Question orale n° 478 :
ordre professionnel

13e Législature

Question de : M. Jean-Jacques Urvoas
Finistère (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur la levée de boucliers que suscite la création de l'Ordre des Infirmiers, institué par la loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006. Il l'a saisie par écrit à ce propos, et elle a eu l'amabilité de lui répondre. Il doit dire pourtant que ses explications ne l'ont guère satisfait, tant elles lui paraissent laisser en suspens plusieurs questions absolument essentielles. Il se permet donc de reformuler sa requête. Les revendications, maintes fois formulées, jamais satisfaites, de ce corps de métier sont connues. Elles portent sur les salaires, les conditions de travail, la reconnaissance des qualifications, le reclassement, les aménagements de poste... Mais jamais, ô grand jamais, les infirmiers salariés n'ont réclamé la fondation d'un Ordre qui leur apparaît au mieux inutile, au pire facteur de contraintes et de dépenses supplémentaires. Il existe pourtant, et il faudra bien s'en accommoder. Peut-être du moins voudra-t-elle bien concéder que certaines singularités inhérentes à cette profession doivent inciter à introduire dans le dispositif une part de souplesse dont il est pour l'heure dépourvu. A l'échelle nationale, on ne compte pas moins de 80 % d'infirmiers salariés, travaillant dans le secteur public hospitalier ou dans le secteur privé. A titre de comparaison, ce taux dépasse à peine les 10 % chez les architectes... Une telle particularité en termes de structuration professionnelle amène tout naturellement à s'interroger sur l'opportunité d'imposer de manière autoritaire une obligation d'adhésion à un Ordre qui vient satisfaire une revendication portée par la minorité, ou une partie de la minorité, oeuvrant dans le secteur libéral. D'autant que rien ne nous garantit que le montant de la cotisation, initialement modeste dit-on, le restera toujours : l'expérience démontre malheureusement que le train de vie de ces structures représentatives s'accroît volontiers avec le temps... Le taux de participation catastrophique enregistré au mois d'avril dernier lors des élections aux conseils départementaux de l'Ordre témoigne de l'ampleur du sentiment de malaise à l'égard d'une instance massivement boudée par ceux-là mêmes dont elle est censée défendre les intérêts. Un passage en force gouvernemental se comprendrait d'autant moins que les enjeux sont somme toute ici limités. Pourquoi prendre le risque de se mettre à dos l'ensemble d'une profession pour des questions d'organisation interne dont à peu près personne jusqu'à présent n'a perçu le caractère prioritaire ? Le succès d'une telle structure dépendra de sa capacité à convaincre de son utilité tous ceux à qui elle s'adresse. Qu'elle séduise et rien ne pourra entraver sa croissance. Imposez-la en revanche à chacun de manière aveugle, et vous n'en ferez qu'une coquille vide, coupée des réalités du terrain. Il lui demande si le bon sens ne devrait pas conduire le Gouvernement à envisager d'exonérer de l'obligation d'adhésion et de cotisation à cet Ordre les infirmiers salariés des secteurs public et privé.

