Question orale n° 5 :
herbicides

13e Législature

Question de : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx
Gironde (8e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur les conditions de mise sur le marché de certains produits chimiques notamment herbicides. Une étude de l'IFREMER a révélé dans le bassin d'Arcachon un taux alarmant d'Irgarol, substance herbicide utilisée notamment dans les peintures antifouling des bateaux. Même à de très faible dose cette substance biocide pesticide algicide peut avoir des effets particulièrement ravageurs sur le milieu végétal marin et en particulier sur le phytoplancton, qui demeure la base de toute la chaîne alimentaire de l'écosystème. Sa dégradation dans le milieu est rendue particulièrement difficile lorsqu'il s'agit d'un milieu semi-fermé comme les eaux du bassin d'Arcachon. Pensant que cette substance devrait purement et simplement être interdite à la commercialisation, elle lui demande d'exiger des industriels la déclaration de la composition exacte de leurs produits et un étiquetage précis à destination des consommateurs. Enfin, une procédure d'autorisation de mise sur le marché à l'instar des médicaments, ne serait-elle pas envisageable pour ces substances particulièrement toxiques et qui s'accumulent dans le milieu naturel. Une telle démarche en direction de tous les herbicides lui semble être une application raisonnable du principe de précaution pour préserver l'avenir des écosystèmes aquatiques et des nappes phréatiques. L'inventaire des substances chimiques qui sera réalisé dans les prochains mois en application du règlement communautaire REACH doit être aussi l'occasion d'un renforcement des règles de mise sur le marché et de dispersion de toutes les formes de biocide.

