Question orale n° 678 :
tribunaux des affaires de sécurité sociale

13e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Chantal Robin-Rodrigo attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme en cours de la carte des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) qui prévoit le regroupement des juridictions sociales traitant moins de 550 affaires traitées par an. Le TASS du département des Hautes-Pyrénées, élisant son siège au tribunal de grande instance de Tarbes, traite 379 affaires nouvelles par an et serait susceptible d'être supprimé au profit d'un regroupement sur Pau. En l'état actuel, aucune raison valable ne justifie la disparition de cette juridiction de proximité. En effet, aucun des TASS du ressort de la cour d'appel de Pau n'atteint le seuil de 550 affaires par an et les délais de jugement du TASS de Pau atteignent deux ans. Une telle réforme aurait pour conséquence d'allonger les délais de jugement et augmenter un peu plus la durée des procédures, autant d'éléments qui desservent les principes d'une bonne administration de la justice et qui éloigne la juridiction des justiciables en les décourageant de faire valoir leur droit. Enfin, cette réforme aurait des conséquences sur le devenir même du tribunal de grande instance de Tarbes qui, dépouillé du pôle de l'instruction et de la plupart de ses contentieux, n'aurait plus qu'une activité réduite de tribunal de seconde zone. Elle lui demande donc si elle compte revenir sur ce projet et examiner les propositions portées par les parlementaires et les magistrats du barreau de Tarbes, dans l'intérêt des justiciables des Hautes-Pyrénées.

