter l'enfant ? Les incidents liés à l'usage de ce centre d'appel commencent à se multiplier, et je me demande qui en portera la responsabilité.
Mme la ministre a d'ores et déjà déclaré son intention de confirmer la décision de Mme la préfète, avec la même brutalité, et en s'appuyant sur une concertation avec les seules organisations corporatistes, au détriment des souhaits de la population. C'est traiter nos campagnes avec désinvolture ! Si la suppression des gardes de nuit se justifie dans les zones urbaines, qui bénéficient de la proximité d'hôpitaux, ce n'est pas le cas dans les zones rurales, où l'on peut encore compter sur l'esprit de solidarité du corps médical. Ayant réuni les médecins du secteur de la Bresse, je puis vous assurer que, si certains médecins libéraux sont en effet opposés aux gardes de nuit, une bonne partie d'entre eux est volontaire, tandis que les autres se montrent indécis - et si on leur demande de reprendre les gardes, parce que c'est leur devoir et qu'on bénéficie d'un financement, ils le feront !
Je demande donc à Mme Bachelot d'exiger de Mme la préfète la suspension de sa décision, et le rétablissement des gardes de nuit dans le secteur rural évoqué, où les médecins suivront la position du ministère ; ainsi, grâce au volontariat, pourrons-nous remplir le tableau de garde et assurer à la population de nos campagnes le service auquel elles sont en droit de prétendre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des sports.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le député, Roselyne Bachelot, en déplacement à la Réunion, m'a demandé de vous communiquer sa réponse.
Dans notre pays, la permanence des soins - PDS - assure une présence médicale en dehors des heures d'ouverture des cabinets médicaux, c'est-à-dire de vingt heures à huit heures en semaine, ainsi que les week-ends et les jours fériés ; elle constitue donc, pour la population, une réponse de premier recours indispensable. Il est inconcevable que, la nuit, les week-ends et les jours fériés, nos concitoyens ne puissent pas trouver de réponse à leurs problèmes de santé, quand bien même ceux-ci ne relèveraient pas d'une urgence vitale. Depuis 2005, la permanence des soins, exercée par les médecins libéraux, repose sur le volontariat ; mais elle s'inscrit dans le contexte d'une démographie médicale défavorable, liée à une mauvaise répartition des médecins sur le territoire et à d'importants changements sociétaux.
Le financement du dispositif actuel est assuré suivant l'avenant 4 à la convention médicale : dans chacun des 2 500 secteurs de gardes arrêtés par les préfets, la régulation médicale, les astreintes des médecins effecteurs et la majoration des consultations et des visites sont prises en charge par l'assurance maladie, ce qui a coûté à cette dernière près de 370 millions d'euros en 2006 - je signale à ce propos que la réduction de crédits que vous évoquez ne concerne nullement la PDS, mais résulte du retard dans la mise en oeuvre du dossier médical personnel. Par ailleurs, plus de deux cents maisons médicales de garde sont financées par le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins.
Depuis 2006, nombreux sont ceux qui soulignent les difficultés de la PDS ; ces dysfonctionnements ont d'ailleurs été confirmés par le rapport remis en juillet dernier à Mme la ministre par le docteur Jean-Yves Grall, qui considère la PDS comme globalement peu fiable, fragile et coûteuse. Roselyne Bachelot est pleinement consciente que cette situation constitue un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens. Sachez qu'elle partage cette inquiétude et entend y répondre rapidement.
Dans son rapport, M. Grall propose une meilleure organisation et le décloisonnement entre la médecine de ville et l'hôpital, l'installation généralisée de maisons médicales de gardes, ainsi qu'une meilleure information et une véritable responsabilisation de la population. Il est souhaitable que ces pistes soient explorées à l'occasion de la réunion en janvier prochain des états généraux de la santé.
Votre département de la Saône-et-Loire, monsieur Montebourg, compte trente et un secteurs de garde pour 550 000 habitants. Ainsi que le permet le code de la santé publique, la permanence des soins y est assurée entre minuit et huit heures par des structures d'urgence, et, compte tenu de la très faible demande nocturne, l'accès aux soins est organisé suivant les termes d'une convention entre pompiers, SAMU et ambulanciers privés - avec, dans le cadre du CODAMUPS, la participation des médecins libéraux. La qualité de la régulation téléphonique permet en effet de répondre aux demandes des patients en toute sécurité. Cette organisation permet d'utiliser au mieux les ressources médicales et, après des années d'incertitudes, donne à la population l'assurance de bénéficier d'un dispositif sûr et pérenne.
Le département du Calvados a, quant à lui, réduit le nombre de ses secteurs de garde de quarante à sept. Chaque secteur, qui s'appuie sur une maison médicale de garde, fonctionne avec deux médecins d'astreinte - un effecteur et un renfort - et la permanence des soins entre minuit et huit heures est assurée par les établissements publics et organisée par conventions.
Nous devons nous inspirer des expériences effectuées sur le terrain pour réformer notre système de permanence des soins. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit ainsi de laisser à titre expérimental aux régions volontaires une plus grande liberté dans le pilotage et le financement de la permanence des soins.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.
M. Arnaud Montebourg. Monsieur le secrétaire d'État, les informations que, par votre bouche, Mme Bachelot me communique sur mon propre département ne me sont pas inconnues. Deux départements limitrophes de la Saône-et-Loire ont fait des expériences différentes : la Nièvre a gardé la totalité de son système de garde de nuit et le Jura a distingué les secteurs urbain et rural. La Saône-et-Loire, quant à elle, n'a plus de gardes de nuit à partir de minuit. Or, dans sa réponse, Mme Bachelot se contente de nous faire part de son inquiétude pour mieux nous renvoyer au secteur 15 ! Pour quelle raison, tandis que le Jura voisin distingue entre les villes et les campagnes, la Saône-et-Loire devrait-elle subir une décision de fermeture des gardes de nuit, alors même que les maisons médicales de garde, dont le rapport Grall fait l'éloge, ont été financées avec notre argent ? Elles existent mais, sur décision préfectorale, elles sont désormais fermées la nuit !
Sur le sujet, l'inquiétude est certainement la seule chose que je partage avec Mme Bachelot, puisque ses solutions ne sont pas les nôtres. Qu'elle sache que lorsqu'il y aura un " pépin " sur le terrain, eh bien, nous nous retournerons vers les responsables !
Auteur : M. Arnaud Montebourg
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Santé, jeunesse et sports
Ministère répondant : Santé, jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2007