Réponse en séance, et publiée le 3 octobre 2007

CONDITIONS DE MISE SUR LE MARCHÉ DES HERBICIDES

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx, pour exposer sa question, n° 5, relative aux conditions de mise sur le marché des herbicides.
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur les conditions de mise sur le marché de certains produits chimiques, notamment herbicides.
Une étude de l'IFREMER a révélé dans le bassin d'Arcachon un taux alarmant d'Irgarol, une substance biocide utilisée notamment dans les peintures antisalissure des bateaux. Même à de très faibles doses, cette substance à propriétés herbicides peut avoir des effets particulièrement ravageurs sur le milieu végétal marin, en particulier sur le phytoplancton, qui est la base de toute la chaîne alimentaire de l'écosystème, ainsi que sur les herbiers de zostères qui sont un maillon primordial du fonctionnement du bassin d'Arcachon. Sa dégradation dans le milieu est très lente et sa rémanence est amplifiée dans les milieux semi-fermés, comme les eaux du bassin d'Arcachon.
Estimant que cette substance devrait purement et simplement être interdite à la commercialisation, je demande au Gouvernement d'exiger des industriels, à tout le moins, la déclaration de la composition exacte de leurs produits et un étiquetage précis à destination des consommateurs.
Enfin, une procédure d'autorisation de mise sur le marché, à l'instar de celle s'appliquant aux médicaments, ne serait-elle pas envisageable pour ces substances particulièrement toxiques et qui s'accumulent dans le milieu naturel ? Une telle démarche en direction de tous les pesticides me semble constituer une application raisonnable du principe de précaution pour préserver l'avenir des écosystèmes aquatiques et des nappes phréatiques.
L'inventaire des substances chimiques qui sera réalisé dans les prochains mois en application du règlement communautaire REACH doit être aussi, me semble-t-il, l'occasion d'un renforcement des règles de mises sur le marché et de dispersion de toutes les formes de biocides.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame des Esgaulx, je vais m'efforcer de répondre avec précision à la question très bien documentée que vous venez de poser.
Vous avez fait part de votre inquiétude relative au taux inquiétant d'Irgarol relevé par l'IFREMER dans le bassin d'Arcachon. L'Irgarol est, je le rappelle, un produit biocide antisalissure appliqué sur les coques des bateaux afin d'éviter le développement des algues. Cet algicide de la famille des triazines - un nom qui évoque plusieurs produits frappés d'interdiction - vient en remplacement des produits antifouling à base de composés organostanniques interdits d'usage par décret du 2 octobre 1992, sauf pour quelques applications très spécifiques.
La mise sur le marché de l'Irgarol est, comme c'est le cas pour toutes les substances biocides, encadrée par le code de l'environnement dans sa partie législative ainsi que par le décret du 26 février 2004 relatif à la mise sur le marché des produits biocides, transposant la directive européenne 98/8 visant à assurer un niveau de protection élevé de l'homme, des animaux et de l'environnement. Il s'agissait de ne mettre sur le marché que des produits biocides efficaces et ne présentant pas de risques inacceptables pour l'homme et pour l'environnement.
La procédure d'autorisation de mise sur le marché de produits biocides se décompose en deux étapes et est assez similaire à celle employée pour les produits phytopharmaceutiques.
Tout d'abord, les substances actives biocides sont évaluées suivant un programme de travail communautaire en quatre grandes vagues. Cette évaluation aboutit ou non à l'inscription des substances actives sur des listes communautaires de substances actives autorisées.
Dans un second temps, seuls les produits contenant des substances actives inscrites sur les listes communautaires peuvent, après instruction, obtenir l'autorisation de mise sur le marché au niveau national, l'autorisation étant délivrée par mon ministère.
La substance active de l'Irgarol, le cybutryn, a bien été notifiée par le producteur pour le type d'usage 21 - c'est-à-dire produit antisalissure - et est en cours d'évaluation par les Pays-Bas depuis avril 2006. La procédure étant communautarisée, l'évaluation conduite par les Pays-Bas vaut aussi pour nous. Dans l'attente de son éventuelle inscription sur les listes positives, ce type de produit n'est pas encore soumis à autorisation de mise sur le marché en France, ce qui signifie - assez curieusement, j'en conviens - qu'il peut être librement mis en vente sur le territoire.
Compte tenu du caractère potentiellement toxique de l'Irgarol pour les organismes aquatiques, je veillerai à ce que mes services examinent avec la plus grande attention le rapport d'évaluation néerlandais pour cette substance, qui devrait être soumis à l'ensemble des États membres de l'Union au plus tard avant fin 2009 - ce qui, j'en conviens également, n'est pas suffisamment tôt. Dans cette attente, les services du ministère procéderont prochainement à un nouvel examen des conditions d'utilisation de ce produit et de son impact environnemental - tant sur la faune que sur la flore aquatique - dans les marinas ou les bassins à faible renouvellement d'eau, c'est-à-dire là où se pose le problème.
Par ailleurs, et sans attendre une éventuelle autorisation de mise sur le marché, le fabricant de ce produit biocide est dans l'obligation de l'étiqueter. En application de l'article 10 de l'arrêté du 19 mai 2004, l'identité de la substance active biocide contenue dans ce produit doit obligatoirement figurer sur l'étiquette d'un produit biocide contenant de l'Irgarol. S'agissant d'une préparation dite dangereuse, les phrases de risque et les conseils de prudence doivent également y figurer. Par ailleurs, le fabricant est tenu de fournir à l'INRS les informations relatives à ce produit, notamment sa composition chimique, à des fins de toxicovigilance. Enfin, tout ceci ne saurait préjuger des décisions relatives aux produits chimiques qui pourraient être prises à l'issue de la table ronde finale du Grenelle de l'environnement qui doit se tenir dans quelques semaines, puisqu'il a été très explicitement envisagé de sortir du marché dans un délai de deux ans certaines substances particulièrement dangereuses, et de diviser par deux l'impact de l'utilisation des autres dans un délai de cinq ans.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État.
La toxicité de la molécule de l'Irgarol nous renvoie à la crise ostréicole de la fin des années 70, qui avait été provoquée par les sels d'étain - les TBT - présents dans les peintures antifouling, ce qui explique que nous soyons particulièrement sensibilisés à ces questions. On trouve aujourd'hui dans le bassin d'Arcachon des produits commercialisés portant la mention " hautement toxique dans l'eau ", et il nous paraît donc nécessaire d'aller beaucoup plus loin que la simple mesure d'étiquetage que vous proposez. C'est en tout cas le souhait du bassin d'Arcachon, qui a toujours été exemplaire en matière d'environnement - et même pionnier dans certains domaines, puisque nous sommes le premier centre naisseur d'Europe - et qui espère être destinataire des études qui seront menées. Nous nous félicitons que la cohabitation se passe pour le mieux, dans notre bassin, entre les ostréiculteurs et les plaisanciers. Ce ne sont pas ces derniers qui sont montrés du doigt, mais, plus en amont, les industriels, à qui il revient de régler le problème.

Données clés

Auteur : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

Type de question : Question orale

Rubrique : Produits dangereux

Ministère interrogé : Écologie, développement et aménagement durables

Ministère répondant : Écologie, développement et aménagement durables

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 2007

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