DOM-ROM : Guadeloupe, Guyane et Martinique
Question de :
M. Serge Letchimy
Martinique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Serge Letchimy interroge M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité sur les difficultés que rencontrent les structures de garde aux Antilles et en Guyane. Dans un contexte de redémarrage du chômage et de chute de la croissance, en outre-mer, le secteur privé représente la part la plus importante de l'offre d'accueil. 57 % des structures d'accueil sont privées. Leurs recettes proviennent essentiellement de la participation des familles et des CAF. Cette mission de service public ne bénéficie pas d'une participation suffisante des collectivités locales pour équilibrer leurs comptes, ce qui contribue à un déséquilibre structurel d'environ 30 % du budget de ces petites entreprises. Alors que le Gouvernement annonce 1 milliard d'euros pour financer des moyens nouveaux pour les gardes d'enfant, aujourd'hui en Martinique, en Guyane, en Guadeloupe, plus d'une centaine de ces structures d'accueil cumule plus de 5 400 000 euros de dettes fiscales et sociales ; c'est presque 3 000 enfants qui seront privés de cadre éducatif, c'est près de 1 000 familles qui se trouveront confrontées aux difficultés de garde d'enfants pour aller travailler. Ces entreprises associatives sont regroupées au sein du COSAG (collectif des structures d'accueil et de garde Antilles-Guyane). Elles ont entamé des démarches auprès de l'administration du ministère des affaires sociales, du ministère de l'outre-mer, des conseillers du président de la république, sans qu'aucune satisfaction n'ait été donnée à leur demande qu'il réitère : des mesures spécifiques pour l'emploi sur 5 ans ; l'exonération de charges patronales sur les recrutements futurs avec une prise en charge des salaires à 85 % dans la limite de 1,5 SMIC ; la création d'outils fiscaux incitatifs ; la dotation aux collectivités locales de moyens spécifiques pour l'accompagnement des structures de garde, notamment dans la géographie prioritaire de la politique de la ville. Il lui demande comment le Gouvernement compte aborder ces problématiques et répondre aux difficultés qu'il vient d'évoquer.
Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2008
STRUCTURES DE GARDE D'ENFANTS
AUX ANTILLES ET EN GUYANE
M. Serge Letchimy. Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, j'aborde un sujet important qui concerne aussi bien l'hexagone que l'outre-mer, puisqu'il s'agit de la prise en charge de la petite enfance.
Le rapport Tabarot a souligné le retard considérable qui existe dans ce domaine : il manque en effet 320 000 places dans l'hexagone et outre-mer. Le mode de prise en charge et la coordination laissent à désirer. La question essentielle de la gouvernance territoriale - et de ses conséquences financières - doit être posée. Il faut aussi redéfinir le rôle de l'État et la mission du service public, ainsi avec le mode de financement et d'accompagnement de ces dispositifs.
Certaines orientations ont été prises. L'une d'elles, initialement prévue pour 2012, visait à faire de la prise en charge de la petite enfance un droit opposable. Elle a été reportée à 2015.
Je pourrais citer bien des exemples dans l'hexagone, mais je développerai le cas de la Martinique. La ville de Fort-de-France gère dix crèches publiques, et les structures associatives, qui assument de lourdes responsabilités, sont en difficulté. En Martinique, 44 structures sur 76 sont de nature associative et 12 ont un caractère communal. La situation des premières s'avère particulièrement délicate, puisque, avec un déficit global de 4 millions d'euros, elles assument leurs responsabilités dans des conditions extrêmement difficiles.
Comment le Gouvernement compte-t-il aborder globalement la question de la prise en charge de la petite enfance et régler le problème des crèches associatives abandonnées à leur sort ? Sachant que le déficit structurel par enfant correspond à 30 à 40 % du coût de prise en charge, quelles mesures transitoires prendrez-vous afin de régler le problème des structures regroupées en un organisme collectif ? Enfin, quelles solutions définitives seront prises à terme, dans le cadre d'une concertation locale ?
M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le député, c'est de manière pragmatique que le Gouvernement entend résoudre le problème du développement de la garde d'enfants.
Au cours de l'examen du PLFSS, le Parlement a adopté trois dispositions.
La première permettra aux assistantes maternelles d'accueillir un enfant de plus. Le nombre d'enfants dont chacune peut avoir la charge sera ainsi porté de trois à quatre, sachant qu'il est de cinq dans les pays du nord de l'Europe et de six au Québec. Cette mesure permettra de dégager jusqu'à 50 000 offres de garde supplémentaire sur le territoire, DOM-TOM compris.
En deuxième lieu, j'ai étendu à tout le territoire le regroupement des assistantes maternelles dans des structures souples, expérimenté depuis 2006. Elles pourront travailler à quatre au plus, accueillant ainsi jusqu'à seize enfants, ce qui leur permettra de mutualiser les moyens et de réduire les frais pour la collectivité. On sait en effet que le coût de fonctionnement, pour une place de crèche, est de 13 000 euros. En Mayenne, j'ai pu constater que, pour faciliter le regroupement des assistantes maternelles, la mairie, socialiste en l'occurrence, loue un pavillon aménagé pour recevoir les enfants. Les structures souples, dans lesquelles les assistantes maternelles contractualisent directement avec les parents, offrent une amplitude d'horaires plus grande. Celle que j'ai visitée ouvre ainsi six jours sur sept, entre quatre heures et demie, le matin, et vingt-deux heures.
