Question orale n° 433 :
DOM-ROM : Guyane

13e Législature

Question de : Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Christiane Taubira attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur les carences et les insuffisances du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS), dit de « troisième génération », de la Guyane. Selon l'article L. 6121-2 du code de la santé publique, les SROS ont pour objet de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires de l'offre de soins préventifs, curatifs et palliatifs afin de répondre aux besoins de santé physique et mentale. Alors qu'avec les SROS de première et deuxième génération, la carte sanitaire et les indices étaient définis au niveau national, les SROS de troisième génération (couvrant la période 2006-2011) sont désormais l'oeuvre des agences régionales d'hospitalisation qui définissent des territoires de santé et fixent des objectifs quantifiés pour l'offre de soins des cinq ans à venir. Aussi, ces SROS de troisième génération actuellement en vigueur doivent-ils dégager une organisation sanitaire qui prenne en compte les spécificités locales, notamment par le maintien et le développement d'activités médicales de proximité. Or force est de constater qu'aujourd'hui le SROS de Guyane en vigueur n'est pas adapté aux besoins d'une grande partie de son territoire comme de sa population. Les spécificités de la situation sanitaire de la Guyane ne sont pas suffisamment prises en compte par un SROS devenu en partie obsolète. La Guyane dispose d'une espérance de vie inférieure de quatre ans à celle de la métropole et d'un taux de natalité plus de deux fois supérieur (27 naissances pour 1 000 habitants), d'un taux de mortalité infantile situé à 10,5 pour 1 000 naissances au lieu de 4 dans le reste de la France et d'une démographie médicale très faible avec 30 généralistes et 20 spécialistes pour 100 000 habitants. Ensuite, certaines pathologies ont des prévalences plus élevées que dans le reste de la France : diabète, hypertension artérielle, insuffisance rénale chronique, cancer de la prostate et surtout VIH. Enfin, la Guyane fait face à des problèmes sanitaires qu'aucun autre territoire de la République ne connaît : surreprésentation des lésions traumatiques, manque d'eau potable dans certaines régions et forte imprégnation au mercure des sols et des poissons en raison des activités clandestines d'orpaillage. Le Gouvernement ne peut ignorer une telle situation puisqu'elle s'est rendue elle-même au mois de mai dernier en Guyane, et notamment à l'hôpital de Cayenne d'où elle s'est dit résolue à « garantir à tous les Français, de métropole et d'outre-mer, la même qualité, la même équité et la même sécurité des soins, tout en tenant compte des particularités de chacun ». Dans ces conditions, elle lui demande de lui indiquer les mesures qu'elle entend mettre en oeuvre au plus vite, et sans attendre le prochain SROS, pour répondre aux carences de l'actuel SROS de Guyane, et ainsi permettre à la population guyanaise de bénéficier d'une offre de soins qui soit plus proche de celle dont bénéficie le reste du territoire français.

Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2008

INSUFFISANCES DU SCHÉMA RÉGIONAL D'ORGANISATION SANITAIRE DE LA GUYANE

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour exposer sa question, n° 433, relative aux insuffisances du schéma régional d'organisation sanitaire de la Guyane.
Mme Christiane Taubira. Madame la ministre de la santé, vous connaissez aussi bien que moi les indicateurs qui rendent problématique l'organisation de l'offre de soins en Guyane. J'en rappellerai quelques-uns pour rendre mon propos intelligible : des taux de natalité et de mortalité infantiles deux à deux fois et demi supérieurs à la moyenne nationale, une démographie médicale trois fois plus faible, une espérance de vie de quatre ans inférieure, la prévalence de certaines pathologies telles que le diabète, l'hypertension artérielle, l'insuffisance rénale chronique, le cancer de la prostate, le VIH, auxquelles viennent s'ajouter des maladies entropiques liées à la qualité de l'eau et à l'absence d'eau potable sur certaines parties du territoire, ainsi que d'autres affections liées à l'environnement, telles que celles imputables au mercure disséminé par l'orpaillage clandestin. D'où un réel besoin de mesures adaptées.
Lors de votre dernier séjour en Guyane, vous avez déclaré que vous feriez reposer l'offre de soins en Guyane comme ailleurs sur le triptyque qualité, équité et sécurité. Le SROS de troisième génération, en vigueur jusqu'en 2011, est censé prévoir et susciter l'évolution de l'offre de soins préventifs, curatifs et palliatifs afin de répondre aux besoins en santé physique et mentale. Il a été d'une conception régionale, c'est-à-dire proposé par l'ARH, qui a déterminé la carte sanitaire et les indices.
Or, malgré l'adoption d'un certain nombre de mesures spécifiques, telles que l'incitation fiscale à l'installation, le recrutement de chirurgiens sur du temps partiel annualisé ou l'inscription à titre dérogatoire de médecins étrangers à l'ordre départemental des médecins, les indicateurs que je viens de signaler se sont au mieux stabilisés, et pour la plupart dégradés.
Par ailleurs, le comité régional de l'organisation sanitaire, qui s'est réuni à la mi-novembre, n'a pu adopter le SROS " cancer Guyane " et a renvoyé sa réunion à la mi-décembre. Alors qu'il est censé identifier le réseau territorial de cancérologie, il a complètement ignoré le réseau existant Onco-Guyane. Ce réseau n'a pourtant rien de clandestin puisqu'il vient de signer avec l'ARH une nouvelle convention de financement pour 2008. En outre, et surtout, il s'est réorganisé et a adopté un cahier des charges relativement lourd, avec un calendrier strict, et il inclut tous les partenaires de santé.
Afin de rendre applicable la circulaire de méthodologie du Plan cancer, la Guyane a été considérée comme un site territorial unique. Ce n'est donc pas par établissement hospitalier mais sur la base des interventions chirurgicales cumulées que sera déterminé le seuil et que seront octroyées les éventuelles autorisations.
Le souci que nous partageons quant à la qualité des soins me conduit à vous dire d'emblée que ma démarche ne consiste à solliciter ni une baisse du niveau d'exigence requis, notamment quant à la qualité, la pluridisciplinarité, la mutualisation des hommes et des moyens, ni un abaissement du seuil.
En revanche, si l'on peut considérer ce plan cancer comme une contrainte incitative et donc comme une opportunité de coopération interhospitalière, n'y aurait-il pas lieu de prévoir dans le SROS les obligations de l'établissement qui serait susceptible de recevoir une autorisation à l'égard des autres établissements ?
M. le président. Veuillez poser votre question, madame Taubira.
Mme Christiane Taubira. C'est ma question, monsieur le président.
N'y aurait-il pas lieu également de faire passer des conventions entre les établissements de Guyane et ceux des Antilles et de l'hexagone, sachant que les évacuations sanitaires sont aujourd'hui dispersées sur une centaine d'établissements ? Enfin, ne conviendrait-il pas de mettre en place des groupements de coopération sanitaire avec des contrats d'objectifs et de moyens précis ?
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame Taubira, le schéma régional d'organisation sanitaire de troisième génération de la Guyane a été élaboré en 2006 sur la base d'études précises et rigoureuses sur l'état de santé de la population guyanaise. Ces études ont été bien documentées et n'ont fait l'objet d'aucune contestation. Le SROS 3 constitue le cadre du développement de l'offre de soins en Guyane. Aucune observation n'a été portée à la connaissance de l'ARH sur une inadéquation aux spécificités locales.
Le SROS a été approuvé lors de la conférence sanitaire de territoire du comité régional de l'organisation sanitaire. Une très large concertation a eu lieu avec tous les acteurs de santé de la Guyane et les représentants des usagers.
Vous avez rappelé à juste titre la configuration particulière de la Guyane. Le SROS en a tenu compte. La majeure partie de la population habite sur une bande littorale. Une partie numériquement moins importante vit en îlots d'habitation dispersés dans la forêt amazonienne, principalement le long des fleuves. Je me suis rendue à plusieurs reprises dans ces communautés villageoises, où les problèmes de santé publique sont à prendre dans leur spécificité. C'est pour cela que le SROS a consacré le développement spécifique de l'organisation de l'accès aux soins pour les populations vivant dans les zones isolées de Guyane.
Ainsi, vingt centres délocalisés de prévention et de soins sont en voie d'organisation. Le SROS 3 prévoit la mise en place d'un comité médico-technique de prévention et de soins qui évaluera les orientations assignées à chaque centre, les révisera si besoin est, et arrêtera les priorités et les protocoles de prévention afin d'apporter une réponse adaptée aux populations desservies.
Vous avez également rappelé les indicateurs préoccupants de mortalité néonatale et de prématurité en Guyane. Le volet du SROS 3 sur la périnatalité précise très clairement l'ensemble des problèmes posés et reprend la totalité des préconisations des professionnels dans ce domaine. Des progrès ont été accomplis depuis la mise en oeuvre du SROS 3, mais ils sont sans doute insuffisants. J'ai donc demandé qu'une expertise soit conduite pour juger de l'efficacité réelle des mesures prises.
S'agissant de la prévention du diabète et de l'hypertension artérielle, les réseaux se mettent en place et deux nouveaux centres d'autodialyse assistée ont été implantés.
En ce qui concerne votre inquiétude sur l'agrément des établissements prenant en charge les patients atteints de cancer, j'ai bien noté que vous ne demandiez pas un abaissement des normes de qualité des soins et vous en remercie. Je peux être rassurante : le réseau Onco-Guyane joue un rôle de coordination, et certains critères sont déjà remplis pour la chirurgie des cancers du sein et des cancers digestifs. En ce qui concerne la radiothérapie et la prise en charge des autres cancers, l'ARH, avec les spécialistes concernés, envisage d'organiser les soins avec des structures de la Martinique, de la Guadeloupe et, si besoin, de métropole. Des conventions seront signées à cet effet, et je serai particulièrement attentive à la qualité de celles-ci.
De même, les efforts portant sur le cancer de la prostate sont constants. Les activités de chirurgie carcinologique en urologie sont résolument soutenues par l'ARH. Le nombre d'urologues est en augmentation dans la région, ce qui facilitera le dépistage précoce.
Enfin - je sais que ce sujet vous tient particulièrement à coeur -, un volet spécifique du SROS est consacré à l'épidémie d'infection par le VIH en Guyane. Le plan " hôpital, santé, outre-mer " que je présenterai dans quelques semaines - j'espère avant Noël - développera une politique de ressources humaines et médicales dynamique pour les professionnels de santé. Il renforcera les dispositifs locaux de formation et fidélisera les étudiants en médecine qui effectuent leur premier cycle dans les départements d'outre-mer. J'ai confié une mission au préfet de la Guyane, M. Laflaquière, afin que la Guyane soit un département pilote dans la lutte antisida.
L'ARH de Guyane est très attentive à l'évolution de la santé sur ce territoire. Notre objectif est d'assurer la qualité de l'offre de soins par une réponse appropriée aux besoins de la population qui corresponde exactement aux spécificités de la Guyane. Je sais que vous êtes très attentive à ce que la politique d'égalité républicaine tienne compte de ces spécificités, madame Taubira, et je veux être à l'écoute de cette démarche qui est la vôtre.
Mme Christiane Taubira. Puis-je répondre à Mme la ministre ?
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, madame Taubira. La question était dense, et la réponse également.

Données clés

Auteur : Mme Christiane Taubira

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Ministère répondant : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 9 décembre 2008

partager