Réponse en séance, et publiée le 8 mai 2009

CARTE DES TRIBUNAUX DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DANS LES HAUTES-PYRÉNÉES.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour exposer sa question, n° 678, relative à la carte des tribunaux des affaires de sécurité sociale dans les Hautes-Pyrénées.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, après que le Gouvernement s'est engagé, sans concertation préalable, dans une réforme de la carte judiciaire, sont visés aujourd'hui les tribunaux des affaires de sécurité sociale - les TASS -, au nombre de 115. La réforme prévoit le regroupement de ceux qui traitent moins de 550 dossiers nouveaux par an, soit quarante-quatre tribunaux. Autant dire qu'il reste peu de marge pour la concertation !
Une nouvelle fois, le département des Hautes-Pyrénées est concerné - je devrais dire dépouillé -, puisqu'il est question de supprimer son TASS, élisant son siège au tribunal de grande instance de Tarbes, et de transférer son activité au TASS de Pau. Pourtant, on observe que sur la période 2005-2007, Tarbes, avec une moyenne de 422 affaires par an, en traite presque autant que Pau, avec 452.
Cette décision aboutirait à éloigner un peu plus les justiciables du service public de la justice. Il est d'ores et déjà certain que l'éloignement du TASS découragera certains d'entre eux, en raison des complications ainsi créées.
En l'état actuel, les élus des Hautes-Pyrénées rejettent cette réforme.
En premier lieu, en effet, elle ne vise nullement à améliorer la qualité du service public. C'est même tout le contraire ! Le TASS est la juridiction de proximité par excellence, pour des personnes fragilisées qui le sollicitent à l'occasion de litiges liés à des accidents du travail, à des questions d'indemnités journalières ou à des fautes des employeurs. Très souvent, les victimes se défendent seules et n'ont pas recours à un avocat. Sur le contentieux de 2008 du TASS de Tarbes, les avocats sont intervenus seulement dans 35 % des affaires. Il s'agit donc d'une juridiction où les justiciables viennent majoritairement défendre en personne leurs droits.
En regroupant à Pau les TASS de Tarbes et de Pau, la réforme éloignera un peu plus les citoyens de leurs juges et, les contraignant à un plus grand nombre de déplacements, les obligera à des frais supplémentaires.
Ensuite, le Gouvernement a décrété un seuil de 550 affaires traitées par an : or aucun des TASS du ressort de la Cour d'appel de Pau n'en traite autant, pas même le TASS de Pau, comme je l'ai déjà souligné. Ce seuil de 550 affaires n'a donc strictement aucune signification, à moins d'adopter une vision strictement comptable. Avec 422 affaires en moyenne, considère-t-on que le TASS de Tarbes ne satisfait pas aux critères d'une justice de qualité ? Actuellement à Pau, le délai pour juger les affaires est de deux ans alors qu'à Tarbes, il n'est que de quatre mois ! Imaginez combien de temps il faudra pour traiter l'ensemble des dossiers, soit plus de 1 200 si le TASS de Pau traite aussi les affaires de Tarbes et de Bayonne ! L'argument du Gouvernement ne tient pas. Pourquoi ne pas alors transférer le TASS de Pau à Tarbes ?
On le voit, cette réforme n'est pas au service des justiciables. Elle ne fera qu'engorger les tribunaux, ralentir les procédures et décourager le citoyen : autant d'éléments qui desservent les principes d'une bonne administration de la justice. À mon sens, le service public de la justice doit être au service de la population et non l'inverse.
Par ailleurs, la notion d'aménagement du territoire est totalement absente de votre projet. On ne tient nullement compte des particularités géographiques et des réalités de notre département, essentiellement de montagne, et on fait fi des problèmes d'accessibilité pour les justiciables.
Enfin, cette réforme ne peut que fragiliser davantage le tribunal de grande instance de Tarbes.
Mme la présidente. Je vous prie de conclure, madame la députée.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Après avoir perdu le pôle de l'instruction au profit de Pau, les tribunaux d'instance de Lourdes, de Bagnères et de Lannemezan, on peut légitimement s'interroger sur son devenir dans les prochaines années.
Le Gouvernement a-t-il l'intention ou non de maintenir le TASS de Tarbes ? Quelles assurances peut-il me donner à ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Madame la députée, je répondrai très concrètement à votre question, espérant par là même calmer vos inquiétudes.
Les 115 tribunaux des affaires de sécurité sociale sont chargés de régler - vous l'avez rappelé - les litiges relatifs à l'application de la législation de la sécurité sociale. Chacun est présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire, assisté de deux assesseurs élus et d'un secrétariat composé d'agents administratifs. Les TASS constituent à ce titre une juridiction sociale.
Afin d'obtenir une meilleure affectation des moyens de la justice et d'améliorer la qualité du service public rendu aux justiciables, un avant-projet de réforme, élaboré conjointement par les ministères de la justice, du travail et de l'agriculture à partir du mois d'octobre 2008, envisage de rassembler, au sein de TASS de taille plus importante, les TASS saisis de moins de 550 requêtes nouvelles en moyenne annuelle - TASS dont le nombre est estimé à ce jour à quarante-quatre, dont cinq en Midi-Pyrénées : Auch, Foix, Rodez, Cahors et Tarbes.
Ce regroupement a été envisagé dans un contexte où, grâce à la récente simplification des procédures administratives, la diminution du nombre de requêtes émanant d'institutions publiques réduira sensiblement la charge de travail des TASS, avec un effet positif sur les délais de jugement.
Concernant les personnels des TASS, l'avant-projet prévoit que les agents des administrations sociales qui assurent en partie le secrétariat des TASS et qui seraient éventuellement concernés par cette réorganisation seraient affectés dans les directions régionales ou départementales du secteur social, sans mobilité géographique obligatoire.
Afin de vérifier l'adéquation de ces propositions aux réalités locales, notamment pour ce qui est de l'accessibilité aux justiciables, cet avant-projet a fait l'objet d'une large consultation locale durant les mois de février et de mars derniers, concertation menée par les premiers présidents de cours d'appel et les procureurs généraux près les cours d'appel, d'une part, et par les préfets de région, d'autre part. Il a été demandé à ces derniers de porter une attention spécifique à la consultation des parlementaires et des élus locaux. Dans le même esprit, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés a été reçue par les directions des ministères concernés.
Ainsi, vous l'aurez compris, il ne s'agit ni d'un projet définitivement arrêté, ni d'une réforme visant à remettre en cause l'existence et la spécificité des TASS.
En fonction des résultats de la concertation menée au niveau local, qui viennent de nous parvenir et qui feront l'objet d'une analyse approfondie au cours du mois de mai par les ministères concernés, cet avant-projet pourra être mis en oeuvre totalement, partiellement ou bien faire l'objet d'un réexamen.
Rien n'est encore décidé. Il existe des propositions alternatives et en particulier un scénario selon lequel le TASS de Tarbes, plutôt que d'être regroupé avec celui de Pau, accueillerait celui d'Auch avec un meilleur service de proximité. La décision d'appliquer l'un ou l'autre de ces scénarios ou bien de maintenir en l'état les activités du TASS de Tarbes, ne pourra être prise qu'en même temps que les décisions concernant l'ensemble des autres TASS, en particulier les huit TASS situés dans la région Midi-Pyrénées, et une fois terminée l'analyse des scénarios possibles, et conformément aux principes qui seront établis en concertation avec le ministère de la justice. Ainsi, une décision d'ensemble sera vraisemblablement prise avant la fin du mois de juin.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question orale

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 avril 2009

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