J'ai avancé une troisième mesure, que le Parlement a adoptée : l'augmentation de 10 % du complément " libre garde " pour les personnes qui travaillent en horaire atypique. La garde d'un enfant coûte en effet plus cher quand on travaille tôt le matin ou tard le soir.
Dans le même souci de pragmatisme, je réfléchis aux possibilités d'optimiser les moyens dont nous disposons sur le territoire. Le taux d'occupation des crèches hospitalières, par exemple, ouvertes sept jours sur sept, même les jours fériés, étant en moyenne de 70 %, j'ai signé une convention avec la CAF et l'AP-HP, pour que ces crèches s'ouvrent, à Paris, aux familles dont les parents n'appartiennent pas au personnel hospitalier mais habitent à proximité des hôpitaux. Rien que sur Paris, 13 millions d'euros étaient en effet perdus chaque année, du fait que 1 000 places de ce type restaient inoccupées. Le dispositif que j'ai mis en place sera généralisé sur l'ensemble du territoire.
Vous le voyez, je travaille de manière pragmatique. C'est pourquoi j'ai proposé à Fadela Amara, dans le cadre du plan Espoirs banlieues, d'ouvrir une ligne budgétaire dédiée aux quartiers sensibles. Nous ouvrons par ailleurs un appel à projets, pour le premier semestre 2009, d'une base de 30 millions d'euros, afin de permettre à 215 quartiers prioritaires identifiés d'aménager avec les offices publics de l'habitat un appartement du type de celui que j'ai visité à Vénissieux. Peu onéreux pour la collectivité, ce dispositif permettra de mettre en place des microstructures au coeur des quartiers.
Bien que cette politique vise à répondre aux besoins de tous les Français, qu'ils vivent en métropole ou outre-mer, je suis consciente de la spécificité des départements d'outre-mer, notamment de la Martinique, dont la situation retient mon attention depuis plusieurs mois. J'ai ainsi reçu à mon cabinet, le 24 septembre, Mme Louis-Carabin, députée de la Guadeloupe, qui m'avait demandé une audience, ainsi que M. Almont, député de la Martinique, tous deux accompagnés des représentants du COSAG, collectif des structures d'accueil et de garde Antilles-Guyane. Je connais donc bien les préoccupations des collectifs, qui regroupent majoritairement les gestionnaires de structures associatives d'accueil de la petite enfance.
Les CAF investissent fortement depuis plusieurs années pour assurer le fonctionnement de ces structures. Leur intervention, justifiée au regard de l'insuffisance de l'offre de garde dans les départements d'outre-mer, a été mise en oeuvre sans implication concomitante des communes et du conseil général. Mais chacun doit jouer son rôle, à commencer par les élus locaux. Je rappelle que, dans votre département, la branche famille, qui accorde une aide exceptionnelle à l'ensemble des structures de garde, devient de ce fait le financeur quasi unique des structures d'accueil de la petite enfance. La CAF a ainsi versé 17,2 millions d'euros en 2005, 19,8 en 2006 et 23,5 en 2007.
J'ai demandé aux préfets d'organiser une suspension des actions de recouvrement diligentées notamment par la caisse générale de sécurité sociale, sans lesquelles, vous le savez, la structure de garde associative n'existerait plus, alors même qu'elle représente, comme vous l'avez souligné, la moitié de l'offre de garde en crèche collective en Guadeloupe et en Martinique.
Il faut donc examiner avec soin la nature des dettes et des déficits que l'on nous soumet. C'est pourquoi j'ai demandé à l'IGAS, l'inspection générale des affaires sociales, d'effectuer une mission d'inspection qui doit rendre ses conclusions avant deux mois. Son objectif est de dresser un état des lieux précis des modalités de fonctionnement et de financement de ces structures, et de me soumettre d'éventuelles propositions de redressement.
Je suis soucieuse et responsable devant la représentation nationale du bon usage des derniers publics. C'est pourquoi je veux que, dans ces trois départements, l'accueil de la petite enfance fasse l'objet d'un diagnostic précis.
Le Gouvernement est conscient des difficultés que pose à nos compatriotes le problème de la petite enfance. Je prends donc mes responsabilités, mais il faut que tous les acteurs prennent les leurs.
M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.
M. Serge Letchimy. Madame la secrétaire d'État, votre réponse très détaillée m'impose d'être bref. Je retiens votre idée d'un vrai moratoire pour les structures en difficulté. Je vous propose également d'élargir aux crèches communales l'inspection que vous avez diligentée, puisque certaines communes supportent pratiquement seules les déficits, alors qu'elles assurent un service public majeur. Cette mesure paraît d'autant plus nécessaire que, dans l'hexagone, vous menez des réformes afin d'apporter des réponses différenciées aux différentes situations sociales et économiques.
Auteur : M. Serge Letchimy
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille et solidarité
Ministère répondant : Travail, relations sociales, famille et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 décembre 2008