Réponse en séance, et publiée le 14 janvier 2009

OBLIGATION D'ADHÉSION ET DE COTISATION À L'ORDRE DES INFIRMIERS

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour exposer sa question, n° 478, relative à l'obligation d'adhésion et de cotisation à l'Ordre des infirmiers.
M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le secrétaire d'État, dans un récent courrier, j'ai saisi la ministre de la santé à propos de la levée de boucliers que suscite la création de l'Ordre des infirmiers, institué par la loi du 21 décembre 2006. J'ai ainsi reçu à ma seule permanence, ces dernières semaines, plus de 150 lettres d'infirmiers salariés me faisant part de l'indignation que leur inspire l'injonction qui leur est faite de s'inscrire à un ordre professionnel dont ils s'étaient fort bien passés jusqu'à présent.
Madame la ministre a eu, comme toujours, l'amabilité de me répondre ; toutefois, ses explications ne m'ayant pas entièrement satisfait, car elles laissent en suspens plusieurs questions absolument essentielles, je me permets de reformuler ma requête.
Nous connaissons tous les revendications de ce corps de métier, maintes fois formulées, jamais satisfaites. Elles portent sur les salaires, les conditions de travail, la reconnaissance des qualifications, le reclassement et les aménagements de poste, entre autres questions. Mais jamais les infirmiers salariés n'ont réclamé la fondation d'un ordre qui leur apparaît au mieux inutile, au pire source de contraintes et de dépenses supplémentaires.
Reste que cet ordre existe ; il faut donc s'en accommoder. Peut-être admettrez-vous cependant que certaines caractéristiques inhérentes à cette profession justifient que l'on donne au dispositif une souplesse dont il est pour l'heure dépourvu. En effet, à l'échelle nationale, on ne compte pas moins de 80 % d'infirmiers salariés, travaillant dans le secteur public hospitalier ou dans le secteur privé. Une telle particularité de la structuration professionnelle amène tout naturellement à s'interroger sur l'opportunité d'imposer de manière autoritaire l'adhésion à un ordre qui satisfait une revendication de la minorité, ou une partie de la minorité, oeuvrant dans le secteur libéral.
Le taux de participation catastrophique aux élections aux conseils départementaux de l'Ordre, en avril dernier, témoigne de l'importance du malaise qu'inspire cette instance, massivement boudée par ceux-là même dont elle est censée défendre les intérêts.
Un silence gouvernemental serait d'autant moins compréhensible que les enjeux sont, somme toute, limités. Pourquoi prendre le risque de se mettre à dos une grande partie de la profession pour des questions d'organisation interne dont à peu près personne n'a jusqu'à présent perçu le caractère prioritaire ? Le succès d'une telle structure dépendra de sa capacité à convaincre de son utilité au moins ceux auxquels elle s'adresse. Qu'elle séduise, et rien ne pourra entraver sa croissance ; imposez-la, en revanche, et vous n'en ferez qu'une coquille vide, coupée des réalités du terrain.
D'où ma question : le Gouvernement ne pourrait-il, pour des raisons de bon sens, envisager d'exonérer de l'obligation d'adhésion et de cotisation à cet Ordre les infirmiers salariés des secteurs public et privé ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le député, vous interrogez Roselyne Bachelot-Narquin sur la création de l'Ordre infirmier.
Il est important de préciser que la loi de 2006, qui l'a instauré, est issue d'une proposition de loi élaborée en concertation avec des professionnels infirmiers.
La création d'un ordre est incontestablement la marque de la maturité d'une profession. Les infirmiers disposent désormais d'un outil qui permettra de défendre l'honneur de leur profession et de garantir le respect des règles déontologiques, quel que soit le mode d'exercice.
L'Ordre a vocation à étudier les projets ou questions qui lui sont soumis par le ministre de la santé et qui concernent l'exercice de la profession. Il contribue en outre au suivi de la démographie infirmière. Il est un partenaire et un interlocuteur important des pouvoirs publics.
Pour toutes ces raisons, Roselyne Bachelot-Narquin a soutenu et suivi avec beaucoup d'intérêt la création de l'Ordre infirmier, qui devra montrer toute son efficacité et son exemplarité dans l'exercice de ses missions.
Parce que les infirmiers jouent un rôle fondamental dans notre système de soins, la ministre de la santé a en outre lancé en novembre dernier une grande concertation sur l'intégration des études menant à cette profession dans le dispositif LMD. Dans un premier temps, cette concertation devra aboutir à la reconnaissance du diplôme d'infirmier au niveau licence. Il est également souhaitable de permettre aux infirmiers de se spécialiser, notamment en suivant des masters, afin de renforcer leur rôle dans la prise en charge des malades. Enfin, les infirmiers titulaires d'un diplôme de niveau master pourront collaborer avec des écoles doctorales, afin de faire émerger une véritable recherche en soins infirmiers et de constituer un corps d'enseignants universitaires.
Tous ces chantiers montrent la volonté de Roselyne Bachelot-Narquin de revaloriser ce métier, qui, demain, contribuera encore davantage à la prise en charge des patients.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Comme mon collègue François Asensi tout à l'heure, je regrette que Mme la ministre ne soit pas là : j'aurais aimé lui dire que les éléments que M. le secrétaire d'État vient de nous fournir ne répondent pas du tout à ma question.
En effet, je ne mettais pas en cause l'existence de l'Ordre, qui résulte de la loi et que nous pouvons regretter, mais dont nous devons nous accommoder. Ma question portait sur l'exonération de l'obligation d'adhésion à cet ordre - et de la cotisation afférente, aujourd'hui modeste, mais qui pourrait augmenter - pour les infirmiers non libéraux, mais salariés, que l'Ordre n'a pas vocation à défendre. Voilà pourquoi je suggérais à la ministre - et je le ferai de nouveau - de permettre cette exonération, étant donné que, malheureusement, l'Ordre existe.

Données clés

Auteur : M. Jean-Jacques Urvoas

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Ministère répondant : Santé, jeunesse, sports et vie associative

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 janvier 2009

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