affaires étrangères et européennes : fonctionnement
Question de :
M. Dominique Souchet
Vendée (5e circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe
M. Dominique Souchet interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur les conséquences que pourrait avoir l'adoption du traité de Lisbonne sur l'organisation et le fonctionnement du ministère français des affaires étrangères. Il lui demande, dans l'hypothèse où le traité de Lisbonne serait finalement ratifié par les vingt-sept États membres, quels seraient le nombre et la proportion d'agents français détachés dans ce cadre à Bruxelles sur un total évoqué de 7 000 agents et quel serait par ailleurs le statut de ces agents. Il lui demande enfin si certains services du Quai d'Orsay seraient appelés à disparaître en liaison avec la création de ce service diplomatique européen.
Réponse en séance, et publiée le 3 juin 2009
INCIDENCES DE L'ADOPTION DU TRAITÉ DE LISBONNE
SUR L'ORGANISATION DU QUAI D'ORSAY
M. Dominique Souchet. Ma question s'adresse à M. Kouchner, et je remercie Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme de le représenter.
Alors même que le traité de Lisbonne n'est toujours pas ratifié, on anticipe à Bruxelles, dans la plus grande discrétion, la création d'un important service européen pour l'action extérieure. Celui-ci constituerait un véritable et vaste service diplomatique sur lequel s'appuierait le Haut représentant pour les affaires étrangères, afin d'exercer les fonctions que lui attribue le traité de Lisbonne et qui sont purement et simplement décalquées du projet de Constitution.
La création de ce service diplomatique européen relevant à la fois du Conseil et de la Commission, conformément à la double nature du Haut représentant, suscite de nombreuses interrogations, notamment au sein du Parlement européen, qui regrette de se heurter à une certaine opacité, sinon à une opacité certaine, à propos des préparatifs en cours. La question de la nature et du format de ce Quai d'Orsay bruxellois revêt d'autant plus d'importance qu'il s'agit d'une évolution majeure de l'architecture institutionnelle européenne vers le super-État.
Allons-nous vers une marginalisation des services diplomatiques nationaux, liée à un transfert important de moyens mis au service de celui que le Président de la République qualifie de " ministre des affaires étrangères avec un autre nom " ? Comment les conséquences qu'aurait la création de ce service diplomatique européen sur l'organisation et le fonctionnement de notre ministère des affaires étrangères ont-elles été évaluées ? Certains services du Quai d'Orsay sont-ils appelés à disparaître ? Dans le cas inverse, certaines redondances ne sont-elles pas à craindre, entre Conseil, Commission et ministères nationaux ?
À propos du service pour l'action extérieure unique, le chiffre de 7 000 agents a été cité récemment au Parlement européen comme étant celui qui lui serait affecté pour démarrer. Cet ordre de grandeur correspond-il aux souhaits du gouvernement français ? Combien d'agents diplomatiques français le ministère des affaires étrangères envisage-t-il de transférer à Bruxelles dans le cadre de ce service ? Le département compte-t-il donner suite à la recommandation de M. Lamassoure d'envoyer à Bruxelles les meilleurs diplomates de chaque service national pour que la diplomatie européenne ne soit pas seulement " une vingt-huitième diplomatie à ajouter aux vingt-sept existantes " ?
M. Lamassoure suggère également de débaptiser nos ambassades dans les pays de l'Union, d'y supprimer nos consulats et d'opérer des regroupements d'ambassades à l'extérieur. Le Gouvernement envisage-t-il d'endosser ses propositions ?
Enfin, la logique à l'oeuvre dans le traité de Lisbonne, notamment l'octroi de la personnalité juridique à l'Union, qui fait d'elle un acteur international à part entière, indépendamment des États membres, ne risque-t-elle pas de déboucher sur la demande par une majorité au Conseil, comme c'est déjà le cas au Parlement européen, que l'Union dispose en tant que telle d'un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies ?
M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Tout d'abord, vous avez raison, monsieur le député, de vous montrer prudent dans votre formulation. La ratification du traité de Lisbonne par les vingt-sept États membres n'est pas achevée et les dernières étapes à franchir ne seront pas les plus faciles. Mais, dès que la situation institutionnelle le permettra, il conviendra de préparer toutes les décisions indispensables à l'entrée en vigueur du traité et à son bon fonctionnement.
Le service européen pour l'action extérieure est une innovation importante qui doit renforcer la cohérence et l'efficacité de l'action de l'Union et des États membres, en favorisant l'émergence d'une culture diplomatique commune, sans bouleverser pour autant l'équilibre institutionnel. Il est bien clair que nous ne songeons pas à créer une nouvelle bureaucratie à Bruxelles - il y en a suffisamment ! À cet égard, le chiffre de 7 000 agents que vous avez cité est très excessif.
La France entend jouer pleinement son rôle dans la création de ce nouveau service. Puisque vous connaissez parfaitement ce département ministériel pour y avoir occupé différents postes pendant près de vingt ans, je vous répondrai de manière très précise.
Vous m'avez d'abord demandé si certains services du Quai d'Orsay sont appelés à disparaître. La perspective de la création du service européen pour l'action extérieure ne conduit pas à prévoir la disparition sèche de services du ministère. Cependant, dans le cadre de la réforme actuellement mise en oeuvre, certains connaissent une réorganisation. C'est le cas de la nouvelle direction de l'Union européenne, qui se substitue à la direction de la coopération européenne ainsi qu'au service de la politique étrangère et de sécurité commune.
Par ailleurs, la nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, la nouvelle direction de la prospective, et la modernisation du réseau diplomatique doivent également permettre de contribuer plus efficacement à la mise en oeuvre de la politique européenne.
Vous m'avez ensuite demandé quel serait le nombre d'agents français détachés dans le service européen pour l'action extérieure.
Je vous l'ai dit : nous souhaitons que la France joue tout son rôle dans la mise en oeuvre de cette nouvelle structure. Pour cela, il sera déterminant que nous apportions à cette dernière l'expertise dont nous disposons. Il faudra aussi que nos conceptions et notre philosophie de l'action internationale puissent être présentes dans les différentes composantes du service. Nous devrons donc être en mesure d'affecter à cette structure des agents de qualité. Il est toutefois trop tôt pour évaluer précisément leur nombre. Quant aux discussions sur la nature de leur statut, elles n'ont pas encore réellement repris.
Dans une conjoncture difficile pour ce département ministériel, en complément des redéploiements que nous effectuerons, nous n'excluons pas de demander quelques créations de postes dans le projet de loi de finances pour 2010.
Auteur : M. Dominique Souchet
Type de question : Question orale
Rubrique : Ministères et secrétariats d'état
Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes
Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2009